"Es-tu sûre que tu veux faire ça ?"
Je regarde pour la dixième fois Edgard, mon petit-ami depuis maintenant deux ans, et hoche la tête exaspérée.
"C'est juste que je m'inquiète pour toi tu sais, l'idée de te laisser seule avec une bande d'animaux en cage ne me rassure pas.."
Je le coupe, "Ce ne sont pas des animaux."
"Pour être en prison il faut être un animal assoiffé de sang Era."
Je ne répond pas à sa provocation et observe le paysage à travers la fenêtre. La civilisation loin derrière nous, les arbres dominent le paysage. Mon nouveau lieu de travail se trouve à l'abris des regards, en plein milieu des arbres. La prison de Kingsfate, un édifice élégant et immense cherchait il y a un mois un nouveau psychologue, je n'avais pas hésité à prendre ce poste. La vie en ville ne me convient pas.
"N'oublies pas de porter ton fond de teint."
J'hoche la tête, Edgard déteste mes tâches de rousseur. D'après lui "On dirait des tâches de sang, c'est répugnant.". Je sais qu'il n'est pas le seul à les détester, lorsque je ne porte pas de fond de teint les regards de dégoût me suivent.
Edgard gare sa Mercedes dans le parking vide et sors son téléphone. Il utilise l'écran pour recoiffer ses cheveux blonds que le vent a ébouriffé puis me regarde de ses yeux bruns.
"On peut retourner à la maison quand tu veux, appel moi quand tu veux." il pose sa main moite sur la mienne, et se penche pour m'embrasser. Je garde les yeux ouverts, alors que ses lèvres se posent sur les miennes.
Un, deux, trois, quatre, cinq. Je recule. Il souffle et se redresse sur son siège.
"Ouvre le coffre Edgard." Il obéit, je sors de la voiture, me dirige vers le coffre et descend mes bagages un à un. Il m'observe, le corps posé sur sa voiture de luxe. Malgré son air condescendant, lorsqu'il me sourit je ne peux m'empêcher de lui sourire aussi. Edgard reste important pour moi, j'ai développé un attachement particulier pour lui et il le sait. Il tend les bras, je me blottis à l'intérieur.
"Tu vas me manquer." Son torse musclé bouge en accord avec ses mots et son cœur s'emballe. Je lui embrasse le cou et m'éloigne. Je ramasse mes deux sacs et mes deux valises puis me dirige vers l'entrée. J'entends d'abord le moteur démarrer, puis les pneus crisser sur le bitume.
Pendant que les deux gardes postés à l'intérieur me fouillent, je prends mon temps et observe le hall. La beauté du hall me fait penser à une des maisons de vacance d'Edgard. Gris et or le hall est éclairé par des centaines de lumières, si ça n'étais pas pour la vingtaine de gardes paradant j'aurais pu oublier où j'étais.
"Era Liva Queen ?" Je me tourne vers une femme habillée et tailleur.
"Juste Era s'il vous plait."
Elle me tend sa main parfaitement manucurée, "Jean De LaCroix, enchantée," je prends sa main, "Vous deviez arriver hier, mais peu importe, je vous conduis à votre premier rendez-vous."
J'hoche la tête, elle commence ensuite à me guider à travers la prison. "Comme vous le savez, vous êtes sans vouloir vous offenser, une remplaçante, cela veut dire que vos patients ne sont pas encore au courant de votre venue." Nous montons des escaliers, " Ils peuvent se montrer exécrable, mais ne leur en voulez pas."
"J'y suis habituée, c'est mon travail."
Elle hoche la tête à son tour l'air pensive, "Bien, votre premier patient, est votre patient attitré c'est à dire que vous allez passer le plus clair de votre temps avec lui dans sa cellule, il est toujours très aimable, ne vous inquiétez pas." Malgré son air honnête, le fausseté de ses propos me frappent de plein fouet.
On entre dans un bureau bien fournis, elle me tend une blouse, un stylo, des dossiers et un cahier. "Je me permet de vous donner des affaires car vous êtes en retard, mais plus tard vous pourrez faire le tri."
J'enfile la blouse, et on sors du bureau. Le couloir des détenus est silencieux.
"C'est trop calme." Je chuchote.
"Il est sept heure, la plupart dorment encore."
La seule raison pour laquelle j'ai accepté de travailler à Kingsfate est grâce à son traitement hors du commun envers ses prisonniers. Pas de réveil brutal à 6h du matin, pas de jet d'eau violent, pas de nourriture immangeable, ici les prisonniers sont riches, très riche. Ce qui reste assez paradoxales, dans cette prison les prisonniers sont les plus grosses figures de puissance.
Nous arrivons devant une cellule au fond du couloir. Jean sort une clef de sa poche et me la tend.
"Cette clé permet d'ouvrir cette porte, seulement celle là. Ne la perdez surtout pas." Avant même d'écouter ma réponse elle se tourne et s'en va la queue entre les jambes, laissant derrière la puanteur de la peur.
J'ouvre la porte, à l'intérieur, couché sur son lit, un bras sur les yeux un homme dort paisiblement. Ses délicats ronflements se stoppent dès que j'entre dans la cellule.
"Jenance, encore trois mois, tu sais comment faire ça n'est ce pas ?" Malgré le sommeil qui règne sur sa voix, la puissance de son ordre vole dans la pièce.
"Jenna c'est votre ancienne psychologue n'est pas ?" je m'assoies sur une chaise et l'observe marquer un temps d'arrêt.
"Jenance, Jenance, il va falloir que je te retrouve et que je m'occupe de toi..." il souffle, toujours sans me donner un regard.
D'après ce que j'avais entendu avant d'arriver ici, Jenna Brokarv, une psychologue compétente avait présentée sa démission sans aucune raison valable et n'avait pas donné de nouvelles depuis. Je comprends à présent la raison de sa terreur.
Je regarde les dossiers que Jean m'a donné, "Zion c'est ça ?"
Il bouge un minimum son bras et m'observe d'un œil d'un vert à couper le souffle.
"Tu sais comment faire ? Il te suffit de marquer que je vais bien mais qu'il me faut encore trois mois de sursit avant que je puisse sortir, simple n'est ce pas ?"
Je ne réponds pas et note sur mon carnet : Sentiment de supériorité.
"Réponds moi."
Polie mais un peu menaçant.
Il bouge enfin de son lit pour s'asseoir complètement. Il garde un œil fermé et baille.
"Je ne voulais pas en arriver là. Ecoute Ginger.. Je peux t'appeller Ginger n'est ce pas? J'ai besoin de passer trois mois de plus dans cette putain de prison alors avant que je ne t'attrape par la gorge et que je te fasse vomir ton repas de ce matin, note ce que je viens de te dire." Il se pince le nez.
Vu qu'il me tutoie je décide d'en faire de même, "Pas besoin de t'inquiéter, tu vas passer encore cinq ans ici, tu as tout le temps."
Il se lève et frappe le mur laissant une énorme fissure dessus en murmurant, "Je sais pas qui t'as engagé mais je vais m'occuper de lui aussi."
Violent.
"Où tu peux t'asseoir et on peut parler." Il m'observe cette fois ci les deux yeux ouverts, et je remarque que l'un d'eux est violet. C'est magnifique. Il a les cheveux noirs avec quelques reflets blonds et roux. Sa silhouette est parfaite, ses muscles semblent déborder de ses vêtements.
Je tente encore une fois d'avoir une discussion conventionnelle avec lui, "Zion n'est ce pas ?"
Il semble réfléchir un instant puis se rassied et hoche la tête, "En chair et en os Ginger."