La magie de Noël - Les origines

Vive le Capital !

L'homme s'éclaircit la gorge, et reprit : « Je me présente, je suis l'esprit de Noël. » Devant nos regards incrédules, il dut rajouter : « Je sais, vous vous attendiez à un vieux gros barbu vêtu de rouge mais depuis que Google a racheté Noël à Coca... enfin bon je vous passe les détails. En même temps, je ne suis pas là pour beurrer les tartines. Je vais vous emmener dans un lieu important de réunion des Méritants, dans le but de vous réconcilier avec le Système. »

Comme dans les films, on pouvait espérer qu'il se téléporte d'un mouvement de main. Au lieu de ça, il commanda un Uber depuis son smartphone. Le traditionnel effet spécial du nuage de fumée fut tout de même assuré, mais par la cigarette de ma tante.

On arriva promptement devant la discontinuité permettant, en venant d'une exposition à l'action de l'air, de s'introduire dans la portion d'espace d'un immense volume du volume que l'on livre généralement sous la forme d'un livre. Dans les complications et détours de couloirs entrelacés, je suivais de près toujours l'inconnu, et du regard les régulières réflexions des lignes grises du faux plafond qui, d'un mur à l'autre, semblaient me barrer le chemin pour me prévenir, mais aussi tout horizon de retour.

Une rumeur commençait à résonner dans les sinuosités des corridors. Au bout, une ouverture laissait apercevoir une grande salle. Nous y entrâmes et je vis une assemblée : des milliers d'êtres, regroupés sur plusieurs dizaines de mètres dans toutes les directions. À une distance assurément trop importante pour deviner l'âge du capitaine, s'élevait une estrade, encore dénuée d'orateur.

Progressivement, les spots se refroidirent et les écrans géants s'illuminèrent. On pouvait y voir un homme au visage à peu près semblable à celui de l'inconnu, paré d'une longue robe noire aux manches pendantes. Il venait de reposer, encore fumant, son sixième appendice charnu qui multiplié par deux indique une dose de Porto, grandi dans cette magnifique maison impropre à l'intolérance selon Claudel, caribéenne, où poussaient ces gens qui sans être spécialement bons en dictée promulguent leurs propres règles. L'assemblée se tut.

« Bienvenue, Méritants du monde entier. Je déclare ouvert le grand congrès 2018 du Capital ! » Après une tempête d'applaudissements, il reprit : « Rendons tout d'abord hommage à celui grâce à qui nous sommes réunis en ce lieu : Vive le Capital ! — l'assistance scanda la phrase à plusieurs reprises — Ô grand Capital, toi qui produis, toi qui t'accumules, sois loué aujourd'hui ! Ô Capital sacré, toi qui fais tourner le monde, toi qui donnes aux Fainéants une factice raison de vivre ! Toi qui proviens du labeur des masses, de la Finance, entend nos prières ! Il faut des jeunes qui aient envie de devenir milliardaires. Il faut des chômeurs qui n'attendent pas, mais qui se battent. En même temps, le libéralisme est une valeur de gauche. Mes frères, acceptez-vous la spoliation de notre travail, fruit de notre mérite, par les Fainéants ? Voulez-vous demeurer écrasés par l'infâme instrument des soviétiques, la sécurité sociale, l'ISF ? Vous soumettez-vous aux diaboliques cotisations, freins au développement ? — une réponse négative s'éleva du public comme d'une seule voix — L'espérance c'est le premier risque, c'est le risque des risques. Parce que l'indécence, les privilèges, ce sont des risques, mais aussi de formidables opportunités. C'est l'objectif premier, la boussole qui doit nous guider du public au privé. Je suis l'exemple dont les peuples ont besoin, et la lumière qui les électrise. Mes chers compatriotes, vive le Capital, vive la France. » Un puissant « Amen » de la foule électrisée fit vibrer les murs, puis ce fut un concert d'approbations, de hurrahs et de slogans.

Je tiens fortement à remercier notre cher Président, à qui j'ai emprunté les passages en italique. Et merci à la Parisienne Libérée, qui a su remettre ces mots dans le bon ordre. Merci également aux Papous pour le cigare.