Dans l'ascenseur, je fulmine ! C'est du délire ! Il doit forcément y avoir une erreur ! Lorsque les portes s'ouvrent à l'étage de monsieur Carter, je me précipite vers l'accueil afin de régler ce malentendu ! Une secrétaire est là. Elle ne ressemble pas à la pimbêche que j'avais vue l'autre jour mais elle n'a pas l'air beaucoup plus sympathique. Je l'observe taper sur son clavier avec zèle et dextérité. j'ai le sentiment d'avoir autant d'importance que le pot de fleurs à l'entrée. Elle ne m'adresse aucun regard.
- Amélie : Bonjour...
Elle lève un sourcil dubitatif dans ma direction puis lâche un petit soupir d'exaspération avant de se remettre à taper.
(Est-ce que les secrétaires de cet étage ont reçu la directive d'être désagréable ?)
Je reste plantée là, en attendant qu'elle me calcule... Je me sens toujours mal à l'aise face à ce genre de personnes. J'ai toujours l'impression que je dérange, que je suis moins importante qu'elles... Après quelques secondes, la secrétaire daigne me donner un peu d'attention.
- Secrétaire : Vous êtes ?
- Amélie : Mademoiselle Amélie Sanders. On m'a dit de me présenter ici, mais...
- Secrétaire : Suivez-moi.
Sans me laisser le temps de finir ma phrase, elle se lève de son siège, avec la grâce d'une danseuse étoile, et me fait signe de la suivre. Son tailleur parfaitement coupé et sa démarche assurée m'agacent et m'impressionnent à la fois. Sa coiffure et son maquillage sont impeccables. On dirait qu'elle sort d'un magazine.
(Combien de temps cette nana passe-t-elle dans sa salle de bain, le matin ?)
Sa voix me sort de mes questions hautement existentielles lorsque nous nous arrêtons devant une petite porte.
- Secrétaire : Je vous en prie.
Elle me fait signe d'entrer, tout en surveillant quelque chose sur sa petite tablette électronique. Je retiens mon souffle. Psychologiquement je me prépare à faire face à monsieur Regard-intense ! J'entre fébrilement dans la pièce, mais... personne ! Simplement un bureau spacieux, installé à côté d'une large baie vitrée qui donne sur la ville. C'est plutôt sympa comme bureau ! Je me serais imaginée autre chose pour un bureau de grand chef, mais bon... Je me retourne, dubitative, vers la secrétaire.
- Secrétaire : Monsieur Carter ne va pas tarder. En attendant, vous pouvez vous installer dans votre bureau... Un café ?
Je me demande si j'ai bien entendu.
- Amélie : Pardon ?
Elle me regarde presque avec pitié.
- Secrétaire : Vous voulez un café ?
- Amélie : Non, je veux rien... "mon bureau ?"
Elle m'observe un instant sans rien dire. De toute évidence elle doit se demander qui est cette crétine devant elle.
- Secrétaire : Je vous laisse. Monsieur Carter ne va pas tarder.
Lorsqu'elle referme la porte, je fixe le bureau en face de moi. C'est une blague, c'est pas possible ! Je ne comprends même pas ce que je fiche ici. M'installer dans mon bureau ? Je soupire avant de détailler un peu l'espace. La pièce est agréable, lumineuse. On entend faiblement les bruits de la ville qui s'éveille. Je contourne lentement le bureau pour venir toucher le siège en cuir. Doucement je me laisse tomber dessus et je pose mes avant-bras sur les accoudoirs. Je fais tourner la chaise de droite à gauche en fixant l'écran de l'ordinateur. Tout à coup, la porte s'ouvre. Je reste figée sur place lorsque deux iris gris pétillants se plantent dans les miens. Je me lève si rapidement que je manque de tomber en arrière ! Je me retiens comme je peux en agrippant la tranche du bureau.