Prends soin de toi.

« Prends soin de toi »

Ces quatre mots m'ont brisée alors que je n'avais que 5 ans, je ne comprenais pas pourquoi mon père me disait ça avec un grand sourire alors que son soit disant meilleur ami venait de tirer une balle dans la tête de ma mère et s'apprêtait à faire de même à mon père.

Aujourd'hui j'ai 16 ans, j'ai grandi sans écouter ses paroles. Pourquoi un mort aurait le droit d'organiser ma vie ?!Je suis déscolarisée suite à « un refus scolaire anxieux »,une phobie scolaire en soit. Je passe mes journées enfermées dans l'appartement dont j'ai hérité. Je ne fais rien de mes journées à part dessiner en boucle des souvenirs d'enfance et de temps en temps je sors pour m'entraîner dans une salle de sport, les sports de combats sont une de mes passions.

Nous sommes le 2 février, 11 ans depuis la mort de mes géniteurs. Je n'ai pas dormir cette nuit, rien d'étonnant, les souvenirs ne font que de me hanter. C'est une journée où je ne fais que dessiner, j'achète toujours le 1er février des tonnes de cahiers et crayons. Je commence à avoir l'habitude au fils des années..

Mais cette année, j'ai un rendez-vous avec un psychologue d'un apparemment groupe pour adolescents déscolarisés comme moi. Je n'ai aucune envie d'y aller,mais je crains d'y être obligée. Je me prépare, un débardeur noir en haut, un jean basique gris en bas, des chaussures noires à talons, pas de maquillage et des cheveux simplement lâchés. Je n'ai jamais aimé prendre soin de moi, comme on me l'avait demandé. Je vis simplement, juste pour dire je suis en vie.

Je regarde vite fait l'adresse et comment m'y rendre, cinq minutes à pied,parfait je déteste prendre les transports en commun. Je prends vite fais un truc à manger en chemin et sors de mon appartement. Je me mets en route, les écouteurs en place et la musique à fond.J'observe tranquillement les rues en marchant, me demandant pourquoi certaines personnes habitaient là ou encore que faisait ce chat ici.

J'arrive rapidement devant l'immeuble qui abrite ce centre et rentre. Je suis cinq minutes en avance détestant être en retard.J'entre dans l'immeuble et observe l'accueil.. Tout est blanc, banal,sans aucunes décorations. Je me sens juste vide dans cette salle, je décide donc de monter les escaliers jusqu'au centre. J'annonce ma présence à la secrétaire qui me dit simplement d'attendre dans la salle d'attente.. Je n'y aurais pas penser sans elle, vraiment...Quel utilité dis donc.

J'attends 2 minutes et 21 secondes avant qu'un homme plutôt âgé vienne à ma rencontre, sûrement ledit psy.

-Emma Lee c'est ça ?

Je bouge juste la tête en signe positif, on va parler de ma vie dans une minute,laissez moi cinq secondes de silence.

-Je suis le Docteur LeBlanc, tu veux bien me suivre ?

Je me lève et le suit,de toute façon j'ai pas vraiment le choix. On entre dans une petite pièce, avec un bureau, deux sièges et des murs blancs. Simple,vide, triste. Je sens que je vais m'éclater ici.

-Bonjour, Emma, je suis le psychiatre qui va te suivre, aujourd'hui nous allons faire les présentations. Alors dis moi, pourquoi es-tu là ?

S'ensuivi un long rendez-vous d'une heure. Chiante mais surtout énervante. Je n'ai pas besoin d'un gars qui a fais des études pour savoir que mon problème vient de mon enfance. Qui vivrait parfaitement bien après avoir vu ses parents mourir ? Je veux partir, je veux rentrer au plus vite chez moi, barbouiller un cahier d'encre pour me défouler. Mais je ne peux pas. Pourquoi ? Car je dois rencontrer des infirmiers en charge d'un groupe pour sociabiliser les jeunes dans mon cas. Un autre truc chiant inutile qui va me faire perdre mon temps.

Le Docteur me fait sortir de son bureau, pour nous diriger vers une salle au fond d'un couloir. Il ouvre le porte et dit bonjour à trois personnes, puis me les présente. Deux infirmiers, une professeur pour personne hospitalisée, qu'est ce que je fais là déjà ?

Pendant 20 minutes ils me parlent d'un groupe pour jeune dans mon cas, enfin déscolarisé, qui se passe une fois par semaine, le mardi, où on parle simplement de nous, et du même groupe le jeudi mais cette fois-ci, le sujet est l'actualité. Ils me demandent si je veux venir, sans vraiment poser la question. Je suis obligée d'accepter pour enfin pouvoir partir et être tranquille.

Je dis au revoir et pars. En sortant, je respire un grand coup, ça me fais du bien. Je rentre ensuite à pied, mes écouteurs aux oreilles et une musique à fond. Si le sport de combat est une passion et le dessin comme un don et un défouloir, la musique et la danse sont ma drogue.Je ne peux pas passer une journée sans une musique. C'est bien plus important que l'air pour moi, c'est ma source d'énergie.

Une fois arrivée dans mon appartement, je lance à fond de la musique et commence à dessiner divers décors et objets. Un garage, un jardin,une arme. Tout ce qui me passe par la tête arrive sur ma feuille.

Après dix heures à dessiner sans m'arrêter, je me dis que dormir me ferais sûrement du bien, surtout que dés demain 14 heures, le groupe commence.

Je me réveille, 6h45, comme d'habitude mon cerveau redémarre toujours à la même heure. Je vais directement prendre une douche pour commencer une journée bien ennuyante. Comme d'habitude, je ne prend pas de petit déjeuner,juste un verre de jus d'orange pour finir la bouteille. Et merde, va falloir sortir faire les courses..

Après une demi-heure de danse, je prends mon portefeuille, mon portable et mes écouteurs. Je sors de mon appartement, fais attention à bien tout fermer, et pars en direction de l'épicerie la plus proche. Je n'ai ni l'envie ni la force de supporter le regard des gens, et leurs jugements, mais j'aime quand même manger, alors j'y arrive.

Après 15 minutes de courses, je connais les rayons par cœur, aucune perte de temps,j'arrive en caisse, paye et pars. Moins je suis dehors mieux je me porte. Et comme toujours, tout le monde ce demande ce qu'une adolescente fait ici, pourtant je vis, tout simplement.

La matinée se passe simplement, aucun événement ne vient perturber mon quotidien, sauf peut-être l'heure qui tourne et se rapproche dangereusement de 14 heures. Je ne veux pas, vraiment pas, mais si je n'y vais pas je risque juste de m'attirer encore plus de problèmes.Et j'en ai assez comme ça. Alors je me prépare tout doucement,comme pour me préparer mentalement à une épreuve mortelle où on doit aller à reculons pour réussir à l'affronter.

Je marche lentement, arrive devant la porte du centre, souffle un coup et rentre. Deux garçons et une fille me regarde entrer, sans un mot,avant de détourner le regard. Quelle ambiance ! Alors que je m'appuies sur le mûr pour attendre tranquillement les adultes,j'observe les autres. Un des deux garçons est plutôt petit, simple si je puis dire, presque basique. L'autre a des traits étrangers,asiatiques je dirais, une peau un peu foncée mais belle. En faite,il est tout à fait mon style mais je ne laisse rien paraître. La jeune fille est concentrée sur sa feuille, à dessiner une fille aux cheveux bleus, plutôt bien fait. Une autre dessinatrice, chiant.

Les adultes arrivent et nous font entrer dans la salle d'hier, génial. Une petit salle pour être serré à sept, vraiment génial. Si je suis encore vivante à la fin de cette séance, c'est un miracle.

Ils nous font nous asseoir avant de nous demander de nous présenter. Ils veulent ma mort pour sûr.
Le garçon basique commence..

-Je m'appelle Emilien, j'ai 14 ans et ça fait 3 ans que je ne suis pas retourné en cours. J'aime les jeux vidéos. Et rire aussi !

Vraiment banal.

C'est au tour de l'autre garçon de se présenter, espérons que ce soit plus intéressant.

-Je m'appelle Hakyeon. Je suis coréen d'où mon accent.J'ai 17 ans. J'ai une passion pour la danse et le chant, je veux en faire mon métier. Mais je ne peux pas m'entraîner et aller en cours en même temps, alors pour ne pas me dé-sociabiliser, je viens dans ce groupe.

Donc il n'a aucun problème, je pensais que l'on venait ici pour les régler.. Bizarre,mais bon, au tour de la fille.

-Je m'appelle Lou, j'ai 16 ans, j'aime dessiner. Et j'arrive pas à aller en cours depuis le début d'année.

Court, simple, pas du tout précis. Mais là n'estpas le problème, le truc, c'est que maintenant la personne qui doitparler c'est moi..

- Je m'appelle Emma, j'ai 16 ans. J'aime dessiner, chanter, danser. Je travaille chez moi depuis que j'ai 7 ans. Mais apparemment, la société ne s'en inquiète que depuis aujourd'hui, alors je suis là.

Les adultes tirent de drôle de tête avant de continuer la conversation. Une heure et demi après,c'est enfin fini. On a simplement parlé de sois, j'ai bien sûr oublié de parler de l'histoire de mes parents. La pitié c'est pas pour moi. Alors qu'on se lève, Hakyeon se dirige vers moi, un petit sourire aux lèvres.

- Dis, ça te dis qu'on aille danser,j'ai pas encore eu l'occasion de parler avec quelqu'un qui a la même passion et j'aimerais beaucoup voir ce que tu sais faire.

Je suis tout d'abord surprise, ce gars n'a pas peur. Puis j'hésite,comment dire que je n'aime pas vraiment les gens, mais j'aime tellement danser.. Alors j'accepte d'un mouvement de tête. Son sourire s'agrandit avant qu'il ne prenne son sac et qu'il ne me dise de le suivre.

On dit au revoir à tout le monde avant de marcher tranquillement dans les rues de notre ville. Après 10 minutes de marche, on arrive devant un immeuble. Avant d'entrer, je regarde les alentours : c'est un quartier assez riche. Une fois à l'intérieur, ça se confirme. Tout est neuf, clair, scintillant.Bref, tout le contraire de ce que je vois d'habitude.

On marche dans les couloirs avant d'entrer dans une salle de danse, tous les mûrs sont recouverts de miroir, à en donner mal à la tête. Je regarde tout autour de moi, la bouche ouverte telle un poisson, c'est comme si je rêvais les yeux ouverts. Hakyeon rigole un peu avant des'avancer vers le milieu de la salle et de commencer à s'échauffer.Je mets quelques secondes à réagir avant de moi aussi, commencer des étirements. Après 10 minutes à faire nos mouvements, il se dirige vers un ampli pour commencer une musique du nom de « Love Me Do ». Il me regarde avec un petit sourire avant de tourner la tête vers un de ses reflets et de changer complètement d'expression : Il est sexy.

Il fait alors sa chorégraphie. J'ai failli plusieurs fois baver sur le sol tellement sa danse est fascinante. Il vous ensorcelle quand il danse, je n'ai pas pu cligné des yeux une seule fois, et j'ai compris qu'on jouait dans un monde différent. Une fois sa danse terminée, je mets un certain moment avant d'applaudir, encore sous son emprise. Il me remercie d'un mouvement de tête avant de me désigner la place.

J'essaye de refuser, je ne peux pas danser après lui, impossible, je suis bien trop nulle comparée à lui. Mais il insiste, alors je mets une musique au hasard et commence à danser.Contrairement à lui, aucun de mes mouvements n'est prévu à l'avance, je laisse juste mon corps s'exprimer. Après 5 minutes à bouger dans tous les sens, la musique s'arrête et moi avec.J'entends alors des applaudissements, et je ris intérieurement. Comment on peut applaudir à un spectacle aussi triste que moi ?..

Je me retourne alors, et le voit avec une expression de joie bien trop présente sur le visage. Je ne le connais que depuis quelques heures et pourtant je comprends directement ses expressions faciales, étrange. Il me dit que c'était super, ce à quoi je réponds avec un grand rire. Il fronce les sourcils de comprenant pas ma réaction, alors je lui explique mon point de vue. Il n'a pas l'air d'accord..

- Tu rigoles Emma ?!Tu danses trop bien, on comprend tout ce que tu veux dire dans tes mouvements. On est emporté dans ton histoire contre notre volonté tellement c'est prenant ! Tu ne te rends vraiment pas compte de ton talent, et dire que tu es restée cachée aussi longtemps... A partir de maintenant, après chaque groupe on s'entraîne ensemble ! T'as pas le choix, tu peux pas gâcher ça !

C'est ainsi que je me suis retrouvée forcée à danser, j'avoue pour mon plus grand plaisir, avec lui deux fois par semaine. Actuellement, ça fais un mois que ce manège a commencé. Mais c'est bien la seule chose qui me fait apprécier les groupes.

A vrai dire, apprécier et détester à la fois. Car j'ai actuellement l'impression d'être l'héroïne d'un film dramatique à deux balles.Je suis tombée amoureuse d'Hakyeon, et je ne suis pas sûre quel'atterrissage sois agréable. Que va faire la jeune orpheline qui n'a jamais connu ce sentiment de sa vie ? Et bah elle va rien faire, car elle sait rien faire, et donc préfère ne rien faire.Triste, n'est-ce pas ?

Tout ce que je fais, c'est l'accompagner dans ses chorégraphies, qu'il aime créer pour deux.Et j'aime les danser, c'est bien le seul moment ou je peux être proche de lui et le toucher sans que mon cerveau ne cherche une raison. Je ne sais pas si c'est une bonne chose pour mon cœur, mais j'aime bien trop ces moments pour mon bien mental. Pour l'instant je joue l'autruche, je fais comme si tout était normal, tout à fait normal.

Sauf qu'aujourd'hui, Hakyeon veut me faire rencontrer des amis à lui qui viennent aussi de Corée et qui aime tout aussi danser. Ils forment apparemment un groupe, VIXX de nom, et s'amusent tous ensemble. C'est bien pour eux, mais qu'est-ce que j'ai à faire là dedans ?

Après une heure à être entourée de ces 6 garçons, un d'eux propose une dance battle... Quelle merveilleuse idée ! Je vais pouvoir me rincer l'œil sans m'inquiéter d'être repérée !
Enfin cette idée me paraissait géniale,pendant ces six danses incroyables. Beaucoup moins quand tous les visages se sont tournés vers moi, attendant apparemment quelque chose. Et c'est là que j'ai compris mon erreur, il faut que je danse, devant tout le monde.. Tuez moi.

Sauvée par le gong,un téléphone sonne, je profite de cet appel pour partir discrètement. Je respire un grand coup une fois à l'extérieur.Alors que je commence à partir, une main se pose sur mon épaule. Je sursaute et me retourne. Hakyeon.

- Emma, pars pas s'il te plaît.. Désolé si on a fait quelque chose qui t'a déplu, on savait pas je veux dire.. Désolé mais pars pas...

Il continue à s'excuser, avec un visage si triste que je m'en veux, il a complètement mal compris mon départ..

-Hakyeon, je n epars pas car je suis blessée ou autre. Rassure toi ! J'essaye juste d'échapper à la danse.

Il semble essayer de comprendre avant d'ouvrir grand les yeux puis d'exploser de rire,comprenant son erreur et ma tactique pas très intelligente..

-En tout cas c'est mignon quand tu dis que tu veux pas que je parte..

Je lui souris, fière de ma répartie et de pouvoir le taquiner un peu.. Mais ça n'a pas vraiment l'effet attendu.. Il relève la tête vers moi avant de sourire et de pencher la tête sur le côté.

- C'est tout simplement que tu es devenue une personne très importante pour moi, bien plus que tu ne le penses.Disons que, j'aimerais beaucoup être une personne sur qui tut'appuies et avec qui tu oses. Être une personne de confiance pour toi, un véritable soutient. Une personne qui te répètes chaque jours à quel point tu es merveilleuse et que tu dois prendre soin de toi. Vraiment.

Hein ?