De plus en plus le son devient lointain, je m'enfonce dans mon siège. Ma vision se rétrécit et s'excite, mes yeux ne se concentrent plus sur une seule chose mais scannent le lieu. Je m'enferme à l'intérieur de moi-même. Je suis ma propre prison. Le surveillant chef Anxiété vient d'enfermer ma personne dans sa cellule pour ne la relâcher qu'une fois la tempête passée.
Je sens mon coeur battre absolument dans tout mon corps. Dans chacun de mes membres je ressens le sang passer et repasser sans cesse. Mes pieds, mes mollets, mes doigts, mon crâne. Ma gorge. Je sens mon coeur accélérer dans ma gorge. J'ai envie de le vomir mais il ne sort pas. Et il ne sortira jamais. Je sers les dents pour le garder en moi, pour garder accrochée à mon corps la seule chose qui prouve que je suis en vie. Et j'ai chaud. Mon corps se réchauffe, il surchauffe. Encore une fois la gorge, je la dégage, j'étouffe. Il fait tellement chaud à l'intérieur. Comme un désert. J'échange mon pull pour un t-shirt mais ce n'est jamais assez. Je m'enferme dans mes toilettes. Au cas où j'évacuerai mon coeur. Dans l'attente je m'allonge par terre sur le carrelage froid. Les tremblements viennent vite pendant que ma chaleur s'évacue par les larmes. Une oasis. Sans aucune aide elles font leur chemin le long de mes joues, se prennent dans mes cheveux. Elles s'arrêteront là et ne toucheront pas le sol. Des milliards de pensées traversent mon esprit à la seconde. Toutes sont contradictoires et irrationnelles, m'enfonçant dans la paranoïa. Elles vont dans tous les sens, me prennent d'un côté pour me rejeter d'un autre, me soulèvent et me reposent, me tournent et me poussent. La tempête. Et à part ces pensées incessantes, ces larmes autonomes, ces tremblements indépendants, je suis vide. Il n'y a rien en moi à ce moment précis, juste une souffrance indescriptible. Mais ce vide n'est pas que temporaire, il se balade dans mon ombre et ne m'abandonne jamais. Je ne ressens plus aucune émotion, je suis une hypocrite face à la société. Évidemment que je suis heureuse de temps en temps, les moments rares existent. Et je profite de chaque instant. La phrase qui dit qu'on ne connait jamais vraiment le bonheur parce que c'est une fois qu'on l'a perdu qu'on se rend compte qu'on l'avait n'est pas valable pour moi. Je sais le reconnaitre quand je suis heureuse. C'est si rare en ce moment. Je suis juste vide, un trou béant. Comme un désert. Je suis fatiguée de vivre de la sorte. De gâcher des moments avec des proches pour avoir une crise. J'aimerais tellement partir loin pour que personne n'ait à gérer ce genre de situation. Je ne veux pas être le boulet. Je songe tous les jours à couper absolument tous contacts avec le monde mais je n'arrive pas. Une part de moi ne veut pas. Les deux vents opposés de la tempête. Et cette tempête est imprévisible. Au milieu d'un cours, d'une nuit, d'un moment intime. N'importe quand. Et la honte s'empreint de moi également. Comment expliquer à ceux qui n'ont idée de ce que c'est. Non cette situation ne me fait pas particulièrement peur. Non je ne pensais pas à autre chose. Non je ne peux pas me « détendre » pour que ça passe. Et les larmes que je tente de cacher. J'ai cette idée que pleurer est égal à se dénuder. C'est quelque chose qui reste privé, que je ne montre pas. Avoir une crise publique est encore plus dur, plus violent. Plus enfermant. Comme une tornade. Je suis une tornade qui sur son chemin ne détruit rien. On me regarde telle un spectacle mais personne ne découvre l'intérieur, ils se cantonnent à la façade. Et j'essaie de penser à autre chose mais ce n'est qu'illusion. Je ne suis plus là, mon esprit a été assiégé et a perdu tout contrôle. J'attends, je marche, je titube. Je m'allonge dans mon lit, me relève, marche. Rien n'y fait. La seule solution efficace est le sommeil mais impossible de le trouver. Je suis comme encerclée par des ennemis qui m'empêchent d'atteindre mon but: la paix. Et j'attends. Encore et encore. Je me dégoûte moi-même d'être comme ça, de ne savoir guérir. Mais je sais qu'au bout du tunnel il y a toujours de la lumière.
A moins qu'on me garde enfermée dans ce tunnel.