DEUX

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« Le dîner était délicieux ! J'ai adoré absolument tout ! » s'est exclamés Leslie, une fille qui travaillait avec moi pour le magazine, avec un peu trop d'enthousiasme.

J'ai dû me mordre la langue pour m'empêcher de dire quelque chose de grossier ou d'impoli. Je ne comprenais pas comment elle avait pu aimer ça, je veux dire, cette nourriture était carrément infecte ! On ne devrait même pas avoir me droit d'appeler ça de la nourriture !

Maintenant je comprends pourquoi Killian déteste ça, c'est tout simplement écœurant, ai-je pensé.

Je n'avais même pas été capable de tout manger ; j'avais tout juste réussi à avaler trois cuillerées de leur soupe à l'oignon avec du concombre et de l'aubergine, une toute petite bouchée de leur bœuf beaucoup trop salé et dur comme de la semelle, et un quart de leur brownie sans aucun goût.

Oui, ce repas avait définitivement remporté la palme du pire de tous les temps.

« Tu comptes le manger ? » m'a demandé Leslie en pointant mon brownie délaissé avec sa fourchette.

« Oh non, tu peux le prendre si tu veux. »

« C'est vrai ? Merci ma petite citrouille ! » a-t-elle répliqué avant de s'en emparer très vite avec ses mains.

J'ai froncé les sourcils, ne sachant pas trop ce qui m'avait le plus dégoûté : le fait qu'elle ait dévoré cet affreux brownie ou qu'elle m'ait appelée sa petite citrouille.

Heureusement pour moi, le repas était terminé et on nous accordait une pause d'une demi-heure pour se lever et aller discuter avec les autres. J'ai quitté la table et me suis dirigée vers le bar. Mais il y avait déjà beaucoup de monde qui attendait d'être servi, alors j'ai compris que le second verre de scotch allait devoir attendre.

Je me suis mise à flâner dans le restaurant jusqu'à ce que je repère un visage familier à quelques mètres de moi. Killian était debout devant quelque chose qui ressemblait à une sculpture de luxe, l'analysant comme l'aurait fait un professionnel.

Je n'avais rien d'autre à faire, et comme Killian avait l'air d'un gars marrant qui partageait la même aversion que moi envers cette soirée, je me suis dit que ça pourrait être sympa de poursuivre notre conversation. Je me suis donc approchée de lui, un sourire inexplicable sur le visage.

«On apprécié l'art ? » lui ai-je demandé, attirant son attention sur moi.

« Ah, non. J'essayais juste de comprendre ce que c'était que ce truc. C'est une limace ? Un ver de terre ? »

J'ai contemplé la sculpture avec une grimace « Pour moi ça ressemble à une grenouille. »

Il m'a lancé un regard. « Hm, on dirait qu'on a des points de vus diamétralement opposés. Toutefois, je pense qu'on peut s'accorder sur le fait que c'est incontestablement très moche. »

« Certes, mais comme l'ensemble de cet endroit, en fait. Ça ne me surprend donc pas tellement de trouver une sculpture si horrible ici. »

Killian était sur le point de dire quelque chose quand mon ventre s'est mis à gargouiller.

« Whoa ! C'était vous ? » m'a-t-il demandé, les yeux écarquillés.

« Ouais... » ai-je avoué en rougissant, « Désolée, c'est juste que je meurs de faim. Les plats étaient si affreux qu'on ne peut pas vraiment dire que j'aie mangé. »

« Je vous comprends. Moi aussi je meurs de faim, » a-t-il ajouté en se tapotant le ventre.

« Bon sang, si je pouvais je me sauverais toute de suite d'ici et j'irai m'acheter quelque chose de décent à manger. Et faire quelque chose de plus marrant aussi. »

Killian m'a regardée pendant quelques secondes avant de parler « Vraiment ? Je veux dire, vous seriez prête à partir si l'occasion se présentait ? »

« Oui, bien sûr. Pourquoi vous- »

« On dirait bien qu'un miracle de Noël vient de se produire, regardez. Les agents de sécurité à l'entrée ont quitté leur poste pour manger, on pourrait facilement s'échapper sans se faire voir. »

J'ai cru que c'était juste une blague, alors j'ai ri et je l'ai suivi. « Et qu'est-ce qu'on ferait ? »

« On irait quelque part où il y a de la nourriture digne de ce nom et de quoi s'amuser, comme vous l'avez dit. On pourrait aller au McDo et s'acheter un Happy Meal, aller faire du patin à glace au Rockfeller Center, aller au cinéma...J'en sais rien, n'importe quoi qui nous procurerait plus de fun que de rester là à écouter des statistiques assommantes. C'est Noël, Emma. On devrait prendre du bon temps et faire la fête au lieu d'être coincés ici. »

Oh. Alors il ne plaisantait pas. Est-ce que ce type est cinglé ?

« Killian...C'est dingue, vous le savez, hein ? »

Il s'est passé la langue sur les lèvres. « Peut-être bien. Mais je ne vais certainement pas passer le reste de mon réveillon de Noël à écouter radoter le patron ; oh non. Je pars à l'aventure...Et ça ne me déplairait pas d'avoir un acolyte. Qu'est-ce que vous en dites, love ? »

Je trouvais vraiment que la situation était folle, et pourtant, une part de moi aimait ça.

Et cette part-là me poussait à dire oui.

Whoa, whoa. Doucement, jeune fille. Me suis-je dit dans ma tête. Réfléchis un peu.

Primo, qu'est-ce qui se passerait si quelqu'un découvrait qu'on était partis et nous faisait sanctionner, voire pire ? Et si on se faisait virer pour être partis ?! Ok, non. Ce serait un peu excessif. Je ne pense pas qu'ils remarqueront notre départ...Tout le monde va soit faire attention à ce que raconte le grand patron, soit s'endormir sur sa chaise.

Deuzio, j'ai rencontré Killian il y a deux heures à peine, techniquement c'est un étranger pour moi. C'est pas un peu bizarre de se sauver, comme ça, avec un inconnu ? Ben, si, ça l'est. Mais mon sixième sens me disait que je pouvais lui faire confiance. Et il ne m'avait jamais fait défaut jusqu'à présent.

J'en sais rien...Pour quelque étrange raison j'ai bien envie d'y aller.

Je l'ai regardé et j'ai soupiré.

Oh et puis zut. C'est Noël.

« Ok. J'en suis, » lui-ai je répondu avec un sourire. « Mais il vaudrait mieux que ça vaille le coup. »

« Faites-moi confiance, » a-t-il répondu, en me tendant la main comme un gentleman, « Ça va être le meilleur réveillon de Noël que vous ayez jamais eu. »

J'ai arqué les sourcils. « Ah oui ? Parce que j'ai déjà connu des moments assez épiques auparavant. Ça va être dur de les battre. »

« Il y a une chose que vous devez savoir sur moi, c'est que j'adore les défis. »

J'ai souri et j'ai fini par prendre sa main.

On s'est discrètement avancés vers la porte, essayant de ne pas attirer l'attention, et on est sortis du restaurant sans le moindre problème.

Nous n'avons pas regardé en arrière. Killian et moi, toujours main dans la main, avons traversé la rue et nous sommes passés de l'autre côté avec succès.

« Hou, c'était facile » ai-je dit une fois de l'autre côté de la rue. « Alors, où on va maintenant ? Est-ce qu'on va se chercher un de ces hamburgers dont vous avez parlé ? »

« En fait, j'ai une meilleure idée pour les burgers. Venez, je connais un endroit où ils servent les meilleurs que j'ai jamais mangé. »

« Vous avez une grande tendresse pour le mot 'meilleur', pas vrai ? »

« C'est vrai, » a-t-il répondu fièrement.

« Eh bien, allons voir de plus près ces fameux burgers. »

Nous nous sommes lâchés les mains et nous avons marché sous le ciel constellé d'étoiles de New York.

An Unexpected Christmas EveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant