#MeToo

-2-

Maintenant, lecteur, mets toi dans la peau de ta victime. Revis sa journée.

Ce matin, tu voulais mettre une jupe. Mais tu t'es ravisée au dernier moment, ne voulant pas te faire remarquer dans la rue. Tu voulais être invisible. Tu as donc mis une tenue passe partout, jeans, pull, baskets.

Tu sors, tu parcours à peine quelques mètres qu'un homme t'accoste. Il te dit que tu es belle. Tu ne réponds pas, espérant qu'il passe son chemin. Mais il continue. Tu accélères le pas. Il te suit. Tu es terrifiée. Tu ne réfléchis plus. Tu t'engouffres dans un cul de sac, mais c'est trop tard pour rebrousser chemin. Tu te retournes. Lentement. Tu es paralysée par la terreur. Il s'avance vers toi. Il te frappe. Toi, tu ne bronches pas. Tu as trop peur. Il te viole et te laisse, meurtrie, tes vêtements déchirés, à terre.

Tu restes comme ça pendant encore une demi heure. Puis tu rentres chez toi . Tu n'oses pas aller chercher une pilule à la pharmacie. Tu as trop peur qu'on te juge . C'est pour ça que, âgée de 15 ans , tu as accouché de ton premier enfant. Le fils d'un violeur. Tu ne pouvais pas avorter, mais tu ne pouvais pas non plus la garder. Tu l'as confié à l'orphelinat.

Rentrée chez toi, tu t'écroules sur ton lit, et tu éclates en sanglots. Tu n'en peux plus de vivre ainsi. Tu maudits les hommes.
Tu n'engageras aucun procès. Tu sais que tu vas le perdre d'avance. Tu ne dis rien, et tu te tais.