BLACK EYES

Chapitre 3

Je sors de l'hôpital après quelques jours d'observation. Une dame blonde avec des lunettes rouges et une mallette rectangulaire noire, parle avec le médecin, puis se dirige vers moi. Elle est venue pour m'emmener avec elle, c'est une assistante sociale qui fait partie de «l'aide sociale à l'enfance », me dit-elle. Elle va m'aider à trouver une famille d'accueil, vu que je n'ai plus de proches, mon père étant décédé dans un accident de la route lorsque j'étais bébé, et que la famille plus éloignée refuse ma garde.

Compte tenu de ma situation, l'accueil d'urgence est appliqué, c'est-à-dire que je suis placée dans une famille pendant six semaines maximum, le temps que les instances compétentes trouvent une solution à long terme.

La dame m'installe à l'arrière de sa petite voiture rouge et attache ma ceinture. Sur la route, elle m'explique ce qui est en train de se passer et surtout, où elle va me déposer. Elle me parle également de la famille qui va m'accueillir : c'est un couple d'une quarantaine d'années avec trois enfants, la famille Willard. Je suis contente de rencontrer d'autres enfants, pour ne plus être seule, mais ma joie de  vivre s'est un peu envolée. Je me sens perdue et démunie. Nous arrivons devant une petite maison en pierre. Tout à l'air propre et bien aménagé. Avant de se garer, j'aperçois par la fenêtre le visage d'une petite fille, qui, à la vue de la voiture, disparaît, laissant vaciller le rideau par son passage.

Le bruit du moteur s'interrompt. La dame descend de la voiture et claque la portière derrière elle. Elle la contourne pour venir me chercher et me pose par terre avant d'ôter mes affaires du coffre. J'attrape sa main et lui lance un regard inquiet. Nous avançons, ensemble, en suivant l'allée de graviers. Le couple ouvre la porte et me regarde avec un grand sourire. Leurs enfants, plus timides, restent en retrait. Je peux les voir rigoler au loin. Une fois arrivées à leur hauteur, la dame me présente et ils font de même. La maman s'appelle Laurence et le papa Fabian. Quant aux enfants : l'aîné, Ezra, a 17 ans et ses sœurs cadettes, Adaline et Adénora, ont 8 ans.

« Viens mon enfant, me lance la mère de famille. Nous allons te montrer ta chambre ».

Je la suis sans broncher, en observant les pièces sur mon passage. Mes yeux parcourent toute la maison. Nous montons un long escalier en colimaçon pour rejoindre l'étage. En posant le pied sur la première marche, un bruit de grincement se fait entendre. Celui-ci me rappelle l'escalier de mon ravisseur. Je sanglote et cours me blottir dans les bras de la dame qui me rassure aussi vite. Nous continuons donc notre visite. Une fois arrivés sur le palier, au fond du couloir, j'aperçois une porte en bois décorée d'une ardoise avec mon prénom écrit dessus. Je me dirige vers la porte, angoissée, mais curieuse de découvrir ma nouvelle chambre. Je pousse lentement la porte en avançant  la tête. Il y a beaucoup de jouets et de décorations. Tout est prévu pour que je m'y sente bien et surtout en sécurité. Les jumelles me rejoignent assez rapidement pour me montrer les jeux qu'elles m'ont prêtés.

Me voyant à l'aise avec les deux fillettes, les parents et la dame décident de se retirer discrètement pour nous permettre de faire connaissance. Ils me feront visiter le reste de la maison plus tard. Ils discutent, pendant ce temps, de mon histoire. Ils ont déjà eu différents enfants en situation d'accueil d'urgence, mais jamais dans de telles circonstances. Le plus souvent, les enfants qu'ils accueillent ont été abandonnés ou bien les parents ont été incarcérés. Ici, c'est différent, et comme je serai à nouveau entendue par la police, il va falloir qu'ils me préparent et surtout qu'ils s'organisent. Mais nous avons encore le temps avant de penser à tout ça, car il est maintenant l'heure de remercier et de saluer la dame qui m'a amenée ici et de faire plus ample connaissance avec les membres de la famille.