RÈGLE 1 : ON NE REVIENT PAS SUR LE PASSÉ

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Dawne laissait traîner ses pieds dans les flaques. Elle n'était pas du genre à les éviter, à craindre l'eau ou même la boue. Elle se fichait d'avoir ses jeans trempés et ses cuisses glacées. Elle se fichait des gouttes qui coulaient contre ses tempes, poussées par le vent à l'intérieur de sa capuche.

Le ciel était d'un noir d'encre, injecté de nuages lourds et bas sur la ville comme un brouillard empoisonné. Il devait être onze heures du soir... peut-être plus. Les rues de la ville étaient silencieuses, plongées dans l'atmosphère tourmentée de la nuit pluvieuse. L'ampoule du lampadaire en face de sa rue avait grillé, mais les fenêtres allumées dans les maisons du quartier l'aidaient à voir son chemin.

Elle s'arrêta un instant, levant le regard sur un mouvement à la fenêtre de ses voisins. Elle crut voir Madame Ka l'observer une seconde à peine, avant de tirer le rideau brusquement.

Il fallait toujours qu'elle sorte sa tête dans les pires moments, celle-là...

Dawne retira les clés de sa poche d'une main fébrile. Pourquoi fallait-elle qu'elle tremble encore ? Elle ouvrit la porte de son immeuble en tirant fort, puis la laissa claquer derrière elle.

Elle préféra les escaliers à l'ascenseur, car elle avait besoin d'un ultime effort physique pour dépenser le restant de colère qui persistait dans ses tripes. En pénétrant chez elle, cependant, elle prit grand soin d'enlever ses chaussures détrempées et de faire le moins de bruit possible. Les lumières éteintes et le silence qui régnait indiquaient que tout le monde dormait paisiblement.

Sur la pointe des pieds, elle rejoignit la cuisine et c'est au bout de quelques pas sur le carrelage glacé qu'elle réalisa que ses chaussettes étaient trempées. Une sensation des plus désagréables qui lui mordait les orteils et lui arracha une grimace. Elle les retira d'un geste furieux. Dehors, le vent soufflait férocement, agitant les plantes sur la terrasse et faisant claquer les volets des maisons aux alentours.

Tout en se servant un bol de céréales, Dawne repensait à sa soirée. Elle revoyait le visage désolé d'Armand qui lui disait qu'ils n'étaient pas faits pour s'entendre, qu'elle était trop imprévisible, trop bornée. Elle se revoyait lui dire que les derniers mois passés avec lui n'avaient été qu'une perte de temps et lui claquer sauvagement la porte au nez. Elle revoyait les larmes qui coulaient sur ses joues brûlantes alors qu'elle se jetait à la rencontre de la nuit.

C'était sans doute elle qui avait raison : ces deux mois avec Armand n'avaient été qu'une perte de temps.

Elle eut un sursaut lorsqu'un bruit sourd retentit dans le couloir derrière elle.

— Jay ? appela-t-elle.

Il y eut une sorte de couinement en guise de réponse. Dawne se leva et s'avança par petits pas vers la source des gémissements. Allongé en boule sur le parquet du couloir, sa tignasse de cheveux noirs ébouriffée, Jay remuait à peine.

— Encore, fit-elle dans un soupir.

Le petit garçon ouvrit deux yeux gonflés par le sommeil et sa bouche se déforma.

— 'me suis cogné la tête.

— Tu as mal ?

— Un peu.

Elle le remit debout et passa une main attentive tout autour de sa tête. Non, il n'avait rien.

— Viens, on retourne au lit, lui dit-elle.

— Il y avait des chauves-souris, expliqua-t-il.

— Des chauves-souris ?

— Elles volaient partout dans la chambre. Et elles criaient, elles criaient. Je ne sais plus ce qu'elles criaient.

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⏰ Last updated: Feb 22, 2018 ⏰

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