Chapitre 1

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Encore une fois, son professeur le toisait depuis son bureau. Ses camarades semblaient perplexes face à l'air penaud de Julien traînant les pieds jusqu'au tableau.

C'était un garçon de taille normale, avec une coupe de cheveux normale, d'un châtain foncé assez brillant. Ses yeux verts lui donnait un regard envoûtant. Son visage aurait pu être si agréable à regarder si la tristesse n'y avait pas élu domicile.

Hormis son regard, c'était un adolescent complètement banal. Sa démarche et son expression montraient la lassitude qu'il éprouvait pour une immense partie des choses quotidiennes.

Les mathématiques.

À 15 ans, le garçon morose était l'un des derniers de sa classe dans quasiment toutes les matières. Ses points forts ? La littérature et l'anglais. Il était passionné par les livres et la langue mélodieuse du pays voisin du sien.

Il possédait une énorme culture littéraire. La lecture lui permettait de s'échapper du monde réel. Ses univers chatoyants, accueillants et surtout où tout se finit toujours bien.

Malheureusement ce n'est pas notre cher Baudelaire ou encore Zola qui allaient pouvoir l'aider en cours de maths.

" Legrand, faites nous l'exercice 31, le petit a. Voyons si vous êtes à l'aise avec les formes canoniques." cracha son professeur.

Sans broncher, Julien prit un feutre, et se tourna dos à la foule des mêmes moutons qu'il voyait 5 jours par semaine depuis maintenant 7 mois. Il était dans une classe de seconde, d'environ une trentaine d'élèves.

Il y avait très peu d'amis, la plupart des élèves de sa classe étaient des personnes très sociales, populaires et entourées. Rien de tout ça ne l'intéressait. Il voulait seulement trouver un moyen d'être heureux. Rien d'autre ne lui venait à l'esprit que la lecture et son piano.

C'était ces domaines de prédominance. Après tout, même si il avait été bon, cette matière ne changerait pas son point de vue. Il voulait être artiste. Pas un artiste des temps modernes comme un de ces chanteurs de pop connu le temps d'un été. Julien lui, rêvait d'être écrivain. Musicien-compositeur à ses heures perdues, et dramaturge quand l'inspiration pour une pièce se faisait ressentir.

Toujours debout, le feutre à la main, il restait impassible face au mélange de chiffres et de lettres. Quel est l'imbécile qui a inventé cette association saugrenue ? Les lettres sont si belles ! C'est une abomination de les mélanger avec des chiffres !

Il entendait des rires moqueurs fuser du fond de la salle. Sa main moite et crispée posa le crayon avec une légèreté qui lui était propre, sur le rangement de l'imposant écran blanc.

"Je suis désolé, je ne sais pas, susurra t'il.

- Vous me navrez Julien... N'avez-vous toujours pas compris que toutes les appréciations sont comprises dans votre dossier ?"

Le bourreau pivotait sur son fauteuil tout en se pinçant les sinus.

"Allez-vous asseoir au lieu de rester planter là.

- Bah alors ? On sait plus compter ? T'es vraiment lamentable mon pauvre vieux ! Aboya Valentin, suivi de son gloussement vicieux et ainsi que de ceux de ces deux fidèles sujets.

-Laisse le tranquille Valentin ! Il ne t'a rien fait à ce que je sache ! interrompit Marie.

- Tu défends ton mec toi maintenant ?" beugla l'ordure vivante.

Tandis que Julien lançait un regard triste vers Marie, celle-ci virait au rouge pivoine. Grâce au ciel, il restait encore quelques personnes empathiques sur Terre. L'une de ces créatures portait le doux nom de Marie. Cette magnifique petite brune aux yeux bleus, était sans doute la plus gentille fille que Julien connaissait.

À vrai dire, en dehors de sa petite sœur de 6 ans, Léa, et sa mère, Sandrine, il n'en connaissait pas vraiment beaucoup.

Le reste de la journée passa calmement. Julien appréhendait malgré tout sa soirée. Lui et son beau-père avaient un rendez-vous avec son professeur principal. Le sujet de la discussion était toujours le même : ses résultats catastrophiques dans la globalité des matières de secondes.

"Julien est un élève très réservé... Il ne participe pas énormément, voire pas du tout en fait. Il obtient cependant de très bon résultats en français, en anglais et les résultats en histoire sont, disons, moyens. Pour le reste, il est largement en dessous de la moyenne.

- Mon fils, enfin beau-fils voulait se lancer dans une carrière juridique pour être avocat...

-C'est faux." souffla Julien juste assez fort pour que son professeur l'entende. Ce qui fût réussi car l'intéressé arqua un sourcil, interrogateur.

Le compère le fusilla du regard et s'excusa auprès de son interlocuteur. Victor n'avait pas l'habitude qu'on lui tienne tête. C'était lui le chef et personne d'autre. Tout en remettant constamment ses lunettes qui lui tombaient sur le bout du nez, le régent expliquait à Victor que Julien allait devoir annuler ses demandes pour les études supérieures si ses résultats n'augmentaient pas.

Après avoir raconté à sa façon le quotidien de Julien, ils sortirent de l'établissement pour rentrer au domicile familial. Julien ne décrocha pas un mot. Il restait toujours aussi muet. Ses poings contractés dévoilaient toute la haine qu'il éprouvait envers Victor. Jamais il ne voulait faire des études juridiques. Son beau-père allait devoir s'y faire. Pour lui, c'était les livres en premier lieu, et sinon la musique.

En rentrant, à peine avait-il le temps d'embrasser Léa et Sandrine, que son beau-père lui agrippa l'avant-bras et le plaqua au mur en faisant pression sur son membre inemployable.

"C'était la dernière fois c'est clair ?! Rugit Victor, tu n'as plus jamais intérêt à me tenir tête, encore moins en public tu risquerais d'y laisser ta peau."

Il resserrait ses doigts comme si il tenait fermement une proie. Julien ne sillait pas et il le fixait, avec son éternel regard émeraude, impassible.

" Réponds-moi quand je te parle !!"

Cette dernière réplique de l'homme semblait venir des entrailles terrestres. Il dévisageait ce qu'il considérait comme une erreur de la nature.

La mère de Julien était enfermée dans la cuisine avec la petite Léa. Elles étaient terrorisées par les cris de l'homme de la maison. Comme chaque soir, il jurait et se vengeait corps et âme sur Julien qui, lui, encaissait sans jamais rien dire.

Plus le temps passait plus les griffes acérées du vautour se resserraient autour de son bras. Sa manche se soulevait légèrement de sa peau. Victor avait la main sur une partie du bras de Julien aux couleurs de la voie lactée.

L'enfer recommençait. Comme tous les soirs. Une larme perlait sur la pommette de Julien.

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Salut à vous 😘 j'espère que ce premier vous a plu et intrigué.
Dites moi ce que vous en pensez et même si il n'y a que le premier chapitre, vous pourriez déjà élaborer des théories ? 😛

Bisous 😘

Les maux de tropOù les histoires vivent. Découvrez maintenant