Dans le chaos ambiant du quartier, parmi tous ces gens qui couraient, criaient et fuyaient, un jeune garçon, debout dans un coin de rue, gardait les yeux rivés sur deux corps qu'il ne connaissait que trop bien. Pour lui, tout ce qui pouvait se passer autour de lui n'était qu'une gigantesque blague. Il ne pouvait imaginer que ce qui venait de se passer était réel. C'était inconcevable pour un enfant de treize ans. Lentement, obéissant à son instinct machinalement, il tourna la tête pour regarder l'autre côté de la chaussée. Un groupe de fantômes s'avançait vers lui, de grands trous béants dessinaient leurs yeux, leurs têtes pointues s'élevaient pour certaines à plus de deux mètres. Le petit métis reprit ses esprits d'un coup et se tourna de nouveau vers les deux corps étendus dans une mare de sang. Des larmes commencèrent à monter à ses yeux. Les fantômes s'avançaient de plus en plus vers lui, de plus en plus rapidement, silencieusement. Une fois qu'ils furent à quelques mètres de lui, une voix intérieure – sa conscience, peut-être, ou la rage qui lui brûlait le ventre – lui hurla de prendre ses jambes à son cou.
Et c'est ce qu'il fit sans plus réfléchir, abandonnant les corps de ses parents récemment décédés dans ce coin de rue qu'il maudissait plus que tout au monde. Ses grandes jambes le menèrent dans une autre rue, encore plus sombre que l'autre. Il savait que les fantômes seraient proches. Il le sentait. Il ne voulait pas mourir. Il ne voulait pas aller en enfer. Il voulait quitter le sud des Etats-Unis le plus rapidement possible.
« Il est ici ! » cria un des fantômes qui l'avait retrouvé, pointant son doigt vers la silhouette frêle du garçon.
Adam se remit à courir, transpirant à grosses gouttes, ses poumons brûlants, le cœur sur le point d'exploser. Ses jambes lui faisaient mal. Il n'en pouvait plus de courir. Il faisait tellement chaud. D'un coup, il se retrouva face à une rue – une des rues principales du quartier dans lequel il vivait jusqu'à maintenant. Dans cette rue, il y avait des arbres, auparavant. Mais à présent, il n'y avait plus que des silhouettes exiguës qui craquaient et se penchaient sous le poids des corps noirs ainsi que sous la chaleur ardente des flammes, ces flammes qui se nourrissaient allègrement de tous ces organismes, qui détruisait tout sur son passage. Il avait l'impression d'être tombé tout droit en enfer. Plusieurs groupes de fantômes commencèrent à l'entourer, petit à petit, jusqu'à ce qu'il prît de nouveau la fuite, traversant les flammes qui barraient la route sans se soucier de se brûler, sans réfléchir.
Il n'avait pas d'autre but que de survivre. Oui, c'était la chose qui importait le plus à ses yeux. Parce qu'il avait promis à ses parents. Parce qu'ils étaient morts pour lui. Parce qu'il voulait honorer leur mémoire. Alors malgré ses poumons qui brûlaient, son cœur qui explosait et ses jambes qui s'ankylosaient, il continua de courir. Il voulait quitter cette horrible ville. Il voulait tout oublier.
Il courut. Longtemps. Plus que longtemps.
Il était horriblement tard lorsqu'il s'arrêta. Il ne savait pas combien de temps il avait passé à courir, mais il n'en pouvait plus, si bien qu'il s'écroula en plein milieu de la campagne américaine. Même lui ne savait pas où il se trouvait. De toute manière, plus rien n'importait lorsqu'il tomba de sommeil, la tête écrasée contre la terre humide du champ dans lequel il s'était perdu.
***************
Ce fut le soleil qui le réveilla. Il ouvrit les yeux avant de les refermer aussitôt dans un grognement. Un mal de crâne s'empara de lui tandis qu'il se relevait. Aveuglé, il posa sa main par-dessus ses yeux pour mieux y voir au loin. A présent, il se devait de trouver le nord. Supposant que nous étions le matin, il regarda la position du soleil et se dirigea tout droit vers le nord.
Les horribles souvenirs de la veille lui remontèrent à la tête. Ses jambes le traînaient, lourdes, sans même qu'il ne regardait où il mettait les pieds. Il revoyait encore sa mère lui sourire et son père le rassurer alors que les fantômes étaient à deux doigts de les attraper. Il revoyait encore ses parents lui dire de courir, de vivre, d'être heureux. Il se voyait encore lui-même, couteau à la main, enfoncer la lame dans leurs corps si chauds. Il entendait encore le bruit spongieux, les grognements de douleur et revoyait leurs yeux qui se vidaient de plus en plus. Adam regarda ses mains recouvertes de sang séché. Il repensa aux encouragements des fantômes qui s'excitaient à la vue de sa pauvre mère souffrir autant. Il les entendait encore hurler des mots qu'il n'arrivait pas toujours à comprendre, mais dont il connaissait la définition sur le bout des doigts.

VOUS LISEZ
RED
Fiction générale/!\ IL S'AGIT D'UN PREQUEL DE "ASUNA". IL EST POSSIBLE DE TROUVER PLUSIEURS SPOILERS CONCERNANT CERTAINS PERSONNAGES ET ÉLÉMENTS DE L'HISTOIRE. /!\ Ce préquel relate les aventures de Red durant ses jeunes années. Il percera le mystère qui plane aut...