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Nous avancions au rythmed'une marche funèbre sur un fin chemin caillouteux, creusé dans laroche qui ne faisait que descendre. Nous étions trois ;Édouard, mon acolyte de toujours, une statue noirâtre et moi.

Dans cette longue descentevers les enfers, mon corps brûlait au fur et à mesure que l'ondescendait, tantôt il se reformait. Jamais je n'aurais souhaitém'aventurer ici, mais nous avancions avec peur vers ce mondesouterrain duquel on ne savait quoi attendre.

Nous suivions notre guide,une statue de marbre noir, grande de plus de deux mètres avec uneforme masculine, le visage impassible. A vrai dire, ses yeux étaientvides et entièrement blancs ; à l'inverse de son corps.L'absence de pupille dans ceux-ci nous donnait l'impression d'êtreregardés sans cesse et aurait découragé n'importe quel homme,aussi fort soit-il, de s'enfuir. Notre arrivée dans ce monde desmorts était inéluctable de toute manière, il n'y avait pas deretour en arrière possible.

Nous nous rapprochions denotre destination finale, et petit à petit les murs situés à notregauche disparaissaient pour laisser place à des trous de plus enplus grands qui donnaient un aperçu des enfers.

C'était une île, entouréed'un fleuve, divisée en quatre parties bien distinctes. Une premièrepartie, située en haut d'une colline, était composée d'un superbechamp fleuri où se trouvaient des vestiges de maison en marbre. Ausommet de la colline se trouvaient plusieurs temples, ceux desdifférents Dieux. C'était ici que reposaient les valeureux héros.La seconde division de ce monde était un pré fleuri d'asphodèle oùreposaient les âmes banales. Enfin, une terre où rien ne pousse etun volcan surmonté par de fines plate-formes d'obsidienne quipermettaient de circuler sans forcément tomber dans la lavecomposaient les deux dernières parties de l'enfer. Sur ces solidesplate-formes se trouvait une roue qui semblait tourner seule et quiactionnait un mécanisme permettant de produire de l'obsidienne encrachant de l'eau d'une couleur rougeâtre.

En avançant, nousremarquions finalement que ce mécanisme ne fonctionnait pas toutseul. En réalité, il était actionné par une « roue àesclave » qui était poussée par des centaines et descentaines d'Hommes attachés aux pieds par des chaînes pour ne pasqu'ils fuient. Ces personnes, semblaient à bout de force, avançaientnon sans douleur, tels de véritables bagnards. C'était ici, leTartare.

Alors que nous continuionsà descendre, la statue s'arrêta net. Edouard et moi la regardionstroublés ; elle avait fermé les yeux. Devant nous se trouvaitun précipice dans lequel nous aurions pu tomber. Sous ce rocherd'une trentaine de mètres de hauteur coulait un flux d'une noirceurexcessive duquel de la fumée et des cris violents des âmes défunteset piégées dans l'horreur s'échappaient ; c'était le Styx,le fleuve qui sépare le monde terrestre des Enfers. De l'autre côtéde celui-ci se trouvait notre destin de morts.

C'était donc le momentfatidique. Qu'allions nous devenir ? Nous ne le savions pas etseul le jugement pouvait nous le dire. Soit nous allions mener unevie paisible dans les Champs Élysées soit nous devenions desesprits errants pour l'éternité à la recherche de la quiétudeque nous ne pourrions trouver. Pire encore, nous pouvions nousretrouver au Tartare à nous faire torturer pour l'éternité,réduits au rang d'esclaves. Je stressais et je pouvais sentirÉdouard trembler lui aussi.

Soudain, la statue quin'avait plus bougé depuis quelques minutes déjà tourna la têteouvra les yeux et nous regarda fixement.

« Sautez dans lefleuve, je vous prie. » dit-elle calmement avec une voix grave.« C'est le fleuve infernal qui décidera de votre destin, vousn'avez pas le choix. »

Nous avions peur, mais nousn'avions pas le choix ; soit nous sautions, soit nous nousenfuyions et Cerbère nous dévorait pour l'éternité.

Je pris alors la maind'Édouard fermement et lui souffla :

« Tout va bien sepasser, sautons. »

Il la serra lui aussi etnous sautâmes. Nous n'avions plus d'inquiétude, peu importait.Aussi horrible notre destin pouvait être, nous étions ensembles,des coéquipiers, des amis, et cela, rien ne pouvait nous l'enlever.


Ensemble vers les EnfersWhere stories live. Discover now