OS 2

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Elle est là, silencieuse, recroquevillée dans un couloir de son lycée. Elle a ramené ses jambes contre sa poitrine, les encerclant des ses bras comme pour protéger son coeur meurtri.
Elle a rentré la tête dans ses bras, pour ne pas voir ou ne pas être vue.
Mais être vue par qui ? Ce couloir est désert et c'est pour cette raison qu'elle s'y est laissé choir. Elle sait bien qu'à cette heure, personne n'y passe.
Personne ? Non, elle sent une présence. Elle qui voulait être seule, c'est raté.
Mais elle ne s'arrête pas de pleurer car, au fond d'elle, elle sait que cette présence n'est pas malveillante.
Et elle a raison puisqu'elle sent bientôt une personne s'accroupir à côté d'elle. Elle ne lève pas la tête et sent une main venir caresser son dos. Elle se contente de se laisser faire, et continue de pleurer.
Elle en a bien besoin, de pleurer. Mais elle a aussi besoin d'être réconfortée, elle le sait. Alors elle laisse couler ses larmes si longtemps retenues et s'abandonne dans ce bras inconnus.
Elle sait bien que la personne lui est inconnue. Elle ne reconnaît pas la main qui lui frotte doucement le dos. Elle ne reconnaît pas non plus les gestes attentionnés et inquiets de la personne qui la rassure. Et elle ne saurait dire à qui appartient la tendresse et l'envie de protection qui est si présente dans cette personne.
La seule chose dont elle est sûre, à ce moment précis, c'est que l'individu en face d'elle est gentil, et à l'écoute des autres. Peut-être même prêt à l'aider.
Alors elle lui raconte. Elle raconte son histoire, elle raconte ses problèmes. Elle raconte ses joies et ses peines. Elle raconte son angoisse, elle raconte sa colère. Elle raconte son envie d'être elle-même. Elle raconte son passé, elle raconte son présent. Elle raconte même ses rêves et ses idées d'avenir.
Et pendant tout ce temps, l'inconnu(e) l'écoute, et sa main ne cesse de caresser son dos.
Elle donne sa confiance à quelqu'un qu'elle ne connaît pas et, même si elle sait qu'il y a un risque, elle ne le regrette pas.
Et une fois qu'elle a fini, une fois qu'elle a tout dit, elle se sent un peu mieux.
Elle se sent apaisée, elle se sent plus légère. Elle n'a plus le poids qui la tenait prisonnière.
Alors, la personne près d'elle lui intime de se lever.
Elle ne sait pas pourquoi, mais elle se laisse convaincre par cette voix rassurante. Elle n'a plus rien à perdre, à présent. Elle a perdu ce jeu de façade, elle s'est laissée allée au désespoir. Elle a laissé tomber son masque de joie et cette personne l'a vue. Elle a été vue telle qu'elle était vraiment, sans son masque habituel de femme forte et sans faille. Alors le mal, s'il y en a un, est déjà fait.
Une fois debout, elle se sent attirée vers l'avant.
Elle est retenue par un torse plat et ferme, et deux bras viennent l'entourer. Une main se pose sur sa taille, et l'autre remonte doucement le long de sa colonne vertébrale pour se nicher dans ses cheveux. Elle se blotti sans un mot dans ses bras accueillants.
Il la rassure et calme ses pleurs en jouant doucement avec ses cheveux, et elle arrive à s'apaiser petit à petit.
Elle n'a plus de notion du temps, mais ça lui est égal.
Elle est bien, là, dans les bras de son inconnu. Elle se sent protégée de tout, comme s'il créait une bulle d'insonorisation autour d'eux.
Elle sent de l'agitation non loin, mais n'y prête pas attention. Des étudiants sortent de cours, ils sont dans un lycée après tout.
Une fois cette agitation passée, le silence les enveloppe de nouveau.
Et elle reste là, dans ces bras protecteurs. Elle s'y sent bien, et il ne fait rien pour mettre un terme à leur étreinte.
Elle se dit qu'elle a bien fait de sortir, même si son professeur va lui demander des comptes. Elle avait des problèmes, et, sentant la crise d'angoisse arriver, était sortie de cours quelques minutes après y être entrée. Personne ne l'avait suivie, et heureusement. Elle s'était retrouvée là, dans ce couloir, à pleurer.
Quand elle se sent mieux, la jeune femme murmure un petit ''merci'' à son inconnu, et ancre cette étreinte dans sa mémoire. Puis elle s'écarte lentement de lui, à regrets.
Elle lève alors doucement les yeux vers lui, désireuse de connaître l'identité de celui à qui elle s'est si naturellement confiée, et tombe sur deux orbes sombres pleines de tendresse.
Elle les reconnaît et, d'abord surprise, se noie dedans. Elle essayé de faire passer dans ce regard des émotions que mille mots ne pourraient décrire, et des remerciements tellement grands qu'elle ne pourrait les dire.
Puis ils reviennent en cours, main dans la main, lui la soutenant et elle le remerciant.
Les gens qu'ils croisent ont l'air surpris, mais ils n'en ont que faire. Le jeune homme la protège grâce à une bulle invisible que les moqueries et les regards interrogateurs ne peuvent traverser.
Quand ils entrent dans leur salle, le professeur les regarde tour à tour.
D'abord elle, avec un regard inquiet, se demandant ce qu'il avait pu arriver à l'élève forte, sûre d'elle et souriante qu'il avait vu le matin même.
Ensuite lui, le jeune homme qui avait su ramener sa camarade et la rassurer.
Elle sent qu'il lache sa main et le regarde, perdue. Il passe alors sa main dans le dos de la jeune fille, lui transmettant assez de force pour qu'elle aille s'asseoir sans flancher.
Il parle un peu au professeur, à voix basse, sous le regard effrayé de la demoiselle. Elle ferme les yeux, serre les points, se mord les lèvres, et essaye de garder une respiration normale.
Quand elle rouvre les yeux, elle le voit. Il s'est installé à la place libre à ses côtés, et lui sourit. Alors elle lui sourit aussi et, ensemble, ils se sentent plus forts.
Elle sait qu'elle va devoir s'expliquer, en parler à ses amis, mais elle n'y pense pas maintenant. Pour l'instant, elle profite de se sentir légère. Légère, libre, et vivante.

Inventions d'une fois ou deux...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant