Beaucoup de fanfictions utilisent souvent des ressorts scénaristiques (très) dramatiques voire (très) violents dans leur intrigue. Je ne m'oppose absolument pas à ce genre de procédé car je sais à quel point il peut aider la personne qui écrit : son effet cathartique, les bienfaits de l'écriture comme thérapie, sont des éléments connus de pas mal d'entre nous.
Cependant, il faut être prudent.e avec ce genre de procédé. D'abord, car la violence ou la complexité de ce qu'on raconte doit être pris.e en compte. Non, avoir vécu la situation que vous relatez ne vous donne pas forcément une vision totalement "juste" de la chose. Au contraire, à force de trop vous y impliquez, vous pouvez même oublier d'autres vécus qui existent aussi... voire même les mépriser. Personne ne vous demande de dresser un panorama parfait et global d'un sujet, mais il faut cependant bien y réfléchir avant d'écrire.
A l'inverse également, ne pas être directement concerné.e par un sujet peut provoquer de grosses maladresses. N'oubliez pas que ces sujets que vous évoquez peuvent avoir été vécues par beaucoup de gens qui vous lisent.. il est donc important de prendre des pincettes et des précautions mais surtout, de s'informer au maximum sur un sujet (même quand on pense le connaître) afin de ne pas reproduire des visions stéréotypées qui peuvent être blessantes ! D'ailleurs, reproduire de tels clichés est souvent dangereux !
Voici donc une liste (non) exhaustive de sujets auquel il faut réfléchir sérieusement avant d'envisager d'écrire dessus :
- Les relations sentimentales entre élève et prof
Même si ce genre de relations est souvent perçu comme cool et romantique (je pense à la série Pretty Little Liars qui a pas mal participé à cette vision là), la réalité est bien loin d'être rose. Pour rappel, un.e professeur.e a une forme d'autorité sur un.e élève et il n'est pas bien difficile de comprendre pourquoi des relations amoureuses peuvent être interdites entre les 2. Au-delà de l'abus et du chantage qui peut en découler (en termes de notes) etc. imaginez deux petites minutes ce qu'une rupture peut provoquer à l'élève qui doit ensuite retourner en cours et faire comme si de rien n'était.
Par ailleurs, ces histoires prétendument touchantes sont en réalité très éloignées de la réalité. Au-delà des histoires de pédophilie, si on prend les histoires à la fac par exemple, il y a bien plus d'histoires de harcèlement sexuel incluant un professeur plus âgé que son élève que des histoires d'amour.
Je sais, ce n'est pas très joyeux mais ce que je veux dire, c'est qu'il est important de sortir du cliché « professeur-élève-qui-s-aiment-en-secret-et-se-cachent » pour réfléchir à quelque chose de plus vaste : qu'est ce que cela implique concrètement pour le couple ? L'environnement imaginé au sein de leur relation est-il toxique, sain (et est ce clairement dit) ?
Par ailleurs, il me semble crucial de faire de votre élève une étudiante majeure (17 ans dans l'univers HP pour rappel) et aussi d'éviter de créer une sorte de fetish où l'homme est toujours beaucoup plus vieux que la jeune fille. C'est un cliché très récurrent dans le cinéma occidental ainsi que la littérature (ou pour prendre un classique, dans Lolita de Nabokov) mais il pose beaucoup de questions.
- Les viols, harcèlements, agressions et attouchements sexuels
Revenir sur ce point me semble très important tant j'ai pu lire tout et n'importe quoi à ce sujet. Il est légitime de vouloir raconter des événements aussi terribles dans une histoire mais il faut également le faire correctement. Quand on parle de violences sexuelles, un « mythe » revient souvent : celui de la jeune femme agressée en pleine nuit par un illustre inconnu qui est un « fou furieux », qui la menace avec un couteau alors qu'elle hurle et se débat. Statistiquement, ce genre de viols représente une proportion assez minime. La plupart des violences sexuelles se passent autant de jour que de nuit, dans un lieu que la victime connait et l'agresseur/violeur est souvent une personne (qui n'est pas malade mentalement parlant par ailleurs mais qui a tous ses esprits) qu'elle connait (un proche, un conjoint même –les viols conjugaux représentent une part importante des violences sexuelles par exemple). Par ailleurs, le fait qu'une victime cherche à se débattre reste rare aussi : par peur et/ou par choc, elle reste souvent immobile, à attendre que cela se termine. Des études sur le sujet, il y a en a eu des tas et je vous laisse le soin de les lire.
Pourquoi je vous parle de tout ça ? Etant donné qu'une femme est violée en France toutes les 7 minutes et qu'une femme est tuée par son conjoint tous les 3 jours, il est très important de savoir de quoi on parle. On ne peut pas instrumentaliser les violences sexuelles à sa guise pour en écrire quelque chose d'erroné et de cliché qui reprend des stéréotypes dangereux qui contribuent à ignorer la réalité des violences faites aux femmes.
Je tiens vraiment à revenir sur ce point car je sais que cette méconnaissance n'est pas forcément volontaire (bien entendu) et moi aussi, plus jeune, je suis tombée sur des fanfictions reprenant ce genre de scénarios complètement faux mais qui sont pourtant si répandus dans l'imaginaire collectif... et ces clichés ont façonné et contribué à ce que j'ai, pendant très longtemps, une vision erronée de ce que les femmes peuvent vivre. Or, comme nous sommes les premières victimes de ces violences, j'aurai aimé être au courant avant et peut être connaître cette réalité pour pouvoir être plus à même de me défendre à certains moments de ma vie.
Si vous avez peur d'écrire des bêtises sur ce genre de sujet alors abstenez-vous, tout simplement. Personne ne vous en voudra et vous êtes sûr.e que rien de mauvais n'en sortira.
- Les traumas
Ce point-là rejoint mon précédent. Peu importe la raison du trauma, je pense qu'il est important de prendre le temps d'écrire dessus. Vous ne pouvez pas faire vivre un événement extrêmement violent à votre personnage pour ensuite en faire quelque chose de dérisoire, anecdotique. Alors je ne dis pas que tout le monde réagit de la même manière à tout, qu'un drame doit forcément changer quelqu'un du tout au tout et ne peut être oublié ou refoulé par votre héros/ïne... tout dépend de sa personnalité et de ce que vous désirez en faire ! Mais il y a un juste milieu à adopter.
Il y a des événements qui nous marquent et peuvent nous influencer. Mais surtout, il faut arrêter de faire subir à votre personnage principal des horreurs « gratuitement ». J'entends par là que le voyeurisme malaisant qui n'apporte rien à l'histoire et au déroulement de l'intrigue hormis du sadisme, cela n'a aucune utilité. Conséquences négatives ou non, les éléments aussi dramatiques ajoutés à votre histoire doivent avoir une utilité.
- Les grossesses et la sexualité (de manière plus générale)
Les grossesses : Alors ça, je crois qu'on va être pas mal d'accord : les grossesses accidentelles, c'est un ressort scénaristique vu et revu ! De base, cela ne me dérange pas mais j'avoue que c'est peut être vite utilisé de manière « facile ». Je l'admets, je l'ai moi-même fait (mais c'était pour induire en erreur mon lectorat... hihi) mais parfois, j'hausse un peu les yeux au ciel.
J'ai beaucoup du mal avec cette idée d'imaginer constamment des grossesses non désirées qui seraient très bien reçues/vécues alors que cela a un énorme impact et une grosse responsabilité (surtout quand vous imaginez que la mère et/ou le père élève ensuite l'enfant seul !). J'ai parfois l'impression d'assister à une sorte de fantasme sur pattes mal ficelé et ça m'embête un peu.
Tout comme j'ai du mal avec le fait de n'imaginer que des grossesses accidentelles. En fonction des époques, je veux bien le percevoir comme une éventualité intéressante, mais ce truc de ne pas vouloir concevoir à un seul moment que la contraception existe et que tout le monde est forcément ignorant/naïf, je trouve ça bien dommage alors qu'un petit rappel de temps à autres ne fait pas trop de mal.
Les relations sexuelles : pour rappel, il n'y a rien de fun de se moquer de certaines orientations sexuelles ou pratiques sexuelles comme si une histoire permettait des abus.
Et bien quand on parle de coït et de grossesse, c'est la même chose : votre personnage principal n'est pas obligé de passer par le fait d'être enceinte parce qu'elle aurait été subitement tête en l'air (surtout si ça ne lui ressemble pas) et vous n'êtes pas non plus obligé.e d'imaginer une fausse couche surprise qui viendrait tout régler d'un seul coup.
Je sais que c'est assez répandu comme pratique dans les séries TV pour créer du suspense sans faire de « vrai » choix au personnage mais n'oubliez pas... l'avortement existe ! Et il est aussi très courant, comme une fausse couche, il mérite aussi d'être évoqué et abordé. Et si je me permets de dire ça c'est que moi-même je songe vraiment à l'inclure dans de prochaines intrigues.
J'oublie sûrement d'autres sujets qui peuvent être complexes mais je pense aussi aux addictions, aux TCA, aux maladies mentales qui sont des sujets délicats à manier. Faites preuve de prudence, informez vous, n'hésitez pas à demander aux personnes concernées de vous guider si cela vous aide... et bon courage !
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