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Johanna avait eu une jolie vie, bien tranquille, et tout le temps de se préparer à mourir. Elle avait une leucémie dégénérative depuis sa naissance. L'idée de le mort, elle était quasiment née avec. Aussi, quand, à l'hôpital, elle se releva, légère et libérée de la sensation d'épuisement et de nausée qui l'assommait depuis des semaines, et qu'elle vit son corps resté allongé, sans vie sur le lit d'hôpital, elle ne ressentit que du soulagement. Elle se leva, abandonnant son corps inerte derrière elle, et s'engagea dans le couloir blanc et aseptisé de l'hôpital. Elle sortit dans le parc et leva son visage fantôme vers le soleil pour en sentir la chaleur. Elle ne sentit rien, bien sûr, les morts n'ont plus de sensations, mais revoir le soleil lui fit du bien, après avoir été enfermée dans un hôpital depuis des semaines. Elle était un peu triste pour ses parents, bien sûr, mais ils avaient dû se faire à l'idée, eux aussi.
Elle s'avança jusqu'au portail, sans but précis. Un taxi jaune était garé devant. Johanna n'y prêta pas attention, jusqu'a ce qu'elle ne se rende compte que le chauffeur, un jeune homme d'une vingtaine d'année, roux, et le visage constellé de tâche de rousseurs, ne la quittait pas des yeux. Elle s'approcha, sans crainte, car on ne meurs qu'une fois, et pour sa part, c'était déjà fait. Le chauffeur la salua joyeusement :
- bonjour jeune fille !
- bonjour ... Répondit Johanna, un peu surprise.
- félicitations pour ta guérison ! Je suis le taxi chargé de t'amener à la maison de repos !
- Vous embêtez pas. J'ai vu mon corps.
- Oh... Désolé alors. Tu monte ?
- Pour aller où ?
- Dans un endroit où tu trouvera d'autres fantômes comme toi.
- Comme moi ? Mais comment ...
Avant d'avoir pu finir sa phrase, sans comprendre comment, la jeune fille se retrouva dans le taxi.
- Désolé, mais je dois te ramener la bas. S'excusa le chauffeur avait de fermer la vitre qui séparait l'avant de l'arrière de le voiture. Johanna voulut protester, mais elle se sentit tomber sur le côté et s'affala sur la banquette, endormie.

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La jeune fille ne se réveilla qu'a la fin du trajet, et donc sans la moindre information sur l'endroit où elle se trouvait. Le taxi était stationné devant une haute grille en fer forgé encastrée dans un mur de pierre qui délimitait la propriété. Au delà du portail, au bout d'une allée de gravier, un manoir imposant se dressait, majestueux, encadré de tourelles élancées. Étrangement, les fenêtres du rez de chaussé étaient toutes murées, et on accédait à la bâtisse que par un escalier qui menait au premier étage.
- Va frapper à la porte. Lui indiqua le chauffeur, coupant cours à ses réflexions. Elle s'exécuta, car elle ne savait absolument pas où elle se trouvait, et que fuir dans ces conditions aurait été parfaitement stupide. En fait elle aurait très bien pu partir, car elle n'avait plus besoin de se nourrir, mais elle n'était pas encore parfaitement à l'aise avec sont état de fantôme.
Elle s'engagea dans l'allée, écoutant le bruit familier du gravier sous ses pas. Elle se concentrait sur tout ce qui pouvait détourner son attention du manoir et de ce qui l'y attendait.

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Johanna frappa trois coups au heurtoir sur l'imposante porte du bâtiment. Elle crut entendre une sorte de gong a l'intérieur et quelques secondes plus tard, un homme en costume empesé, rigide, vint lui ouvrir. Il s'inclina et lui souhaitant la bienvenue "au manoir" et se présentant comme Raoul, le majordome. Il semblait réellement sortir d'un autre temps. Johanna se présenta et l'informa qu'elle se savait déjà morte, afin qu'il ne perde pas son temps en mensonges inutiles.
- Très bien mademoiselle. Je suis très heureux de voir que mademoiselle s'est vite remise du choc. A présent si mademoiselle veut bien me suivre, je l'emmène chez le docteur Roy.
La jeune fantôme le suivit à l'intérieur du bâtiment dans un hall carrelé de tomettes rouge brique et où un escalier double déployait ses courbes de part et d'autres d'une petite porte. Sur le côté un couloir s'ouvrait sur une série de portes. C'est là que Raoul se dirigea. Il frappa deux coups précis sur l'une des portes et entra.
- Monsieur, voici Johanna...?
Il se tourna vers la jeune fille avec un air interrogateur.
- Johanna Jenkins.
- Eh bien Johanna, je suis ravi de te rencontrer. J'espère que tu te plaira dans notre établissement.
- Quels genre de fantômes atterrissent ici ? Demanda la nouvelle pensionnaire. Le docteur sembla à peine surpris qu'elle ai déjà connaissance de son état.
- Des fantômes qui ont refusé de partir pour l'au delà en raison d'un problème.
- Je n'ai pas de problème.
- Tous ceux qui sont ici en ont un. Tu va devoir découvrir le tien et nous allons tenter de le régler.
- Je peux voir ma chambre ? Demanda Johanna, pressée de couper cours à cette discussion qui la mettait mal à l'aise.
- Bien sûr ! Raoul va te montrer.
Le jeune fantôme se lève et suis le majordome vers l'escalier. Un silence assourdissant règne dans les couloirs.
- C'est toujours aussi calme ?
- Seulement les jours d'arrivée, ou tout le monde est enfermé le temps que l'on définisse si le nouvel arrivant est un gris ou un blanc.
- Un gris ou un blanc ? Comment ça ?
- Les fantômes gris sont ceux qui ont perdu leurs âme à leur mort en raison des crimes commis de leur vivant. Ils sont dangereux, c'est pour ça que quand un nouveau arrive, tout le monde s'enferme. Vous verrez les autres demain au petit déjeuner.
- Pas au dîner ?
- Ce soir, le dîner sera servit dans votre chambre. D'ailleurs nous y voilà.
Il désigne une porte en bois au milieu d'un couloir éclairé par des lampes à gaz fixées au mur. Johanna regarde rapidement les autres portes alignées le long du couloir. Elle sont toutes identiques, mais la plupart portent un écriteau portant le nom du propriétaire des lieux. La plus proche indique "Liam Anderson".

Le manoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant