Noir

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                     J'apprécie la version déformé de la vie que m'offre la nuit. J'éprouve une certaine plénitude dans cette vie différente de celle que veut m'offir la société diurne, une certaine délivrance dans cette vie pleine de défauts et d'ivresse apportée par la la vie nocturne de ma ville, de n'importe quelle ville en faite, du moment que cette ville apporte avec elle son lot d'alcool et de narcotique.

Cette vie nocturne qui me permet d'oublier mes problèmes, de me détacher complètement de la réalité à grands coups de shooters ou de bouffées de THC.

Cela fait déjà plusieurs nuit d'affilées que je noie mes problèmes dans cette vie sombre et trouble qui me fait éprouver pour elle à la fois du dégout et de l'affection.
Je tente de la renier, de la rejeter, mais elle revient toujours vers moi, inlassablement, inévitablement, elle me ramène en son sein, elle me nourrit de ses idées perverses, de ses espoirs déviants.
Cette vie fait de moi sa chienne et je ne peux m'empécher d'apprécier ce traitement.

Plusieurs jours, où devrais je dire plusieurs nuits, que je m'oublie dans ses bras, que je tente d'oublier les traitement méprisables que me réserve mon patron au travers de ses vices.
Car c'est bien cela qui me fait vivre de cette façon, ou est-ce seulement une excuse que j'essaie de me trouver pour les comportements déviants auxquels je m'adonne quotidiennement ? Je ne saurais le dire. Toujours est-il que je me laisse aller à ces vices, et qu'ils me permettent d'oublier le train-train quotidien d'une vie terne et morne. Se lever tous les matins à la même heure, pour aller travailler au sein d'une corporation incapable de valider le caractère humain des personnes qu'elle emploie. Une corporation qui ne considère ces personnes que comme de simples pantins, des marionnettes, destinées à améliorer le chiffre d'affaire annuel, ni plus ni moins.

Mais ce soir j'ai décidé de mettre fin à ces soufrances, j'ai décidé d'abréger le supplice que m'impose cette société qui place les résultats trimestriaux au dessus de la santé mental de ses employés.
Car ce soir j'ai décidé de sauter de ce toit que j'observe depuis longtemps avec envie et hésitation.

Après tout, qu'est ce qui pourrait bien me forcer à subir ces atrocités un jour de plus, qu'est ce qui pourrait me convaincre de subir la tyrannie de mon employeur plus longtemps ?
Même si je sais pertinnemment que je ne suis qu'un souffre-douleur, qu'une manière de relacher cette souffrance que lui même subit au quotidien. Je sais parfaitement bien qu'il ne me fait pas souffrir par plaisir, tout comme je sais que la cruauté de la société n'est pas engendrée par un monstre cornu se délectant de la souffrance et de la solitude d'autrui.

De nombreuses pensées m'assaillent l'esprit tandis que je m'approche du précipice qui entrainera ma chute irréversible :

Que va penser ma famille ?

Que vont penser mes amis ?

Que vont penser mes collègues ?

Que vont penser tous les gens que je connais ?

Et tandis que le vide s'offre à moi dans toute sa plénitude, je me demande ce que chacun d'entre eux pourrait bien penser de moi une fois que j'aurais accompli cet acte irréversible et insensé.

La vie vaût-elle vraiment d'être vécu ?

Y'a t-il une raison qui pourrait me forcer à continuer de vivre cette existence qui m'est devenue inssuportable ?

Y'a t-il un moyen de traverser cette tempête incessante sans en sortir détruit plus que je ne le suis déjà ?

Qu'est ce qui m'attend dans cette vie, si ce n'est la douleur, l'échec et le regret ?

Qu'est ce qui m'attend dans la suivante ? Hormis le néant et l'absence de soufrance ?

Qu'est ce qui m'attend dans cette prochaine vie que j'attends impatiemment ? L'absence de soufrance, de regrets, de tristesse, tout cela ne peut faire que réver.

Mais... Bien que cela m'ait fait rêver pendant très longtemps, maintenant que je me retrouve devant ce vide insondable, de nouvelles vérités commencent à m'apparaitre, et des révélations s'offfrent d'elles même à la lumière du jour.

Après tout, lorsque je commence à y réfléchir, je me rends compte que ce monde de soufrance que je cherche à quitter est peut-être charitable envers moi, lorsque je me compare à d'autres misérables.

Je cherche à semer la souffrance, à la fuir jusqu'au bout du monde et même au delà, mais cette absence de souffrance que je cherche n'est t-elle pas pire que tout ? Sans souffrance, le plaisir ne peut exister, sans malheur le bonheur ne peut exister, et ainsi de suite...

Je cherche à rejoindre un monde de nullité absolue, mais suis-je vraiment prêt à quitter ce monde de plaisir et de renouveau éternelle pour cette autre monde ?

Plus j'y réfléchis, et plus ce choix me semble improbable. Accomplir cet ultime pas en vaût-il le coup ?

Il me reste tellement de choses à découvrir et à apprécier dans ce monde disgracieux, tellement de désirs à assouvir dans ce monde rempli de tentations.

Bien sur que je souffre, bien sur que certains matins le reste de ma journée me semble être une épreuve impossible à traverser, bien sur que souvent les mots de mes proches me blessent et bien sur que souvent je me demande si cette vie vaût vraiment le coup d'être prolongée.

Mais je m'éloigne tout de même de ce précipice qui aurait dût entrainer ma fin, et je lui crache ma volonté au visage, je lui cries que je ne suis pas un jouet du destin, que je ne suis pas un pantin dont les ficelles sont à la merci de n'importe quelle entité se présentant devant lui.

Je lui hurle au visage que j'ai décidé de vivre, pour toutes ces petites raisons, ces petites tentations, ces petits bonheurs que je n'ai pas encore connu et ce malgré ces malheurs qu'il me reste à connaître, ces histoires qui me resteront inconnues si j'accomplis ce geste, ces embrassades que je ne saurais vivre, ces évènements que je m'en voudrais de manquer, ces vies auxquelles j'aurais dû attacher les fils de mon destin, ces caresses sur le corps d'un être aimé, ces paroles que je n'aurais sût dire autrement, ces premiers baisers brûlants et cette sensation qui me semble comme un millier de papillon dans le ventre , qui valent bien d'endurer la souffrance de plusieurs vies sur cette terre.

NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant