≥ Empire State Of Mind - Jay- Z and Alicia KeysNell, 24 ans - New-York
Je me faufile dans la circulation, dense en cette fin d'après-midi malgré les récentes chutes de neige. Les buildings forment autour de moi une muraille que d'aucuns pourraient trouver oppressante, mais qui m'apaise et me sécurise.
Je suis chez moi, ici.
New-York... Big Apple. La ville qui ne dort jamais.
Le froid picote mes joues, me fait monter les larmes aux yeux. Je profite d'une accalmie dans le trafic pour me redresser sur la selle de mon fixie * et remonter mon écharpe au-dessus de mon nez.
Mes cheveux bruns attachés en queue de cheval basse se balancent dans mon dos. Une casquette à fine visière surmontée d'un casque coiffe ma tête, mais à cet instant, je rêve d'un bonnet. L'un de ceux avec des pompons, de la fourrure à l'intérieur, des couleurs criardes et des rabats qui couvrent les oreilles.
Mes mains protégées par des mitaines reprennent leur place sur le guidon et j'évite un groupe de piétons qui traversent la rue. L'une des lanières de mon sac de livraison glisse de mon épaule. Heureusement, comme je finis ma tournée, il est quasiment vide et ne pèse rien.
Un coup d'œil à ma montre et je peste intérieurement.
Merde ! Je suis super en retard sur mon planning...
La faute au dernier client qui voulait absolument recevoir en personne le pli livré et qui a mis une plombe à descendre de son luxueux appartement. J'ai passé une bonne vingtaine de minutes en tête à tête avec un concierge aussi fermé que les portes de Rikers Island.
Mais je suis restée souriante et calme. Professionnelle. Pas question que je fasse perdre à Del. Ex. le marché des défilés, si durement acquis. C'est la Fashion Week en ce début février et mon boulot va consister presque uniquement à courir, ou plutôt pédaler, de palaces en duplex avec vue sur Central Park, pour distribuer les invitations aux shows.
Pour l'instant, je louvoie entre les files de véhicules arrêtés, attentive à anticiper les brusques changements de direction, les clients impatients qui quittent les taxis, les autres coursiers aussi fêlés que moi.
Un sourire étire mes lèvres. J'adore cela, cette chevauchée moderne dans la jungle urbaine, perchée sur mon vélo.
Dans un crissement de pneus, je coupe la route pour aborder l'avenue quand l'écran de mon smartphone s'illumine. Mon sourire s'agrandit et j'active mon oreillette, le récepteur coincé sous les couches protectrices de mon écharpe.
— Tanny ! Mon chéri... Que puis-je faire pour toi ?
Ma voix déformée par les épaisseurs de laine doit avoir une tonalité étrange mais mon interlocuteur a saisi chacune de mes paroles. Le grognement d'exaspération qu'il lâche me ravit.
— Putain, Nell, arrête avec ce surnom idiot ! me tance une voix masculine. Tu es où ? Ton GPS est désactivé.
Oui... Comme d'habitude. Je déteste cette impression d'être suivie à la trace, même par Tanner, mon collègue a.k.a coloc a.k.a meilleur ami a.k.a sexfriend dans les moments où le célibat devient trop pesant.
— J'arrive. Je viens de finir ma dernière livraison. Quelques kilomètres et je suis là...
— Dépêche-toi, Nell ! N'oublie pas qu'il y a la réception avec le grand patron dans quinze minutes !
— La quoi ?
— La réception ! Celle au cours de laquelle le nouveau boss veut être présenté aux équipes... Tu sais, ce truc dont tout le monde parle depuis trois semaines sans interruption, ironise Tanner.
VOUS LISEZ
Over The Bars (Sous Contrat D'édition Hachette BMR)
RomanceSur son vélo, Nell parcourt les avenues de New-York comme elle mène sa vie : à toute vitesse. Libre et frondeuse, gaffeuse et éternelle optimiste, elle est sur le point d'effacer la dernière ombre au tableau de son existence : obtenir la libération...