Chapitre 1 - From the End

7 0 0
                                    


Lily avait à peine passé la porte du club Rockabye cette après-midi même quand Rusty McLughin se planta devant elle, l'air toujours aussi renfrogné. Rusty n'était pas un homme méchant, mais Lily n'aurait jamais été jusqu'à dire qu'il était gentil non plus. Il tenait le club Rockabye depuis la mort de Rusty Senior et maintenant que l'établissement était dans une mauvaise passe, l'humeur du gérant n'avait fait qu'empirer de jour en jour. La jeune femme travaillait ici depuis presque un an et bien que cela soit illégal à son âge, Rusty avait fermé les yeux en ayant vent de sa situation, principalement parce qu'il avait besoin de main d'œuvre et que le salaire de Lily était ridicule.

L'homme d'une quarantaine d'années, mal fagoté et les cheveux déjà éparses et grisonnants, tendait maintenant une feuille de papier pliée en deux dans sa direction. La jeune rousse haussa un sourcil interrogateur et Rusty se contenta de secouer légèrement la feuille sous son nez, ses propres sourcils froncés. Elle attrapa le papier entre deux doigts, le déplia pour en examiner le contenu et cru que le sol s'effondrait sous ses pieds à la vue des premiers mots, imprimés en gros caractères : « AVIS DE RENVOI IMMEDIAT ».

Lily ouvrit la bouche pour parler, ignorant même si sa gorge laisserait filtrer un seul son tellement celle-ci était serrée, mais Rusty fut plus rapide.

- Désolée p'tite, mais c'est la crise, dit-il de sa voix grasse, balayant ses propres paroles d'un haussement d'épaule comme s'il annonçait qu'il allait pleuvoir le lendemain.

Sa silhouette disparu quelque part entre les néons flashy du club avant même que la jeune femme ne puisse protester et, en moins de temps qu'il n'en fallait pour comprendre ce qu'il venait de se passer, Lily avait été gentiment escortée vers la sortie par le videur du club, comme une vulgaire nuisance. Un certain temps passa avant qu'elle ne puisse ne serait-ce qu'esquisser un mouvement. Qu'allait-elle faire ? Elle n'avait pas encore officiellement 18 ans et personne ne voudrait l'engager alors qu'elle n'avait même pas terminé le lycée. Son loyer était déjà en retard de 3 mois parce que les frais pour les soins de sa mère lui coûtait les trois quarts de son salaire, elle ne pouvait pas se permettre d'être au chômage, pas maintenant.

D'une manière ou d'une autre, Lily réussit à rejoindre le bâtiment qui abritait son minuscule et insalubre appartement. Le trajet entre le Rockabye et son logement était un flou complet. Maintenant qu'elle était face à la façade de ce vieux bâtiment, quasiment entièrement recouvert de lierre, elle le détestait encore plus que le jour d'avant. Même depuis l'extérieur on pouvait sentir l'odeur de la moisissure qui s'insinuait entre chaque latte de chaque plancher du bâtiment et, depuis le pas de la porte, les fenêtres tordues et la verdure à moitié morte donnait un aspect lugubre à la résidence. La jeune femme n'avait jamais vécu dans le luxe, sa famille n'était pas riche, mais son ancienne maison avait tout de même un jardin bien entretenu, une jolie peinture et une agréable odeur de citron et de tilleul, mélange des parfums de son père et de sa mère. La descente aux enfers qu'elle avait vécu 3 ans plus tôt incluait la perte de la maison familiale et la seule chose qu'elle avait put louer avec ses faibles économies se trouvait dans ce bâtiment : un appartement d'à peine 12m² avec des moisissures sur les murs, un plancher branlant et rongé par les mites, et le bruit incessant de tous les voisins qui filtrait par chaque mur. Elle haïssait l'endroit mais c'était chez elle, et c'était la seule chose qu'il lui restait.

Le coeur lourd et la tête remplie d'inquiétudes, Lily traîna les pieds dans l'entrée exiguë du bâtiment. Là, l'odeur était encore plus insoutenable que dans les étages mais la jeune femme avait heureusement prit l'habitude de retenir sa respiration du pas de la porte jusqu'à la dernière marche de la première volée d'escalier. Au premier étage, l'odeur de moisissure se mêlait aujourd'hui avec la senteur amer d'un joint, fumé dans un appartement délabré duquel ont pouvait entendre provenir des chansons obscènes à travers la porte en bois dont s'échappait de la fumée dans un flot constant de légères volutes. Lily fronça légèrement le nez à ce mélange désagréable et passa la porte sans tarder, se dirigeant vers la fin du couloir ou se trouvait l'entrée numéro 116. Pour l'atteindre, elle dût passer devant de nombreuses portes, derrière lesquelles elle ne voulait absolument pas savoir ce qu'il se cachait. De-ci, de-là on pouvait entendre un couple se hurler à plein poumons au visage, un homme glousser grassement devant un film pornographique dont le volume était clairement trop élevé ou encore un groupe de jeunes s'amusant sur des instruments avec lesquels ils n'avaient aucun talent. Lily traversa ce couloir infernal le visage fermé et les sourcils froncés afin de se retrouver devant sa propre porte en vieux bois.

Dear NeverlandWhere stories live. Discover now