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     Noyé dans la foule, Tao scrutait les passants avec l'espoir de repérer sa cible. Toujours tourmenté par l'arrestation de Lin, son esprit ne parvenait pas à focaliser son attention sur la mission. Le premier contrat était pourtant d'une importance capitale pour un assassin. Sa lame devait s'abattre avant l'aube selon l'empereur. Son regard bondissait de visage en visage.
    L'assassin pénétra dans une auberge miteuse au fond d'une ruelle. L'odeur de rhum basse qualité se mélangeait à des relents de poissons pas frais et de bois pourri. La dernière senteur se justifia par la présence de tâches verdâtres qui décoraient les coins humides de la pièce. Tao entraperçut une charmante famille de rats logés entre deux tonneaux d'hydromel.
    Une capuche couvrant son visage, il s'avança au comptoir sous les regards accablants des clients au nez rouge et à l'haleine putride. Cherchant à trouver une pose crédible, l'apprenti se tortillait sur place. La bouche remplie de crocs noirs de l'aubergiste s'entrouvrit pour laisser entendre un sifflement de prédateur. « Tu t'es perdu, petit ? »
     La bête commençait à tourner autour de sa proie d'un pas menaçant sous les ricanements cruels des hyènes autour.
« On m'a dit qu'un certain Rhün Alduif séjournerait ici, répliqua Tao d'un air taciturne.
- En quoi ça t'intéresse, avorton ?
- Mes intentions resteront dissimulées. Je ne cherche que des informations.
- Tu peux continuer ton chemin, je suis pas de cette graine. »
     La tension s'intensifia dans le silence persistant que faisait régner Tao. Il sortit une pesante bourse de sa poche pour la poser devant les yeux mesquins du rapace. Celui-ci s'empressa de planquer son butin avant de feindre un sourire accueillant.
« Désirez-vous voir la chambre du client Alduif ?
- Je l'y attendrai et en cas de grabuges, n'intervenez pas.
- Voyez-vous, j'ai des problèmes de mémoire et les soins de l'apothicaire ne sont pas sans coût. »
     L'infanticide tendit quelques pièces au grigou et se faufila dans la mansarde. Il attendit plusieurs heures qu'il combla en aiguisant ses lames et en élaborant un plan de sauvetage pour sa belle.
L'obscurité de la nuit enveloppa la pièce. Seuls les ivrognes gênaient le silence de l'instant. Des pas se firent entendre de l'autre côté du mur et la porte s'ouvrit subitement. Tao se coula dans le dos de l'arrivant sans le moindre bruit.
Comme à l'entraînement. Je l'immobilise.
Il coinça les poignets de sa cible à la force des doigts d'une main.
Le couteau sous la gorge.
Sa lame glissa sous la jugulaire où palpitait encore le sang de sa victime.
Et je coulisse.
Le corps s'effondra dans un seul geste. Le même sourire qu'avait Tao quand il avait une bonne note à un test se dessina sur ses lèvres.
Puis il sentit une substance chaude couler sur ses mains. Il se baissa et tâtonna le sol à la recherche d'un tissu. Sa paume rentra en contact avec le même liquide répugnant. Une puanteur insupportable s'insinua dans les narines tressaillantes de l'apprenti. Le silence devint assourdissant et ses iris ne percevaient plus que du noir étouffant et du rouge répulsif. Un goût de sang se dispersa dans sa bouche. Il fut pris de nausées et peina à respirer dans cette atmosphère asphyxiante. Sa vue se troubla. Il enfouit son visage dans ses mains. Ses larmes se mélangèrent au fluide pourpre.
J'ai ôté la vie d'un homme.
Pris de vertiges, le criminel se précipita à la fenêtre à la recherche d'air respirable. Il laissa le corps sans vie, gisant dans une marre de sang, dans cette chambrette témoin de la souillure qui lui avait été faite.
     Le garçon qui fuyait sur les toits n'était plus le gamin dissident qui disparaissait la nuit pour assouvir ses désirs puérils.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 15, 2018 ⏰

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