❄1- Perdue dans les froids éternels❄

120 13 10
                                    


Tout au nord, il y a le froid, le silence. Le bleu du ciel et les dorures blanches du soleil.

Tout au nord, il y a toi qui me garde captive.

À l'horizon, l'or du soleil couchant étincelait.

Le souffle puissant du vent balayait l'immensité de la plaine de flocons. Le givre avait scellé la terre dans un long sommeil. On n'entendait que les hurlements lointains des bourrasques, le bruissement provoqué par leur passage entre les aiguilles des sapins. La nuit tombait lentement. Déjà, le ciel laissait disparaître ses parures de braise ardentes. La lune émergeait des franges de nuages, pâle et disquaire.

Près des grands arbres, une petite silhouette avançait, pas à pas, luttant péniblement contre la bise. C'était une femme frêle qui semblait peu habituée aux rigueurs des montagnes, et de longues mèches très blondes, presque blanches, voltigeaient autour de sa tête nue. Elle était légèrement vêtue. Sa robe de satin était à peine recouverte d'une étoffe de fourrure, et elle tremblait de froid, les lèvres bleuies.

Elle fuyait quelqu'un. Mais cela, personne ne pouvait le soupçonner, puisque la  montagne du Nord était déserte. Éléanor était seule, et cela ne l'effrayait pas. Elle était déterminée à partir, cette fois. À tout prix. Rien ni personne ne se mettrait au travers de son chemin. Une fine lame, bien aiguisée, était dissimulée sous son manchon, contre les hommes, les bêtes, voire même les démons qui, selon la légende, peuplaient la montagne.

La jeune femme avait une destination bien précise. S'enfuir dans la tempête, en terre inconnue, était une voie qui ne pouvait conduire qu'à la mort, et elle ne le savait que trop bien. Non, Éléanor se rendait quelque part, mais elle n'était pas certaine ne pouvoir y arriver avec la nuit qui s'annonçait.

Peu importe, elle continuerait d' avancer jusqu'à en tomber de fatigue.

À cet instant, alors qu'elle pénétrait sous le couvert des conifères, un hurlement retentit.

Elle se retourna vivement. Rien derrière elle. Rien devant elle non plus. Pourtant, le cri se répercutait encore entre les montagnes, résonnant. L'obscurité s'épaississait lentement. Les arbres avaient l'avantage de la couvrir des rafales de vent glacé, mais leurs branches touffues d'aiguilles lui cachait aussi la lumière du ciel. Éléanor inspira profondément, se calmant du mieux qu'elle le pouvait. Sa position périlleuse jouait sans doute sur ses nerfs. Il n'y avait personne ici, et les quelques rares mammifères susceptibles de produire un tel son devaient être terrés dans leurs grottes, ne souhaitant pas s'exposer à la violence de la tempête. Il fallait absolument qu'elle reprenne le dessus sur ses émotions confuses si elle voulait arriver à sortir de cette forêt maudite.

Alors, elle se remit en marche, évitant les branches et les racines camouflées sous la neige. Mais son rythme cardiaque ne se ralentissait pas. À sa fatigue physique s'ajoutait la terreur qu'avait provoqué en elle ce cri inhumain, et sa tête lui tournait étrangement. Comme si elle avait été enfermée dans un mauvais rêve dont elle essayait désespérément de se sortir, mais qui la gardait prisonnière.

Éléanor était si épuisée qu'elle ne remarqua pas que les larges empreintes imprimées dans la neige. Toujours est-il qu'elle sortit du couvert protecteur des arbres et se retrouva dans la clairière avant même d'avoir pu s'arrêter.

Le vent lui claqua au visage comme une gifle. Elle cligna des yeux, trébuchant contre le sol glacé, et son étourdissement se fit de plus en plus fort. Elle gémit tout bas, se recroquevillant sous le choc de la douleur, et se releva avec peine.

La piste blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant