Le Rouge et le Vert ~ Démoniaque, mais seulement à moitié ! ~

Chapitre 6 ~ Marché et concessions

Pouvait-on rêver d'une vie pire que la mienne en ce moment ? Parce que là, c'était difficile de faire mieux. Vous m'imaginez étudier avec Zephyr ? Non ? Ça tombe bien, parce que moi non plus, je ne me l'imaginais pas.

Je le vivais.

*Flashback de trois jours*

Quand j'arrive dans la salle du Conseil, je suis affamée. Il est plus de vingt et une heures, je n'ai pas touché à mes devoirs. Tant pis, je trouverai une excuse demain. Je trouve de quoi me préparer une omelette (sérieusement, on a même des œufs !) que je dévore sans sommation. Je fais la vaisselle et vais dans la salle de repos pour dormir tellement je suis morte. Une silhouette qui dépasse de sous la couette remue et je pousse un cri de surprise. L'individu allume la lumière.

— Aelys ? Qu'est-ce que tu fais ici ?

Kÿr se relève, torse nu. Je ne cherche même pas d'excuse. Je lui raconte tout. La manière dont je me suis réveillée complètement différente le matin de mes seize ans. Les vitres de l'épicerie. Ma salle de bain. Mon appartement condamné le temps de l'enquête.

— Tu as bien fait de venir ici, me rassure-t-il quand j'ai fini. Tes pouvoirs sont imprévisibles. Tu as besoin d'apprendre à les maîtriser. Malheureusement, je ne peux rien faire pour toi. Seul un démon peut t'aider à t'en servir correctement.

Le seul démon que je connais est un pervers dangereux.

— Tu pourrais m'en présenter un ? je murmure.

— Tu crois que je connais des démons ? Je ne fréquente pas cette racaille. Enfin, ajoute-t-il dès qu'il croise mon regard, pas les démons à part entière.

Je souris malgré moi. Ça me fais du bien de lui parler. Je n'ai pas besoin de me cacher, il sait qui je suis. Il m'aide à faire mes devoirs avant de nous servir du lait chaud. Je regarde l'heure : vingt-trois heures. Le temps passe beaucoup plus vite en sa compagnie. Il se lève et attrape ses affaires.

— Tu rentres ?

— Oui, sourit-il. Je vais te laisser dormir.

Il va me laisser toute seule ?

— Et si je casse encore quelque chose ? je m'inquiète.

— Quand tu seras endormie, tes pouvoirs resteront inactifs.

Encore fallait-il que je m'endorme. Il parait lire dans mes pensées parce qu'il s'assied en tailleur à côté du lit et enfile son t-shirt.

— Je reste avec toi jusqu'à ce que tu t'endormes, d'accord ?

Je hoche la tête avant de comprendre le sens de sa phrase. Il me regarde avec ses yeux bleus sans se douter un instant de ma crise cardiaque imminente. Je m'allonge sous les draps comme si de rien n'était. Ma tête est à la hauteur de la sienne. Tout doucement, il prend ma main et souffle :

— Ne t'inquiète pas, ça va aller.

En une fraction de seconde, toutes mes appréhensions s'envolent. Je n'arrive pas à détacher mes yeux des siens. Il est magnifique. Il a changé ma soirée pourrie en une nuit magique. Tous les deux, seuls, dans le silence. Je ne sais pas combien de temps nous restons comme ça. Jusqu'à ce que je m'endorme en tout cas.

Une forte lumière m'aveugle. Je m'abrite sous la couette avant d'ouvrir les yeux. Kÿr vient d'ouvrir les rideaux.

— C'est l'heure de se lever !

Il a les cheveux en bataille.

— Tu as dormi ici ?

Il hoche la tête avec un sourire sur les lèvres.