Chapitre 2

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Une jambe devant l'autre. Un pas après l'autre. Des clameurs sourdes résonnaient autour de moi. La soie enserrée entre mes doigts et la respiration de l'inconnue étaient mes seuls guides dans l'obscurité. Après l'attaque invisible et soudaine, je sentais mon cœur battre follement d'émotion et, privée de ma vue, mon esprit prenait le dessus. Les pensées filaient à toute allure. Autour d'un gigantesque « qui ? » s'agglutinaient autant de questions sans réponses. Quelle était cette chose invisible qui nous avait attaqué dans la ruelle ? Je me rappelais d'un souffle, d'une odeur putride qui me revenait comme un vieux souvenir désagréable. J'imaginais que ce devait être son haleine. Celle d'une bête. D'un monstre. Je ne savais pas trop comment l'appeler. Je ne l'avais même pas vu ! J'avais tout juste pu deviner sa taille et celle de ses crocs, suffisamment grands pour provoquer l'étang de sang sous le corps de sa victime. Et ils avaient été deux. Ce qui signifiait qu'il y en avait probablement d'autres. Arpentaient-ils la ville en ce moment ? La silhouette qui me tirait en avant était-elle chargée de les tuer ?

Je froissai légèrement le tissu dans ma paume. Je ne savais rien d'elle si ce n'était son extraordinaire agilité et la couleur de son aura. Verte. Elle aurait du me rassurer ; pourtant, ce n'était pas suffisant pour éteindre la crainte qui agitait ma poitrine. Ses yeux océan m'avaient glacé. Aussi effrayants qu'inhumains. Je revoyais encore l'expression sans vie de la vieille dame qu'elle avait délibérément ignorée. Quelque part, sous l'incompréhension et la peur, je ressentais de la colère.

— Avance, grinça-t-elle lorsque je ralentis le pas.

Sa voix me permit de la situer un peu mieux devant moi – à peine plus haute de quelques centimètres. J'avais été surprise de découvrir un visage féminin sous sa capuche, sans doute parce que son comportement guerrier m'avait induit en erreur. Je suivis ses ordres avec réticence. Chacun de mes pas en avant me donnait envie de fuir et mon cœur tambourinait si fort qu'elle devait l'entendre à travers mes vêtements.

— Où est-ce qu'on va ? demandai-je en marchant le plus lentement possible.

— Tu verras.

— Comment t'as fait pour me bloquer la vue ?

Pas de réponse. Elle n'était pas vraiment bavarde. Dommage pour elle, j'étais très curieuse et j'avais le sentiment que mes questions l'agaçaient. C'était étrangement satisfaisant... Même si cela ne me confortait pas vraiment. Je jouais avec le feu, je le savais, mais cela me redonnait un semblant de contrôle dont j'avais cruellement besoin. Peut-être que si j'obtenais des explications de sa part, mon ventre cesserait de se tordre dans tous les sens.

— T'as peur que je vois où tu m'emmènes ?

Je tournai instinctivement la tête sur les côtés mais cela faisait bien longtemps que j'avais perdu tous mes repères. J'avais bien essayé, au début, de reconnaître les sons et de me représenter le plan des ruelles que nous prenions, mais le quartier était un vrai labyrinthe. Nous avions probablement dû atteindre le centre depuis un moment.

— Mes parents vont me chercher, tu sais, fis-je dans une vaine tentative pour la faire hésiter.

Je cru déceler un frémissement d'irritation dans sa posture.

— Tu parles toujours autant ?

— Il paraît.

— Ferme-la.

J'espérais une autre réaction de sa part, mais elle continua son chemin dans le même silence insupportable. Je réprimai l'envie de la questionner à nouveau ; même si cela m'aidait à contenir l'angoisse qui me tiraillait, je ne tenais pas à la mettre réellement en colère. Le petit aperçu que j'avais eu d'elle tout à l'heure m'avait largement suffit.

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 05, 2020 ⏰

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