1
Je suis, là, gisant sur le sol. La douleur court le long de mon corps, transformant mes nerfs en fleuves de feu. Un halo bleu danse sur mes paupières, alors que je n'arrive pas à ouvrir les yeux. D'ailleurs, je ne peux pas bouger, pas réagir, j'entends tout, je ressens tout, mais mon corps ne veut plus m'obéir. J'ai mal, j'ai froid, j'ai sommeil, j'ai peur. C'est comme ça que tout finira? Après tout, pourquoi pas.
J'aimerais me battre de toutes mes forces, mais voilà, je n'en ai plus aucune. Je les ai jetées dans la bataille, et il semblerait bien que j'ai oublié de les ramasser. Je suis terrorisé.
J'entends que ça s'agite autour de moi, j'entends que quelqu'un me parle, mais je ne comprends pas les sons que je perçois, comme quand j'étais enfant et que je parlais la tête sous l'eau dans la baignoire. J'aimais beaucoup prendre des bains quand j'étais enfant, j'y restais jusqu'à ce que l'eau soit si fraiche que les frissons me poussent à sortir. Et puis avec de la mousse, plein de mousse pour disparaitre dessous. Quand j'étais sous l'eau, et masqué par la mousse, c'est comme si je n'existais plus. A cette époque, j'aurais rêvé de ne plus exister pendant un instant. J'ai le temps? Laissez-moi au moins ce temps-là, si je dois partir, que j'aie au moins le temps de vous raconter mon histoire.
2
Je dois vous avouer que j'ai toujours été quelqu'un de très timide, et je me suis toujours considéré comme lâche. Enfant, j'étais calme, discret, et entouré d'amour. J'ai eu des parents en or, présents, aimants, follement amoureux l'un de l'autre. Ils étaient sans nul doute faits l'un pour l'autre. A tel point que malgré toute la tendresse, l'affection et l'attention dont ils faisaient preuve, j'avais l'impression d'être un intrus dans leur monde idyllique. J'étais faible, j'en ai conscience maintenant, j'étais dénué de volonté, faire des choix m'angoissait, je n'avais que peu d'amis à l'école, un seul appelait de temps en temps à la maison pour savoir si je voulais sortir. J'étais un solitaire (forcé), passant la plupart de mon temps dans ma chambre à dessiner, lire, ou rêver.
Grâce à mes parents, je n'ai pas trop souffert de cet isolement, car ils cherchaient toujours à me stimuler, ils me proposaient énormément d'activités, à tel point que j'en arrivais à rêver de m'ennuyer un peu. J'aimais m'ennuyer. C'était le seul moment où j'avais un vrai dialogue avec moi-même, et j'adorais ça, car j'étais certain d'être le seul à me comprendre.
Adolescent, j'étais un suiveur. J'avais trouvé dans mon lycée une bande qui me tolérait. Ils se connaissaient tous depuis la maternelle, et j'arrivais parmi eux comme un cheveu sur la soupe. Mais ils finirent par m'adopter. J'étais le clown de la bande, je faisais l'imbécile en permanence, car c'était la seule manière que j'avais trouvée d'attirer leur attention, d'exister avec eux.
Je tombais maladivement amoureux tous les 15 jours d'une fille différente, mais étant complexé par mes boutons, mon corps, mon visage, et mon absence de personnalité, je gardais ces émois secrets. Je n'en parlais jamais à personnes, ni à ma bande ni à mes parents. Etant fils unique, je regrettais de ne pas avoir une sœur protectrice et compréhensive à qui j'aurais pu tout confier, qui aurait su me conseiller et m'aider à comprendre les femmes. A cette époque, je pensais que je finirais seul, vieux garçon, et puceau. Ça me déprimait totalement, je ne m'aimais pas. J'étais maladroit, je n'avais aucun gout pour m'habiller, je n'avais aucune estime de moi. Petit à petit j'allais de plus en plus loin pour me faire remarquer par les garçons et les filles que je parasitais. Une nuit il m'est même arrivé de me balader nu dans notre petit village, complètement alcoolisé, en chantant à gorge déployée, jusqu'à vomir sur les vêtements que je portais dans mes bras. Je n'avais plus de fierté, je voulais exister.

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Un coup de tête
General FictionUn homme, une vie bien organisée, bien réglée, et puis tout dérape...