Chapitre 1 : Devenir un maître

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— Je ne pense pas qu'on passera la porte avec cette caisse, analysa un jeune homme aux cheveux bruns, et portant une courte barbe d'une semaine soigneusement taillée.

— Tu fais preuve de mauvaise volonté, Emil, répondit une femme tout en muscle aux allures de garçon manqué. Si on force un peu, ça entrera facilement.

— Helena, je viens tout juste de signer l'acte de propriété pour le bâtiment, et je n'ai pas envie de devoir contacter la guilde de la bâtisse de marbre tout de suite ; nous n'en aurons pas les moyens.

— Et si vous pouviez bouger de là tous les deux, que je puisse finir d'accrocher le sigle de la guilde ? Intervint une voix suspendue aux barreaux d'une échelle près de la porte.

— La ferme Hernando, je suis occupée à remettre un peu de motivation dans le cœur de notre vénéré maître de guilde, répliqua la femme.

— Eh ben va le secouer ailleurs, je n'ai pas envie d'être employé au "Pet", parce que des glandeurs m'empêchent de travailler.

Emil Nesidri soupira. Les disputes de ses deux employés, Helena Serane et Hernando Salome, étaient toujours sans fin. Une fois lancés, ils ne s'arrêtaient qu'une fois la journée terminée, où alors après avoir trouvé une nouvelle cible. Lorsqu'ils n'étaient encore que de simples revendeurs dans le quartier bas de Massiglia, ils n'avaient pas ce problème. Chacun tenait son étalage dans une rue, et la fabrication de la marchandise ne se faisait qu'une fois par semaine chez Emil. Leurs interactions s'en trouvaient limitées.

Ce temps-là semblait déjà si lointain pour l'homme qui voyait son rêve prendre forme sous ses yeux, sous l'apparence d'un bâtiment de pierre de deux étages, proche de la muraille de la capitale de Lonesam. La distance avec la tour de l'oracle qui trônait au centre de la cité portuaire montrait leur insignifiance aux yeux des autres organisations. Cependant, Emil n'y voyait là qu'une nouvelle étape à franchir. A présent, ils pourraient fièrement arborer le nom de la guilde de la Pétarade; et il ne serait qu'une question de temps pour que leur influence s'étende à toutes les autres guildes se spécialisant dans le spectacle.

— Écoute Helena, proposa l'homme, vidons ces caisses, et transportons le contenu à la main. La poudre noire n'a aucune raison de s'enflammer toute seule, mais avec tous les autres produits chimiques qu'on a fourrés là-dedans, soyons prudents. Nous serions de biens piètres voisins pour les autres guildes, si nous faisons sauter la moitié du quartier en emménageant.

— C'est trop long, protesta la femme. On va y passer deux jours ! T'as même pas fait l'effort de louer un chariot et un cheval pour nous aider à tout amener depuis le quartier bas, et tu veux multiplier nos allers-retours ?

— La guilde des ménageries nous a donné une avance de cinquante pièces d'or sur leur paiement. Une somme considérable, mais dérisoire quand on regarde nos frais, expliqua Emil. Le bâtiment de la guilde coûte le triple ! Si je n'avais pas négocié un paiement étalé, nous serions encore sur nos étalages moisis.

— Les problèmes de trésorerie ne concernent que le maître de guilde, lâcha Helena peu encline à obéir aux consignes.

— Je tiens à vous laisser le choix, reprit l'homme. Soit nous faisons tout à pied, soit je loue un cheval et un chariot pour nous faciliter la tâche. Dans le second cas, vous travaillerez pour mes beaux yeux jusqu'au mois prochain.

— Je préfère encore me jeter à la mer pour me faire bouffer par les skanyos, fit Hernando qui achevait d'accrocher les dernières lettres de leur sigle. Je suis sûr que ces serpents seront une bien meilleure compagnie.

— C'est ce que je pensais aussi, confirma le maître de la guilde. Prenons le temps de nous organiser sans prendre de risque. Nous avons encore plusieurs semaines avant la première livraison à effectuer pour la guilde des ménageries.

La guilde de la PétaradeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant