ANGE GARDIEN
C’est une façon de parler, mais c’est aussi une réalité. J’en ai fait l’expérience, aussi bien au niveau de la protection que de l’inspiration.
Cela a commencé tôt, je crois, même si je n’ai pas de souvenirs évidents à ce sujet dans mon enfance. Ma mère et mon père jouaient sans doute ce rôle-là, tant j’ai joui d’une enfance heureuse.
J’ai frôlé la mort de près, une première fois, au Salève. Nous avions décidé, un copain et moi, d’atteindre le sommet par la paroi. Un idée originale, surtout lorsque l’on a aucune idée de la varappe. Tout ce que je savais, c’est qu’il fallait toujours avoir trois prises... Au moment où je n’en avais plus que deux, panique ! Mon camarade, plus grand que moi, avait pris de l’avance et ne pouvait venir à mon secours que par la parole ! Deuxième consigne : ne pas regarder en bas, à cause du vertige... Ce que je fis évidemment ! Finalement, je lâchai prise, pas physiquement, mais mentalement : je m’abandonnai à mon ange gardien. Sans savoir comment je retrouvai l’énergie de me hisser vers la troisième prise, qui m’amena sur un léger surplomb. OUF !!!
Plus sérieux, pour mon travail. J’avais choisi l’école de commerce, après le Collège moderne, pour éviter le latin, sur conseil de mon instit primaire. Le but ? Pas trop défini... Jusqu’à la venue d’un enseignant qui nous parla du concours d’admission aux Etudes pédagogique, après la matu, même commerciale. Nous pouvions nous y préparer : dessin, sport, musique, français et arithmétique et nous présenter en septembre. Je l’ai fait : recalé, à cause de la musique. Je me croyais pourtant armé : solfège à l’école primaire, chant choral. que faisait donc mon ange gardien ? Je le saurai plus tard.
En attendant, je n’avais pas prévu ça et je me retrouvais le bec dans l’eau. C’était 1956, la guerre de Suez. Les pétroliers devaient à nouveau faire le tour de l’Afrique et les prix ont explosé : première crise du pétrole, chômage.
Je devais trouver du boulot dans le commerce vu mes diplômes.Mon pasteur prit rendez-vous pour moi avec un banquier de Genève. Je ne me suis pas réveillé à l’heure et ratai le train. Je ne ressentis aucune déception. Un coup de mon ange gardien !!!??? Je ne devais sûrement pas travailler dans la banque !
Autre rendez-vous : à l’usine à gaz, qui cherchait un comptable. Après un bon entretien avec le chef du personnel, il renonça à m’en-gager . «Vous allez à l’école de recrue en février prochain, vous serez absent quatre mois, puis vous allez grader, ils font tous ça les fonctionnaires. Moi, j’ai besoin d’un comptable pas d’un officier.» Avec l’aide de mon ange gardien ? Fonctionnaire : pas pour moi.
J’ai alors été employé par l’entrepreneur du village et me trouvais sur un chantier, lorsque mon frère arriva à vélo pour me dire de rappeler la papeterie de Versoix. Je fus engagé comme secrétaire-comptable pour cinq mois, une fonction que j’aimais bien. Vers la fin de l’école de recrue, ils me proposèrent de m’engager avec une augmentation de salaire de 30% pour le même travail. L’ange gardien ou le tentateur ?
J’ai refusé, car je voulais tenter encore une fois le Concours d’admis-sion aux Etudes pédagogiques.
Raté pour la deuxième fois et pour les mêmes raisons.
La déception et le découragement me poussèrent de l’avant : je m’inscrivis au Service des remplacements.
Mon ange gardien veillait : une fille, rencontrée dans une colonie de vacances, m’annonça la création d’une seconde Ecole protestante d’altitude (EPA), par le Centre social protestant. Je pris langue avec le directeur dudit CSP, qui m’engagea pour janvier et me proposa des stages dans diverses écoles, dont l’EPA de St-Cergue. Re : OUF !!!
Je m’en allais donc pour six mois enseigner à Leysin, dans une classe à quatre degrés. Mon instit primaire intervint pour la deuxième fois et me confia deux séries de fiches de français et d’arithmétique, qui me rendirent le plus grand service.
Mon ange gardien me présenta coup sur coup ma première partenaire et mon pastorat !
Pasteur ? Avec une matu commerciale, sans grec ni latin ?
Mon alors future ex-compagne avait appris le français dans une famille de pasteurs. Le père, la mère soeur de pasteur et les deux fils venaient de terminer leur théologie. «Tu peux t’inscrire conditionnellement à la Faculté», m’annoncent-ils en choeur ! Et c’est parti...
Mon ex-compagne me donna trois enfants et me suivit en Haïti et en Afrique du Sud.
Après notre retour la relation se transforma : je m’engageai dans la vie politique, où elle ne me suivit pas. Nos chemins se séparèrent doulou-reusement et l’ange gardien reprit les choses en main.
Il me donna la force d’affronter l’armée et de passer deux mois en prison. Il m’inspira dans la création des Magasins du monde, du Groupe Eglise du Mouvement anti-apartheid, dans la coordination de la lutte contre la présence du Portugal colonie au Comptoir suisse, la création de l’Association de défense des chômeurs, la présidence du CRAC, la Campagne anti-outspan. Tout cela en accomplissant mon ministère auprès des apprentis et du Monde du travail, avec des collègues compatissants.
Ma nouvelle compagne, je la rencontrai lors d’une manifestation pour la paix, en tête du cortège, aux côtés du Ministre cantonal de l’éducation, un flambeau à la main. Une rencontre décisive, qui se précisera par un mariage et une vie commune très harmonieuse, aussi bien conjugale, que militante, spirituelle, couronnée par un pèlerinage en Inde, qu’écologique avec vingt-sept saisons d’alpage. Sans enfant au départ, ce fut plus facile.
Notre relation avait éclaté publiquement quelques années plus tôt après un accident de la circulation particulièrement tragique, qui provoqua le décès des quatre passagers de l’autre voiture. Je m’en sortis avec une solide perte de conscience, qui dura, en montagnes russes, environ dix jours. La presse en fit ses gorges chaudes : un pasteur de Genève qui tue quatre personnes sur la route blanche, un samedi soir à minuit !!!
Mon ange gardien m’a fait une démonstration exceptionnelle. J’ai senti deux bras qui m’enveloppaient très fort au moment du choc et du tête à queue, avant de perdre connaissance... Quand je suis revenu à moi quelques heures plus tard, j’ai eu la très claire impression que je reve-nais d’un autre monde, plein de lumière et de douce chaleur. Jusqu’au point où, en réponse à ma première question, on me dit que j’étais à l’hôpital de Nyon, je répondis : «C’est drôle, je suis né à Nyon et je suis mort aussi à Nyon.»
D’autres fois, j’ai vécu cette protection ou un encouragement de l’ange gardien.
Lors de mes deux opérations à coeur ouvert, j’ai vivement ressenti cette présence à mon réveil, difficile, la seconde fois surtout, où je ne voyais aucune raison de me réveiller !
Pour lancer des manifestations importantes, la participation de collègues fut indispensable, mais l‘appui de l’ange essentielle pour l’inspiration et la mise en place des opérations.Ce qui paraissait au-dessus de ma portée devenait simplement possible. Ainsi se passa-t-il pour la réalisation du Big Bang de Pascal Auberson, dans le traitement du thème de la Création au niveau de la région .... et la pièce de théâtre dans la cour de la cure pour le 700e de la paroisse et l’église d‘Arzier.