Il s'assit sur ce banc, esseulé, vidé de tous sentiments. Pour la première fois en un mois, l'hôpital lui avait autorisé une sortie de quelques heures. Le froid oui mordait les mains, mais il s'en fichait. La bête noire ne l'avait pas quitté.
Par habitude, il chercha son regard vivant, pendant une seconde il la cru à côté de lui, mais il n'y avait que le froid, un froid terrible. Le soleil pointait ses rayons à travers les arbres, mais cela n'y changeait rien, il y avait toujours ce froid, ce putain de froid qui lui gelait les lèvres.
Dire qu'il y a un an il faisait parti de cette masse informe de personnes qui sortaient de leurs bureaux à la pose de midi, passaient devant lui sans le voir, allaient acheter un sandwich et retournaient derrière leurs bureaux. Il n'en ferait plus jamais parti, et cela lui donnait des hauts-le-coeur. Mais peut-être était-ce mieux comme ça.
Il n'était plus comptable, il n'était plus cadre, il n'était qu'une forme noire sur le banc d'un parc en hiver. Cette réalité le frappa de plein fouet lorsqu'il sortit une bouteille d'eau de son sac. Il n'existait plus. Pris d'une envie subite, il composa son numéro, enivré par le fol espoir qu'elle décroche. Ses forces le quittèrent instantanément lorsqu'il entendit une voix robotique lui annoncer que ce numéro n'était plus attribué. Il lui fallait de l'oxygène, de l'air, de l'aide. Il devait appeler son infirmière, retourner à l'hôpital.
Il se réveilla dans son lit d'hôpital. La lumière blanche lui éclatait les yeux, les quatres pauvres murs blancs lui donnèrent mal à la tête. Il sentit son regard se troubler et sa tête partir en arrière. Il voulu appeler quelqu'un, qu'on vienne le chercher, le sortir de cet endroit pauvre et sans vie, mais une perfusion l'empêchait de bouger le bras. Une infirmière entra, mais alors qu'elle s'avançait vers lui, il retomba dans les limbes de son esprit.
Les néons clignotaient sans s'arrêter. Les murs étaient verdâtres, salis. La fenêtre dans le coin supérieur gauche était cassée, et l'air qui s'infiltrait dans la pièce était chargé de souffre. La poussière semblait s'être déposée dans chaque coin de la pièce, sur chaque objet, elle remplissait les petits orifices et arrivait à la moitié des grands. Il lui semblait que les murs étaient remplis d'eau, bougeaient, se déplaçaient, oui c'est ça ! Les murs bougeaient, se resserraient, ils allaient l'aplatir si ça continuait ! Il ne voulait pas mourir !
Bastien...
Pas maintenant, pas tout de suite, pas alors qu'il était enfermé ! Alice, où était Alice, il voulait retrouver Alice ! Et voilà les murs qui ne s'arrêtent toujours pas de bouger, voilà les murs qui tanguent, les voilà qui fondent. Mais il n'y a personne dans cet endroit ? Qu'on lui vienne en aide !
Bastien !..
Où était son infirmière ? N'était-elle pas censé l'aider, toujours être à sa disposition, qu'importe l'heure, le jour ? Peut-être était-elle complice avec ses ravisseurs, si c'était elle aussi une complice ? Plus il y pensait, plus cela lui semblait plausible. Après tout, il ne la connaissait pas... Les murs ne s'arrêtaient pas, ils continuaient leur vertigineuse avancée, n'étaient plus qu'à quelques mètres de lui, il sentit des mains fermes attraper ses épaules, il écarta les bras, il pouvait toucher les murs ! Les mains le plaquèrent sur ses draps, mais à qui étaient-elles, que se passait-il, il asphyxiait merde ! Il ne voulait pas mourir !
BASTIEN !
Il ouvrit brusquement les yeux. Son dos était arqué, sa bouche hurlait, l'infirmière le regardait d'un air terrifié et un gardien le maintenait allongé.
" Qu'est-ce qu'il se passe, que faisiez - vous quand j'avais besoin de vous, cria-t-il, où étiez-vous, pourquoi n'êtes-vous pas intervenus ?
- Calme toi Bastien, commença l'infirmière.
- De quel droit vous permettez-vous de me tutoyer ?
- Excusez-moi. Tout ceci n'était qu'un cauchemar Bastien. Respirez, lentement. Il ne s'est rien pas...
- Comment ça, la coupa-t-il, ? Ce n'était pas qu'un cauchemar, j'ai vu les murs se rapprocher, les néons clignotaient ! J'ai senti l'air chaud passer sur mon corps. Qu'essayez-vous de me cacher, dites-moi ! Je veux voir Alice, où l'avez-vous mise ? Où est-elle ? Rendez-la moi ! Je veux voir Alice ! "Bastien se libéra de la prise du gardien, et il se redressa, hors-de-lui, dans ses draps. Il continuait de demander la venue d'Alice.
Alertés par le bruit, le directeur, deux autres gardiens et un infirmier entrèrent dans la pièce. Les gardiens se joignirent à leur collègue, et il réussirent à stabiliser un Bastien fou. Le directeur, sans un regard pour lui, demande à ce qu'on l'amène dans son bureau, une fois qu'il serait calmé. Il sortit de la chambre. L'infirmier tentait tant bien que mal de rassurer sa collègue. Il profita d'un moment d'inattention de celle-ci pour piquer une poche de morphine. Alors qu'il se redressait, il sentit un regard se poser sur son dos, lui brûler la colonne. Il leva brusquement la tête, mais ne vit personne qui le regardait.
Il prit doucement sa collègue par le bras et l'entraina vers la sortie. Il ferma la porte, voulant à tout pris s'éloigner de cette pièce, mais la sensation de brûlure revint et le tétanisa. Il se retourna lentement et vit Bastien, le dos droit, bras tendus et poings serrés, les gardiens s'activant autour de lui. Il vit Bastien le regarder des ses grandes pupilles noires et glacées. Il vit Bastien ouvrir la bouche. Il détala. " Il sait ", pensa-t-il, terrifié.
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Bastien.
RandomBastien est un jeune homme de 22 ans à l'hôpital. Que dire de plus ? Bastien aime les pâtes. Bastien fait des crises de panique folles. Bastien n'aime pas la mer. Bastien veut retrouver sa copine. Bastien ne comprend plus rien. Bastien étouffe. Bas...