Chapitre 3

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Tristan

L’entretien avec le directeur s’est déroulé rapidement. Je m’en suis sorti avec seulement un avertissement : « Tu es un garçon intelligent, Tristan, ne laisse pas ton comportement démontrer le contraire. » En sortant, j’ai aperçu Eden qui était encore assise en attendant son tour. Elle s’est levée et est entrée dans le bureau, après m’avoir jeté un étrange regard, on aurait dit un mélange de colère et de tendresse. Peut-être qu’elle me trouvait vraiment attirant après tout… Comme toutes les autres filles. Mais Eden n’était en rien comme les autres filles. Pour elle, je devais sûrement être juste un garçon arrogant et imbu de lui-même. Et elle avait raison.

Eden

Tandis que le proviseur me parlait, mes pensées ont vagabondé vers Tristan. Évidemment, il ne pouvait pas savoir qu’Il avait été mon premier amour, le premier pour qui j’avais eu des sentiments. Il ne pouvait pas non plus savoir à quel point j’avais supplié ma grand-mère de ne pas partir afin de rester avec lui. Durant ces quatre dernières années, j’avais eu quelques copains et j’avais plutôt réussi à l’oublier. Mais dès que je l’avais vu ce matin, je l’avais immédiatement reconnu et j’avais été frappée par une tonne d’émotions autant anciennes que nouvelles, entre autres l’émerveillement devant sa beauté, avec ses cheveux bruns ébouriffés ainsi que ses yeux bleus et brillants. Puis, il s’était comporté en parfait imbécile, méchant et prétentieux. J’étais déçue, confuse et en colère. J’avais toujours pensé qu’en revenant ici, je découvrirais un jeune homme intelligent et empathique, comme une version améliorée du Tristan de mon enfance. Mais il était temps de faire face à la réalité : Tristan avait changé et ce n’était plus celui que j’avais aimé.

Tristan

Je me suis jeté sur le fils de pute qui m’avait provoqué et je lui asséné deux coups de poing en pleine figure. Il s’est relevé rapidement et s’est mis à me frapper, mais j’avais tout prévu et je maîtrisais la situation, comme à chaque fois. Après quelques temps encore de bagarre, les agents de sécurité sont venus et nous ont séparés, mais le mal était fait : je n’avais pas réussi à me contrôler et j’allais me retrouver une fois de plus coincé en retenue après l’école. Je n’avais que quelques égratignures, alors que l’autre gars avait un œil au beurre noir et plusieurs bleus qui commençaient à se former. Je ne l’avais pas manqué! Alors que j’avançais dans la foule pour me rendre à mon casier, j’ai encore vu Eden. Elle m’a regardé fixement dans les yeux et j’ai continué mon chemin. Je me sentais honteux qu’elle ait vu la scène, mais je n’ai rien laissé paraître.

Eden

Il avait fait semblant de n’avoir aucune émotion, mais j’étais sûre d’avoir aperçu une ombre de tristesse dans son regard. Le petit Tristan n’aurait jamais une telle chose : sauter sur un garçon parce qu’il ne s’était pas excusé après lui avoir foncé dedans. Je mourais d’envie d’aller lui parler, de lui demander pourquoi il était devenu comme ça, mais je ne pouvais pas… Ça ne me regardait pas et il me trouverait bizarre. Toutefois, j’ai pris mon courage à deux mains et je suis allé lui parler. Il était encore à son casier, en train de chercher je-ne-sais-quoi dans ce fouillis.

- Salut.

- Ah, tiens, salut, beauté, a-t-il dit en souriant. Qu’est-ce que tu veux?

J’ai respiré un grand coup, sachant pertinemment que le surnom qu’Il m’avait donné ne signifiait rien pour lui et que ça faisait encore partie de sa nouvelle personnalité.

- Hum, je me demandais… Pourquoi t’es comme ça?

- Quoi?

Il me dévisageait avec une drôle d’expression, j’ai réalisé qu’il avait compris ce que ma question signifiait, mais qu’il se demandait pourquoi je lui demandais ça.

- Ben… Pourquoi tu es méchant et agressif?

- Beaucoup de choses peuvent se passer en quatre ans, beauté.

Il avait un air mélancolique, comme s’il savait quelque chose qui le rendait triste.

- Oh… Comme quoi?

- Non, mais, franchement, tu es obsédée par moi ou quoi? Va donc te faire des amis au lieu de jouer à la psychologue qui veut tout savoir!

Ça y était, j’avais dépassé les limites qu’il m’accordait. Je suis partie vite, les larmes aux yeux. J’ai couru dans les couloirs et je suis allée me réfugier dans les toilettes des filles. Là-bas, quelques élèves se remaquillaient en papotant, beaucoup trop occupées pour me remarquer. J’ai pleuré en silence pendant de longues minutes, puis je suis sortie et je me suis passé de l’eau froide sur le visage. C’était si difficile de revenir ici après quatre ans, entre autres parce que mes amis de l’époque n’étaient pas dans ma classe. J’avais passé tant de temps avec ma grand-mère, que je n’étais plus habituée aux remarques méchantes et égoïstes des jeunes de mon âge. Soudain, la porte s’est ouverte sur Fallon, ma meilleure amie alors que j’étais au primaire.

- Eden! s’est-elle exclamée en me voyant.

On s’est serrées dans nos bras : j’étais si soulagée d’enfin rencontrer quelqu’un d’amical et de sympathique.

- Tu es si belle!

- Merci, toi aussi, tu sais, ai-je répondu.

Elle avait grandi et elle était maintenant une belle jeune fille au visage symétrique entouré de cheveux blond clair.

- Tu ne te tiens pas avec la clique des populaires, j’espère? ai-je demandé.

Elle a paru horrifiée.

- Non, bien sûr que non! Je suis encore amie avec Hanna et Elizabeth, nos amies du primaire. On a toutes entendu la nouvelle que tu revenais et on était vraiment excitées de te revoir!

- Je suis vraiment contente d’être revenue… Je m’ennuyais de ma vie ici.

- Bon, je dois retourner en classe, mais ce midi, tu viens manger avec nous?

- Évidemment!

Après un dernier câlin, elle est partie. Je me sentais déjà mieux en sachant que mes anciennes amies voulaient bien renouer avec moi. J’allais quitter les toilettes à mon tour lorsque Tristan – attendez un instant – est entré.

- Tu sais que ce sont les toilettes des filles? ai-je questionné, encore en colère à cause de sa petite crise de rage envers moi.

C’est alors que j’ai remarqué qu’il semblait tourmenté et fatigué.

- Oui, a-t-il fini par dire. Mais je voulais te voir… Je… Je suis désolé pour tantôt.

Plus tardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant