Partie 1 : Asaké

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                            Chapitre🖕 😂

   Le soleil filtrant à travers les gros nuages qui tapissaient l'horizon. Sur le versant ouest de la ville, le matin semblait encore hésiter malgré le réveil de l'astre du jour. Parakou, la grande métropole du nord-Bénin, donne toujours cette impression de naviguer entre l'hivernage et les rumeurs de pluie de l'entre-saison.
   D'un quartier à l'autre, les bruits se releyaient en continu: les pétarades des taxis-motos, les klaxons des gros camions, les bruits des voix, les pleurs d'enfants et, par moment, le crescendo des muezzins dont le chant, à travers les minarets des mosquées, s'élevait pour rappeler aux fidèles leur contrat avec le Tout-puissant.
   Bolaji ne prêtait aucune attention aux appels pressants du prédicateur. Installé dans un des fauteuils du salon, les pieds posés sur le guéridon, il parcourait distraitement un journal, un tabloïd spécialisé dans les petites annonces. A peine faisait-il attention à la présence de sa femme Asaké occupée à donner à manger à leurs jumeaux Adédayo et Adéwalé, deux petits diables encore en bas âge.
   La jeune femme ne comprenait pas que son mari, éternel chômeur aux poches troués, puisse passer son temps à ne rien faire alors qu'il pourrait la soutenir. Non pas pour subvenir aux charges financières de la maison, mais pour l'aider à s'occuper de temps en temps de leurs enfants.
   Comme tous les matins, Asaké devrait se rendre à son travail, à l'autre bout de la ville. Mais avec les nombreuses tâches domestiques, la cuisine, la vaisselle, la lessive, elle paraissait bien dépassée et se demandait par quel miracle elle allait s'en sortir. Et le foyer ne disposait d'aucune ressource supplémentaire pour engager une bonne.
   Neveusement, la jeune femme leva les yeux sur l'horloge fixée au mur. Il lui semblait que les aiguilles progressait à grande vitesse. Huit heures passées de dix minutes. Sa patronne allait de nouveau lui crier dessus.
   - Bojali, s'il te plaît, lança-t-elle à son époux, tu pourrais m'aider en t'occupant un peu des enfants ?
Le mari tourna légèrement la tête, s'appuya sur l'accoudoir du fauteuil et lui répondit:
   - Ah bon ? Parce que ce que je fais en ce moment n'est pas important ?
   - Je n'ai pas dit ça, mais...
   - Mais quoi ?
   - Tu pourrais lire ton journal plus tard, sois gentil de m'aider à donner à manger aux enfants.
   Bojali, les yeux légèrement injectés de rouge, soupira profondément puis passa la langue sur les lèvres.
   - Je ne te comprends pas, martela-t-il. C'est toi-même qui me reprochais de ne pas consacrer assez de temps pour chercher du travail. Maintenant que je traque les petites annonces d'emploi dans les journaux, tu veux que je laisse ça pour m'occuper d'autre chose. Tu es marrante, toi.
   Asaké voulu répondre. Mais à quoi bon ? Cela risquerait de provoquer encore une dispute. Elle n'en récoltait que colère et insultes. Et cela aggraverait le retard qu'elle accusait déjà. Ses yeux, à nouveau, s'élevèrent vers l'horloge qui marquait gît heures quatorze. Un long soupir souleva sa poitrine.
   Il fallait partie, se risquer à nouveau dans l'ambiance poisseuse de la ville.

                                         *
   Un teint à mi-chemin entre le café crème et la banane mûre. Des formes épanouis qui se déployaient toujours dans les tenues traditionnelles. Puis, sa poitrine, de gros pamplemousses aux couleurs claires qui laissaient entrevoir, quand elle portait des décolletés plongeants, de fines particules brunes semées ça et là. Asaké était une femme qui faisait rêver.
   Sur son visage en forme de coeur, il n'y avait rien que des traits réguliers. Yeux, nez, joues, menton, mais ses lèvres étaient plutôt charnues, offertes comme des pétales de rose.
   Sa maternité ne l'avait pas abîmée. Être mère de jumeaux paraît-il, vous use une femme. Or, il semble qu'elle en avait tiré des bénéfices, puisque son corps s'était intelligemment bonifié. Avec des hanches qui s'étaient évasées, des cuisses qui s'étaient fuselées, des fesses qui s'étaient arrondies, sauf le ventre qui n'avait plus la même fermeté. Au-delà, la jeune femme portait ses vingt-cinq ans comme d'autres portent leurs tenues du dimanche. Mais son corps à beau être sculptural, il ne correspondait en rien à son moral et à sa condition conjugale.
   Elle n'avait pas une situation enviable. Si sa patronne, un véritable rabat-joie, était toujours là à lui chercher des poux dans les cheveux, à la maison, c'était Bojali, son mari chômeur, qui l'accablait de tout. Un homme aussi paresseux qu'un fétiche, aussi glouton qu'une banque suisse. Il passait le plus clair du temps à lui défaire le pagne chaque nuit, comme s'il n'avait que ça à faire. Asaké se demandait ce qu'elle avait bien pu faire au ciel pour que le sort l'accable d'un homme aussi égoïste. Mais à trop y penser les larmes risqueraient de lui noyer les yeux. Elle ne ferait rien de sa journée.

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⏰ Dernière mise à jour : May 20, 2019 ⏰

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