"Regarde ! Ce sont les Voyeurs qui rentrent chez eux !" me dit Enna en se précipitant à la fenêtre. Elle était tout excitée, parce qu'aujourd'hui, c'était la journée du "Test" pour tous les enfants de dix ans. Les autres, de onze à dix-sept and inclus avaient un grand rassemblement de sections pour désigner les malheureux qui aillaient risquer leur vie pour sauver celle des autres. Cette journée du Test commençait à 9H pile par l'attribution à un des quatre éléments, et une des trois sections de chaque élément. L'eau, la terre, le feu et l'air regroupaient les chasseurs, les tireurs et les porteurs.
Enna était contente, elle avait enfin l'âge. Moi je l'avais passé depuis déjà quelques temps. Elle ne se doutait de rien et je ne pouvais rien lui dire. J'avais fait un serment. Et celui qui trahit un serment ne vit pas longtemps, comme on disait ici. J'étais sortie de ce début d'enfer à peine quelques mois auparavant, et j'en étais bien contente ! Le jour de mes dix-huit ans, je me suis enfin sentie libérée d'un poids. Malheureusement, ici, ce n'était que la première étape de la vie. Chez nous, la vie n'était pas prise au sérieux. Les Dirigeants n'en avaient rien à faire du bonheur de leurs citoyens. Ils nous faisaient payer des impôts d'une valeur exorbitante pour voir des enfants se battre sous pretexte de ne garder que les "éléments dignes" d'habiter dans leur pays dit "libre". Nous ne sommes pas libres. Nous ne le serons jamais. À cette époque nous ne l'étions pas. Seuls ceux qui réussissaient à s'enfuir ou ceux qui périssaient l'étaient.
Nous avions tous, à partir de dix ans un élément spécifique qui nous avait choisi le jour du Test. Mon élément était le feu, il m'avait choisi. Comment ? Eh bien c'était ça la spécificité du Test. J'étais au centre d'un cercle de quatre dalles de pierres, chacune représentant un des quatre élément, et on ne m'avait donné qu'un seul orde : attendre. Tout le monde sait bien que demander à un gamin d'attendre est pratiquement infaisable. Et me demander ça à moi, claustrophobe et impatiente, c'était le pire. J'ai pourtant attendu. J'entrai en transe au bout de 3H30 d'attente. La transe, c'est l'étape qui définit notre élément. Je me suis relevée brusquement, mes yeux se sont littéralement enflammés et je me suis mise à crier à en percer mes propres tympans. Les hommes qui me faisaient passer le Test me filmaient tellement le spectacle était impressionnant et étrange. Moi j'avais mal. Je me sentais brûlante et trop puissante. Le feu était en moi et j'étais le feu.
Au bout de quelques minutes, je perdis connaissance, tout en continuant à crier. À mon réveil, j'entendis des voix tout autour de moi. Je n'ouvris pas les yeux, je voulais savoir ce qui s'était passé. "Comment elle s'appelle déjà ? Ah oui c'est ELLE ! Elle a fait quoi ? Que s'est-il passé ?". De tous les côtés, les gens s'agglutinaient en posant encore et toujours les mêmes questions. Quand la porte s'ouvrit, tout le monde se tût. Une voix de femme retentit : "Cette fille est dangereuse. Elle a un pouvoir énorme. Il FAUT la garder en vie et veiller sur elle. Si elle s'écarte de notre politique et de nos règles... Elle causera notre perte. Notre survie à tous dépend de son éducation. Faites-la affronter les autres aux jeux, vous verrez par vous-mêmes."
Je décidai enfin à ouvrir les yeux, et comme je l'avais prévu, ils s'écartèrent le plus vite possible. Je faisais si peur que ça ? Pourtant je n'avais que dix ans et je n'étais pas grande à cette époque... C'était quand même grisant de me dire que j'inspirais la crainte envers mes aînés. Je contrôlais le feu ! Et d'après les scientifiques, j'avais ce pouvoir depuis ma naissance. J'espérais que ma petite sœur allait avoir un même pouvoir aussi. Elle le méritait. Elle méritait la lune. Son pouvoir, elle réussirait à le contrôler, elle. La réputation de la famille dépendait de l'élément et de la section qu'elle allait avoir. Si elle était tireuse ou chasseuse, ce serait le début d'un mythe pour notre famille. Ces deux sections sont les plus importantes, les plus indispensables à la popularité de notre pays. C'est pour cela qu'il y a majoritairement des hommes dans ces deux sections, surtout dans l'élément Terre. Ici, dans le feu, je devais être une des cinq ou six chasseuses de l'élément feu. Mais je ne pouvais pas vraiment me classer dans une des sections. Les Dirigeants n'avaient pas voulu m'attribuer une section, par précaution. Je faisais partie des exclus... Après ma victoire aux jeux j'étais pointée du doigt comme une bête de scène. Mes parents étaient si fiers ! Leur grande fille avait survécu ! La seule parmis douze désignés... Enna m'avait toujours admirée, d'après ce qu'elle disait... Mais je n'avais rien fait. Je m'étais contentée de ne plus réfléchir comme une humaine. J'étais rien de plus qu'un animal. Je tirais en plein dans le mille par chance. Et j'ai survécu par chance.
