Prologue

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Cher père,


Maman persiste à me dire que t'écrire est malsain. Je pense que c'est assez ironique de sa part personnellement, mais je préfère ne pas argumenter avec elle dans son état. Je sais bien que tu ne verras jamais cette lettre, que tu ne me répondra pas et que tu ne rentreras jamais à la maison. En fait, je pense que cette correspondance à sens unique me sert à honorer ta mémoire et à te garder dans ma vie en quelque sorte. Cela va bientôt faire 3 ans que tu as disparus et l'état de maman ne s'améliore pas. On semble bien s'occuper d'elle à l'hôpital (ils insistent pour qu'on appelle ça un hôpital), elle s'est fait quelques amis, a accès à la piscine tous les jours et, parfois, on dirait qu'elle reprend des couleurs. La vérité, cependant, c'est qu'avec chaque jour qui passe elle s'enferme un peu plus dans sa tête et dans ses souvenirs. J'ai peur qu'un jour elle ne soit plus que l'ombre d'elle-même. J'ai peur qu'un jour je la perde, elle aussi.

Dans quelques jours j'aurai 18 ans. J'imagine que c'est un jour à célébrer en grandes pompes mais je pense que je vais surtout passer la journée au travail. J'ai réussi à prendre une place de remplaçante de nuit en plus de mes horaires normaux. Entre les factures de l'hôpital, le loyer de l'appartement et les factures, les choses deviennent compliquées. Je déteste ce travail, mais je n'ai pas vraiment d'autre choix. J'ai besoin d'argent et c'est assez rare de trouver des employeurs qui acceptent d'engager des mineurs, peu importe leur situation. Le club n'a pas l'air de faire un très gros chiffre d'affaire en ce moment. Les clients viennent de moins en moins depuis l'ouverture de la concurrence et Rusty, le gérant, est d'une humeur massacrante en permanence. Autant dire que l'ambiance n'est pas plus joyeux au travail qu'en dehors.

J'ai conscience que je devrais t'envoyer une lettre joyeuse, remplie de souvenirs amusants qui pourraient te réchauffer le coeur si tu étais en mesure de lire mes mots... Mais je suis fatiguée. Je ne vous en veux pas, à maman et toi. Après tout, rien de se qui s'est passé n'était de votre faute, ni ta disparition, ni son internement. Ca ne m'empêche pas d'avoir parfois l'impression d'avoir été privée de ma jeunesse et d'avoir grandi trop vite. Étant petite je me souvient avoir attendu avec impatience le jour au je serais une grande personne. Maintenant que je fais partie de ce monde d'adultes, j'aimerai simplement pouvoir redevenir une enfant et ne jamais grandir comme dans le conte de Peter Pan. C'est une pensée immature et je sais que je devrais oublier ces enfantillages, serrer les dents et travailler encore plus dur. Pourtant, je revois encore comme si c'était hier, les soirées d'hiver où tu me lisait cette histoire avant de m'embrasser le front en chuchotant « Dors bien, ma belle petite Lily ».


Désolée de ne pas être plus forte pour toi,

Ta Lily.


Lilyane Branwell

Dear NeverlandWhere stories live. Discover now