Chapitre 3

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   Les jours passent avec un peu d'ennui, je ne vous le cache pas. Même avec Deborah, le temps s'écoule trop lentement. Céleste me rend visite tous les jours mais elle ne reste pas très longtemps à chaque fois. Mon meilleur ami Pierre passe aussi dès qu'il en a la possibilité. Il est très occupé par le tennis en dehors des cours mais j'ai hâte de me rétablir pour pouvoir jouer à nouveau avec lui. Il n'est pas scolarisé dans le même lycée que moi mais j'aimerais tellement. Il compte énormément à mes yeux. Il est toujours là pour moi. J'ai la chance d'avoir un ami aussi gentil que lui.

   Il est bien évidemment l'opposé de mon grand frère Harry. Ce dernier est toujours en train de m'insulter. Aussi loin que je me souvienne, il a toujours été comme ça avec moi. Quand on était petits, il tirait souvent sur mes nattes avant de partir en courant dans sa chambre pour éviter de se faire crier dessus par notre mère. Honnêtement je la plains d'avoir deux enfants toujours en train de se chamailler. Ça doit être vraiment horrible de nous entendre tous les jours. En plus de tout ça, il s'amuse à me filmer quand j'ai le dos tourné. Et le comble du comble c'est que ses amis ont pour habitude de venir m'embêter. A long terme, ça m'a détruite de plus en plus et Harry doit se faire un malin plaisir de les voir faire ça sans me défendre. Je ne veux pas rentrer dans les détails mais bientôt vous allez découvrir ce qu'ils me font.

   Enfin bon, je suis dans un hôpital et en sécurité donc je vais essayer de ne pas penser à lui pour profiter de ces vacances prolongées. Céleste me ramène des livres quotidiennement et quand je ne trouve pas le sommeil la nuit, je peux lire un bouquin de six cents pages en moins de cinq heures. Une chose parmi tant d'autres que j'apprécie dans notre amitié, c'est que nous partageons toutes les deux une passion pour la lecture. Nos goûts sont similaires, à une exception près : elle lit des histoires de meurtre et moi je n'aime pas les enquêtes policières. Tous les livres qu'elle m'apporte ici sont tous aussi supers et fascinants les uns que les autres même si je dois avouer que j'ai un péché mignon pour les romans à l'eau de rose.

   Les journées se ressemblent toutes. D'abord mon petit-déjeuner, ensuite l'infirmière passe m'aider à me laver. A midi, le docteur fait son petit tour quotidien. Il a le don de mettre les gens à l'aise, bon en même temps c'est normal vu qu'il est médecin. Quand il quitte la pièce, c'est l'heure du déjeuner. La plupart du temps les repas sont très bons. J'apprécie la nourriture qu'on me donne et j'ai le droit de regarder la télévision pendant que je mange. Le reste de la journée je le passe seule à travailler les cours, à lire, réfléchir ou me reposer.

   Trois fois par semaine, un kiné passe me voir. Le séances durent en général une demi-heure à chaque fois. Il me fait faire des exercices que je commence à connaître par cœur au bout d'une semaine de pratique. Il prend ma main bandée et me tourne doucement le poignet. Ses mouvements sont doux et ne me font aucunement mal. Au début j'avais du mal à lui faire confiance, j'avais peur d'amplifier la douleur. J'avoue que la première fois qu'il est venu j'étais presque sur le point de crier pour ne pas qu'il me touche. Mais je me dis que s'il est là, c'est parce qu'il veut m'aider à me rétablir plus vite. Je me souviens que je ne quittais pas des yeux ma main. Mon corps ne voulait absolument pas se détendre et parfois, ça m'énerve que mon cerveau ne veuille pas m'écouter et être moins sur la défensive.

   Et quand c'est au tour de faire des merveilles sur mon genou, je me lève et reste un moment appuyer sur le matelas avant de tenir debout sans aucune aide. Au début il me demandait de marcher jusqu'à la porte doucement et de suivre la cadence de ma jambe. Quand il sentait que ça allait mieux il était content. Pendant toute la semaine, j'ai fait le même exercice et il me rajoutait des petites difficultés et d'autres exercices un peu plus complexes. Aussi bien pour le poignet que pour le genou. Le temps passait et je retrouvais l'usage de ma jambe, j'étais heureuse d'être bien entourée.

   Je me suis habituée à ces journées longues mais intéressantes. Je pose des questions de temps en temps sur leurs métiers et ils y prennent du plaisir et du temps à y répondre. Parfois ils me disent des choses que je crois mais que c'était seulement une blague. Évidemment aussi naïve que je suis, je crois toujours ce qu'on me dit. Et ça a toujours fait rire les autres. Je pense que si vous voyez ma tête à chaque fois qu'on me dit que c'était une blague, vous penserez certainement que j'en fais trop. Enfin... ça dépend de l'énormité de la blague mais en général j'ai toujours aimé faire de l'humour.

   Mes nuits sont reposantes et je peux dormir tranquillement. Il m'arrive de rêver de mon père et à chaque fois, je me réveille avec des larmes. Il me manque terriblement, je ne sais pas comment je réagirai s'il revenait un jour. J'aimerais anticiper ce moment, savoir quoi lui dire mais je préférerai ne rien faire pour cette fois. J'ai toujours voulu contrôler les choses, j'ai toujours voulu avoir un contrôle sur ma vie mais malheureusement on ne peut pas tout prévoir en avance. J'ai quand même essayé de mettre un poing sur quelques règles avec mon frère mais il m'a insultée avant de me pousser littéralement hors de sa chambre. Il n'écoute jamais rien et bien sûr il est jaloux car il pense que notre mère me préfère à lui alors que c'est entièrement faux. Bon, j'avoue qu'elle passe plus de temps avec moi mais ça ne veut pas dire pour autant qu'elle m'aime plus que lui.

   Une mère porte son enfant pendant neuf mois, elle a vécu deux fois ça pour nous avoir moi et Harry. Mais ça il ne veut pas comprendre tout le chemin long qu'elle a dû endurer pour y arriver. Et bien sûr, elle qui n'a rien demandé entend toujours des portes claquer à l'autre bout de la maison. Il doit me détester vraiment beaucoup pour me mener la vie dure ou alors j'ai dû faire quelque chose dans le passé qui ferait qu'il me hait depuis toutes ces années. En tout cas, j'ai toujours essayé de tout faire pour qu'il m'apprécie mais il ne m'a jamais adressé un sourire. Jamais. Est-ce que ça arrivera un jour ? Je l'espère de tout mon cœur car j'aimerais avoir enfin une trêve même si elle est provisoire, ça me suffirait juste un peu.


   Plus qu'une journée, je rentre enfin chez moi demain soir. Quelqu'un frappe doucement à la porte et malgré ça, je sursaute avant de dire « Entrez ». La porte s'ouvre sur Pierre et mon cœur fait un salto périlleux de joie. Il referme la porte. Je sors du lit doucement et marche vers lui. Il me demande de me rallonger mais j'ignore sa demande. Je lui annonce que je suis prête à rentrer chez moi demain. Il est aussi heureux que moi d'entendre cette bonne nouvelle. Mon meilleur ami vient me serrer dans ses bras et j'enfuie ma tête contre son torse. Depuis notre plus jeune âge, nous avons toujours été très tactiles.

— Je suis content de te revoir. Chaque jour qui passe, j'ai l'impression que tu vas beaucoup mieux.

— C'est le cas, je murmure en me détachant de lui.

   Son regard noisette croise le mien et je me dis que je suis très heureuse qu'il soit là. Il fait deux têtes de plus que moi, alors à chaque fois il est obligé de se baisser un peu ce qui me fait tout le temps sourire.

— Tu m'as beaucoup manquée même si je suis passé te voir plusieurs fois ici. J'ai vraiment hâte de pouvoir refaire du sport avec toi, qu'on sorte ensemble mais aussi que tu reviennes à la clinique vétérinaire. Les animaux s'ennuient sans toi, rigole-t-il.

   Entendre ces paroles me réchauffe littéralement le cœur et je suis émue de l'entendre dire ça. Je me rallonge sous la couette et me décale pour qu'il ait assez d'espace pour s'asseoir.

— Tu sors avec une fille ? je demande, curieuse de savoir s'il fait tourner des têtes.

— Non, la fille avec qui j'aimerais être est... enfin c'est compliqué. Disons que nous sommes proches mais que j'ai peur de briser notre amitié. Elle est très importante à mes yeux et je ne veux jamais la perdre.

   Je peux voir transparaître de la pitié dans ses yeux et j'essaie de le réconforter comme je peux.

— Je suis sûre qu'un jour elle se rendra compte qu'elle serait bien plus heureuse à tes côtés.

— Je l'espère aussi.

   J'aurais voulu que notre conversation continue jusqu'à l'heure du dîner mais Pierre est là depuis quinze heures de l'après-midi et l'heure des visites est malheureusement terminée. Il me serre une dernière fois dans ses bras avant de me quitter.

— On se voit demain.

— Oui, vivement que je rentre.

HasardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant