« Apporte-le aux douches. Surveilles-le, il est sous ta supervision. Tant qu'à faire une erreur, autant en recueillir les données... »
Lorsque je me réveillai, j'ouvris les yeux et la lumière vint automatiquement brûler ma rétine. Je les refermai rapidement en grognant. Je me tournai sur le plancher froid dont les tuiles me griffèrent la peau. Avec difficulté, je m'appuyai sur mes coudes et tentai un coup d'œil pour observer mon nouvel environnement. Les mêmes carreaux orangés s'élevaient sur le mur à partir du plancher sur trois des quatre murs de la minuscule pièce dont ma tête et mes pieds, bien que je sois recroquevillé, touchaient presque les murs opposés. Une telle chambre m'était inconnue, et chambre était un grand mot puisque les lieux se rapprochaient plus de ce qu'avait l'air une... douche?
Brusquement, mes derniers souvenirs me revinrent et je faillis glisser en me relevant si soudainement. Catastrophé, je m'élançai contre la seule paroi de verre et observai le mince bout de couloir que mon champ de vision me permettait de voir. La cabine qui me faisait face contenait un enfant qui grognait à quatre pattes. Celui-ci tourna la tête au moment où je l'observai. Dans ses yeux se mélangèrent une vague lueur de peur et d'espoir en croisant mon regard. Je tournai la tête pour voir plusieurs autres cellules les une à côté des autres dont je ne pouvais pas voir les occupants.
Je reculai doucement. L'angoisse montait dans mon ventre, me rongeant de l'intérieur. Ma gorge me brûlait toujours, preuve que tout cela n'était pas un rêve. Je résistai à l'envie de céder à la panique comme mon voisin qui appelait déjà à l'aide... Exactement comme l'avait prédit le chapitre I du bouquin d'hier soir, si seulement il s'agissait bien d'hier. Si le livre était exact, alors...
De l'eau se mit à nous asperger et les cris des enfants jaillirent tous ensemble de chacune des douches. Je serrai les dents. Ma soif avait rugit en même temps que les perles gelées s'étaient mises à frapper ma peau, mais j'étais bien conscient qu'il s'agissait d'une toute autre soif, une que l'eau ne pouvait satisfaire. J'avais raison, car, dès que les cris se muèrent en hurlement de terreur, ce fut mille fois pire. Un liquide poisseux faisait son chemin à travers le pauvre pommeau de douche souillé et le rouge se mêla au cristallin. Je me mordis les lèvres jusqu'au sang et emprisonna ma tête contre un coin de la pièce, dos à la source de mes maux. Des autres pièces s'élevèrent des bruits des plus sauvages, ce qui augmenta la terreur des pauvres enfants innocents. On frappait contre le verre et des craquements glauques se firent entendre. Du gaz envahit ma petite cellule et ma vision se troubla. Je tombai, la figure dans le liquide vermillon, mais le sommeil m'avait déjà vaincu plus que ma soif. Je regardai les parois de verre glisser à l'intérieur des murs et vit mon voisin ramper dans le couloir. Son regard en larmes croisa une dernière fois le mien avant que je m'endorme finalement, noyé par l'odeur du sang.
~•~§~•~
J'ouvris les yeux et un plafond nu s'offrit à moi. Je soupirai. J'étais enfin de retour dans mon lit. Je roulai sur mon côté et manquai de tomber du lit à deux étages sur lequel j'étais étendu. Je grognai et pestai contre le monde. Je ne possédais pas un tel lit et la seule conclusion qui s'offrait à moi était que j'étais toujours coincé dans le maudit univers de ce livre. Pourtant, ce n'était pas du tout ce à quoi je m'étais entendu. Ma poitrine se serra. J'avais donc réussi à résister à la tentation du sang?
Quelqu'un alluma soudainement la lumière du dortoir et tapa ses mains ensemble. Une voix de protestations se déclencha automatiquement dans la salle et les enfants se mirent à descendre des lits un à un. Je les suivis, curieux de voir qui se présenterait comme « superviseur » de notre groupe. Je découvris un jeune homme aux cheveux blonds et raides avec le même uniforme à la nuque et aux épaules découvertes que nous, à l'exception que la bande entourant son col, noire dans notre cas, était rouge. Sa coupe de cheveux me fit penser à un elfe plutôt que le vampire qu'il était réellement.
-Bonjour! Vous allez bien?
Le groupe grogna un faible oui, toujours confus à propos des derniers événements. Certains des enfants avaient aperçus d'autres gamins se transformer en monstres et, bien que le traumatisme fut assez fort pour leur faire oublier cet épisode momentanément, ils allaient se mettre un à un à se rappeler l'horreur qu'ils avaient vu. À ce moment, se sera aux vampires cachés dans le groupe de les dénoncer à ce faux « aîné » qui devait nous superviser.
Aucun enfant dans ce centre pour orphelins ne survivrait jusqu'à l'âge du jeune homme qui s'était présenté à nous. Il n'était toutefois pas un vampire de la noblesse ou un du groupe de scientifiques, mais plutôt une expérimentation comme le gamin du livre à la reliure de cuir dont j'avais visiblement le malheur de remplacer. Il était quand même spécial, car, même s'il il rentré au même âge que tous les autres enfants, son comprimé ne l'avait pas empêché de grandir. Il avait probablement subit un lavage de cerveau sévère qui avait bien fonctionné pour qu'il ait la charge d'un groupe d'enfants qui allait, dans le futur, soit servir un à un soit de cobaye, soit servir de repas.
-Je me nomme Calius, continua le vampire, et je serrai à partir de maintenant votre guide pendant votre séjour dans ce centre pour orphelins!
Un spasme de dégoût me traversa soudainement. Je connaissais ce vampire puisque son nom était apparu dans ma lecture, mais quand? Je devais retrouver ce livre!
-Dans peu de temps, vous serrez escortés à la cafétéria de notre centre. Souvenez-vous du lit qui vous a été assigné. Vous êtes libre pour les quinze prochaines minutes, alors n'hésitez pas à venir me voir!
Plusieurs enfants s'agglutinèrent autour de lui et il leur sourit gentiment. Ses canines me parurent proéminentes, mais cet impression ne dura qu'un instant. Son regard croisa le mien et il plissai légèrement ses yeux.
-Salut!
Je me retournai brusquement et aperçut mon voisin de cellule. J'haussai un sourcil devant le gamin aux cheveux marrons bouclés et aux yeux verts pétillants. Il portait le même uniforme noir et blanc comme tout le monde. Sans plus, je me dirigeai vers mon lit.
-Hé! Où tu vas? me cria-t-il en trottant derrière moi.
-Dans mon lit. J'aime pas les gens.Le gamin rit stupidement et se mit à escalader le lit voisin du mien en même temps que moi.
-Qu'est-ce que tu fais? demandai-je, agacé.
-Je vais dans mon lit.Il me fit une gentille grimace et je soupirai entre mes dents. Je m'allongeai dos à lui.
-Tu sais, continua-t-il. Je ne crois pas que tu détestes les gens autant que tu le dis.
-Si, je les déteste.
-Alors pourquoi tu avais l'air d'avoir peur pour moi quand tu t'es évanoui?Je me figeai. Il se rappelait déjà d'hier? Sauf pour le sang qui lui avait tombé dessus, il était vrai qu'il n'avait rien vu de si traumatisant, mais c'était déjà spectaculaire. Si je l'avais regardé ainsi, c'était que je prenais pour pitié les pauvres enfants qui allaient finir chez un vampire pervers ou un scientifique corrompu, rien de plus.
-Je n'avais pas peur pour toi.
-Arrête de mentir, chanta-t-il d'un ton enjoué.J'entendis le lit grincer et l'enfant apparut devant moi, à moitié dans l'échelle de mon lit.
-Qu'est-ce qu—
-Je m'appelle Milo, m'interrompit-il. Et toi?
-Harvey.
-Enchanté Harvey!Je ne pus m'empêcher de sourire tristement devant son sourire innocent. Je ne devais pas oublier que mon seul but était de sortir d'ici et de retourner à ma vie normale.
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Intruder
FantasyJe crois que, si je n'avais jamais su, je serais tombé dans le piège. J'aurais bu comme tout les autres et j'aurais, au final, perdu mon âme. C'est horrible la sensation qui te déchire, au début pour te retirer à cette eau divine qui coule à flots...