Rencontre

6 0 0
                                    


« Luiza Antonia Esperenza Maria Vasquez ! Debout ! Tu devrais déjà être prête depuis plus de dix minutes ! »

Un réveil pareil on en rêve tous pas vrai ? Et bien, c'est ce que vivait Luiza quotidiennement ou presque depuis plus d'une année déjà. C'est-à-dire depuis qu'elle avait décidé de ne pas continuer ses études après le lycée. Elle n'avait pas aimé ses années où elle s'était senti trop souvent différente, mais ses différences lui avaient aussi fait comprendre qu'étudier ne l'aiderait pas à réaliser ses objectifs dans la vie. Ça n'avait pas été nécessaire pour ses parents, pourtant, ils avaient réussi et c'était ce genre de réussite que visait Luiza. Quel genre ? Celui de vivre ses rêves et de vivre de sa passion. Et la sienne, c'était le dessin.


« Luiza, si tu arrives en retard à la messe encore une fois, ça n'est pas auprès de moi que tu devras t'excuser ! »

Ce réveil quotidien, c'est sa grand-mère qui lui imposait. Si ses parents avaient totalement soutenu sa décision, sa grand-mère en revanche était beaucoup plus réticente. Elle avait bien une petite idée en tête, mais elle n'avait toujours pas réussi à se décider de la meilleure des façons de lui expliquer que la vie d'aujourd'hui n'avait rien à voir avec celle qu'elle avait pu connaître il y a cinquante ans quand elle était arrivée dans ce pays. Luiza est d'origine espagnole et sa grand-mère est arrivée aux États-Unis de façon illégale pour donner une chance à l'enfant qu'elle attendait de vivre une vie meilleure. Elle savait qu'elle avait dû travailler dur pour réussir à survivre et elle comprenait que c'était difficile pour elle devoir sa petite fille s'entêtait avec des dessins, mais c'était pour elle le genre de chance qu'elle devait saisir, qu'elle n'aurait peut-être pas pu avoir en Espagne.

« Abuela j'arrive,Jésus ne m'en voudra pas si je prends le temps de me laver les dents, je t'assure. »

Non pas qu'elle n'aimait pas se rendre à la messe, mais elle ne comprenait pas comment son père pouvait lui rester à dormir sans que personne ne le lui reproche et elle avait déjà entendu la réponse de sa grand-mère et de son autre père des dizaines de fois « Il a cinquante ans, essayer de lui expliquer quoique ce soit reviendrait à essayer de discuter avec un âne. » Mais elle savait que ça n'était pas là la vraie raison. Sa famille est ce qu'on pourrait appeler une famille atypique : deux pères tatoués sur les moindres parcelles visibles de leurs corps dont l'un d'eux se déplace avec une canne. Elle avait compris il y a de ça des années que son papà, tout comme elle, vivait mal le regard des gens sur lui. Et lorsqu'ils se rendaient tous ensemble à l'église le dimanche, leur famille ne passaient pas inaperçu. Son père passait outre, parce qu'il est le genre d'homme qu'elle admire, que rien ne semble pouvoir ébranler ou atteindre et chacune des remarques ou chuchotements sur leur passage semblaient muets à ses oreilles. Et puisqu'il est le genre d'homme qu'elle admire, il a fait quelque chose selon elle d'admirable même si le mensonge est de loin ce qu'elle déteste le plus, il a menti. Il a prétexté ne plus se sentir en « Adéquation avec Dieu, je me sens plus en adéquation avec mon lit et une pizza froide. », pour laisser son mari et sa fille prendre place dans l'église en n'entendant plus les murmures sur leurs passages. Elle ne savait pas si son papà avait compris la supercherie de son père, mais elle savait juste qu'à partir de ce moment-là, elle n'avait plus jamais entendu de chuchotement le dimanche.

« Luiza ! On y va ! Dépêche toi ! »

Elle était maintenant passé de la salle de bains au lit de son père, elle espérait que simuler le sommeil allongé à côté de lui adoucirait peut-être sa grand-mère, mais la mission paraissait plutôt difficile étant donné qu'il s'acharnait à lui chatouiller les hanches sous la couette jusqu'à enfin obtenir un rire qui résonnait dans toute la maison. Rires qui attira Abuela, sourcils relevés sur un regard réprobateur.

« Julio ! Si tu ne vas pas à la messe, n'empêche pas Luiza d'y aller ! Et habille toi, tu ne vas pas passer la journée en caleçon ! »

Ça faisait beaucoup trop longtemps à son goût qu'elle n'avait pas pu passer de matinée avec son père, pourtant, c'était l'un de leurs moments préférés à tous les deux. Assis dans le lit, la télévision allumée sur une émission de tatouage et entourée de dizaines de boites de céréales et d'une bouteille de lait vide. Son père n'avait pas pour habitude de mâcher ses mots et généralement les critiques fusaient au milieu des rires, elle espérait vraiment avoir un jour autant de franc-parler que lui, mais la mission paraissait compliqué. Si Julio était bien son père biologique,elle avait pourtant hérité de la retenue et de la timidité de l'autre homme qui l'élevait et qu'elle appelait papà. Elle a toujours su la vérité et elle n'avait jamais marqué de différences entre eux, ils l'aimaient du même amour inconditionnel et elle n'imaginait pas sa vie différemment. Et d'ailleurs, il commençait à s'impatienter au rez-de-chaussée : « Luiza por favor ! ». Un baiser furtif à son père et la belle s'envolait enfin.



« Tu m'accompagnes ? Je t'ai déjà parlé d'elle, tu verras, elle est vraiment adorable ! »


La messe terminée, Luiza s'était retrouvé embarqué dans un café, papà avait rendez-vous avec l'une de ses vieilles amies et la perspective de rester là assis à les écouter parler de leurs vieux souvenirs pendant des heures ne la réjouissait pas vraiment, mais elle n'était pas ce genre de filles, celles qui s'opposent à leurs parents ou plutôt celles qui savent seulement dire non. Elle ne s'imaginait pas leur refuser quoique ce soit, elle leur était tellement redevable, mais c'est vrai que parfois ce sentiment lui pesait et l'envie de prendre ses propres décisions devenaient parfois plus forte que le reste. Mais pas aujourd'hui, aujourd'hui, son envie de tacos au fromage et de marathon de telenovela venait de se faire enfouir beaucoup trop loin. Le café où ils avaient rendez-vous se trouvé en plein centre-ville, c'était le genre d'endroit calme et reposant qui lui plaisait beaucoup, en fait elle était déjà venu ici plusieurs fois. Des livres recouvraient la plupart des murs de la grande pièce, tandis que de grands fauteuils en velours dépareillés semblaient les inviter à s'asseoir et à s'oublier dans un roman tout un buvant un chocolat ou deux. Ou dans le cas de Luiza, à remplir une ou deux pages de son carnet de dessins. La réalité l'a rappela bien vite quand elle entendit son prénom et face à elles deux femmes qui se ressemblaient traits pour traits, avec une bonne vingtaine d'années d'écart cependant. L'amie de son père était accompagnée de sa fille, Hope. Son prénom lui décrocha un demi sourire et c'était là le début de leur rencontre.


You've reached the end of published parts.

⏰ Last updated: Feb 12, 2018 ⏰

Add this story to your Library to get notified about new parts!

LuizaWhere stories live. Discover now