Who is there ?

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Nous sommes dimanche matin, il fait beau, le soleil rayonne, on peut entendre les oiseaux chanter au rythme du vent. Je suis dehors, profitant de l'air printanier du mois de mai, je retape ma vieille moto qui commence à rouiller. Une fois que j'ai fini mon travail, j'enfile mon casque et m'en vais. La route est quasiment déserte à cette heure-ci, il n'y a seulement qu'une ou deux voitures qui circulent, probablement des familles rentrant de leur week-end ou des adolescents revenant d'un samedi soir arrosé. Cette impression d'être seul sur l'autoroute me fait ressentir un plein pouvoir, alors je décide soudainement d'accélérer, j'entends le moteur vrombir et je vois la petite flèche monter de quatre-vingt à cent vingt kilomètres heure. A cet instant je sens une puissante montée d'adrénaline dans tout le corps. C'est dans ces moments-là que l'on se sent vraiment vivant, comme si tous les problèmes existants sur Terre n'étaient plus, qu'il n'y avait que vous.


J'arrive au centre-ville, je repasse devant les vieilles HLM abîmées par le temps, il y a toujours ce grand immeuble où j'ai habité il y a de cela des années. Cette époque me paraît si lointaine. Je me souviens encore du papier peint de mon appartement, c'était un bleu médiocre avec des petits bateaux dessus, j'avais horreur de cette décoration, comme j'avais horreur de monter quatre étages tous les jours, ou encore la tuyauterie qui marchait quand ça l'arrangeait. Malgré tout, j'aimais bien cet appartement, j'étais un jeune étudiant insouciant et plein de vie. Nous étions heureux.


Je m'arrête à un stop, en face, je vois le magasin de moquettes où je travaillais pour payer mon loyer. Depuis il a fermé, c'est vrai, qui a encore de la moquette chez soi à l'heure actuelle ? Je poursuis ma route, d'ailleurs je déteste le quartier dans lequel je passe, il est vieux, pauvre. C'est là que j'ai grandi, là où j'ai fait mes premiers pas, là où j'ai eu de longues conversations philosophiques avec mon grand frère... Et franchement, ce n'était pas ce qu'on pouvait appeler une enfance heureuse. Cette maison que l'on voit à ma gauche n'a rien de la maison du bonheur. D'extérieur, on peut croire qu'une parfaite petite famille y habite, avec des parents comblés et des enfants exemplaires, alors qu'en réalité, il n'y a qu'un alcoolique de la cinquantaine, vivant seul après que sa femme soit décédée et que ses trois enfants l'aient laissé derrière eux. Et oui, mon père est loin d'être le père idéal. Ne voulant pas rester ici plus longtemps, je continue mon chemin, je n'aime pas ressasser cette période de ma vie, cela ne m'apporterait que de mauvais souvenirs.


J'arrive au bout de la ville, je m'arrête quelques minutes : à droite se trouve un des meilleurs restaurants du coin A La Tentation. Je me souviens que ma mère avait l'habitude de nous emmener mon frère, ma sœur et moi tous les vendredi soirs, on y mangeait du poisson frit et en dessert ils avaient d'exquis sorbets au citron vert et à la menthe. On s'y régalait. C'était notre sortie hebdomadaire, nous faisant oublier que notre vie n'est pas toute rose. Je m'arrête et y rentre, depuis des années ça n'a pas changé, le même bar en bois de chêne, le même carrelage rouge et blanc, la même serveuse :

-« Bonjour Monica.

-Oh mais voilà Ian, comment vas-tu mon grand ?

-Je vais bien merci et vous ? » En réalité, je ne suis pas sûr que tout aille bien.

-« Bien je te remercie. Et comment va Emma ? »

Emma. L'amour de ma vie. De magnifiques cheveux blonds vénitiens, ses yeux sont comme de belles émeraudes et son teint couleur miel. Gentille et drôle. Elle me manque. Maintenant longtemps qu'elle est partie et pourtant, elle fait et fera toujours partie de moi, de ma vie. Je suis son Roméo et elle ma Juliette.

-« Elle va très bien. Je dois y aller. Bonne journée.

-A toi aussi, Emma, ta famille et toi revenez quand vous le souhaitez.

-On n'y manquera pas. Au revoir. »


Je reprends mon chemin, le feu vire du rouge au vert et je tourne à droite. Maintenant je peux enfin voir la merveilleuse vue de l'océan, j'attendais ce moment avec impatience. Je me gare sur le parking à côté de la plage, j'éteins le moteur et descends. Je retire mes chaussures, mes chaussettes et commence à marcher sur le sable fin et doux. Je crois que cette sensation est de loin celle que je préfère, sentir mon corps glisser entre ces milliards de grains, me sentir léger. J'avance encore jusqu'au bord de la mer, je pose mes affaires au sol, puis je marche et attends que l'eau vienne jusqu'à moi. Au moment où je sens une vague fraîche arriver sur mes pieds, voyant les mouettes voler au-dessus de l'eau presque translucide, couleur azur, et avec ce soleil plus lumineux que jamais qui domine le ciel, et qui laisse de magnifiques éclats brillants sur les vagues ; je me sens tellement bien, comme si je flottais en dehors de mon corps, admirant le nouvel horizon qui s'ouvre à moi. Je suis le maître de mon destin et seul moi peux décider de ce que j'en fais. Je ferais n'importe quoi pour que cet instant dure éternellement.


Plus loin il y a deux petits garçons qui jouent avec des cannes à pêche dans l'eau, cette image me ramène à un après-midi de juillet quand j'avais sept ans et que notre mère nous avait emmenés Fiona, Jeremy et moi jouer sur le sable, il faisait beau et l'eau était bonne, je m'en souviens comme si c'était hier. On avait construit un gigantesque château de sable, on nageait avec nos masques et tubas, nos rires éclataient, c'était, je pense, un des plus beaux moments de ma jeunesse. Alors qu'aujourd'hui, je ne me souviens même plus la dernière fois que j'ai ris. C'est triste n'est-ce pas ? Je me demande où est passé le Ian heureux, qui vivait sans prendre conscience qu'un jour, ce bonheur serait révolu.


Il est temps de partir, je grimpe en vitesse sur mon véhicule et roule, je prends la voie la plus proche et fonce, peu importe où je vais. Même l'endroit que j'aime le plus au monde me fait ressentir toute la souffrance et la nostalgie de ma vie passée. Je réfléchis souvent au pourquoi du comment ma vie a dérivé ainsi. J'eus une belle famille, et maintenant, je n'ai plus rien. Bon il me reste mon frère et ma sœur, mais Jeremy habite à l'autre bout du pays, il étudie et franchement je suis content pour lui, il réussit. Ma sœur, elle, est serveuse dans un café de la ville voisine, elle a une fille et un mari, elle est heureuse et je lui souhaite d'y rester. Et moi je suis là. Comme je l'ai dit, je suis seul. Peut-être aussi que le monde ne veut plus de moi.


Sans m'en rendre compte, je suis arrivé devant la forêt. De l'autre côté se trouve la maison d'Emma. Je descends et marche dans les bois. Le soleil commence peu à peu à se coucher. Il y a un petit vent frais donc j'ai gardé ma veste. Je ne devrais pas y aller. Et si elle me voyait ? Non c'est vrai, elle ne vit plus ici. Elle m'a abandonné ; comme ma mère. Pourquoi ? Pourquoi tout le monde finit-il toujours par partir ? C'est moi le problème. Mais bien sûr, j'aurai du m'en apercevoir plus tôt. Si tout le monde part, c'est que le soucis et ici. Moi. Pourquoi suis-je venu au monde ? Qui suis-je ? Qui es-tu Ian ? Peut-être devrais-je disparaître. Le monde se portera mieux sans moi. Et d'ailleurs, qui est ce Moi ? Depuis quand le Ian heureux de ma jeune existence a-t-il été remplacé par ce fou ? Je sors alors le couteau suisse qui se trouve dans ma poche intérieure. Elle est là la solution. Dans la vie, tout est une question de choix. Seul toi peux choisir ce qui est bon ou mauvais. Ce couteau que je tiens, je peux choisir de le ranger dans ma veste, ou alors je peux choisir de me l'enfoncer dans l'estomac. Mais la seule question ici est : quel est le bon choix ?

Ian était à présent arrivé devant la maison de sa bien-aimée. Il fait nuit et le ciel est éclairé par la splendide pleine lune. A cet instant, il se remémorait sa vie passée, puis il pensa à sa vie future. C'est là qu'il a su quel était le bon choix. C'est donc sans hésitation qu'il prit son arme ; se l'enfonça dans le ventre ; s'écroula au sol ; attendit qu'il se vide de son sang pour ensuite mourir, rejoindre celles qu'il aime réellement, et être avec elles. A jamais.


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⏰ Dernière mise à jour : Feb 09, 2018 ⏰

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