CHAPITRE 1 ~ Inès

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Le 21 juin

Sarah et moi sommes vautrées sur le lit l'une contre l'autre. Son souffle chatouille ma nuque. Je tressaille.

— Tu regardes quoi ? demande-t-elle en cherchant à m'arracher le téléphone des mains.

— Rien...

C'est presque vrai. Les recommandations de YouTube m'ont une nouvelle fois perdue dans leurs méandres et je me retrouve hypnotisée par une fille qui range des rouges à lèvres dans sa salle de bain.

— Et toi, tu lis encore une de tes romances en carton ? la provoque Mia depuis sa chaise de bureau.

Même si ces deux-là sont jumelles, elles sont si différentes.

Sarah proteste d'un râle qui gonfle ses joues. Pour l'ennuyer, je cherche à l'écraser en basculant vers l'arrière.

— Aïe ! Inès, tu es folle ? Je vais te tuer !

Ses doigts rigides martèlent mes côtes. C'est douloureux, mais j'explose de rire. Juste au moment où je m'apprête à labourer ses tibias de coups de pied, Mia nous interrompt.

— Écoutez !

Plus aucune de nous ne bouge, même nos cages thoraciques font une pause pour mieux percevoir les bruits. La nervosité me donne envie de pouffer. Pour me contenir, je me plaque la main contre la bouche.

D'abord le cliquetis de la serrure, ensuite le grincement des gonds de l'entrée, pour finir le martèlement de pas dans l'escalier. Un troupeau de pieds, pointure 43 en moyenne, gravit lourdement les marches. Méfiantes, on prend les coussins en bouclier, prêtes à en découdre comme d'habitude.

Sans surprise, la porte s'ouvre avec fracas et William nous lance son fameux :

— Salut, mes cailles en sucre !

— Dégage ! lui répond Mia.

— Comment, mon petit, on ne remercie pas son grand frère chéri, qui vous convie dans quelques heures à une Peer-to-peer Night, la plus cool des soirées de la Terre ?

— Plutôt crever que de te dire un truc sympa, grogne-t-elle.

Elle balance, furieuse, un de ses cahiers. Il tombe au pied de Will sans même l'avoir frôlé. Mia est si peu sportive...

Théâtral, William lève les bras au ciel et regarde un point imaginaire au-dessus de nous comme s'il cherchait la réponse mystique de l'origine de la vie.

Derrière lui, ses potes nous font de légers signes de tête et s'engouffrent dans la chambre de l'autre côté du palier. Ils sont bizarres. L'un, Marcus, porte une casquette, dedans comme dehors, été comme hiver, de jour comme de nuit, et le deuxième, David, éventre sans cesse des appareils électriques.

D'un bond, Sarah se met debout.

— Arrête de rentrer sans permission dans notre chambre !

Elle tient à la main l'une de mes baskets et la jette avec vigueur. La suite de l'action se déroule au ralenti ; la chaussure vole à travers la pièce, Will recule pour se protéger. Derrière lui, Noham. Il balaye l'espace d'un regard avant de le planter dans le mien. Ses yeux verts et son sourire me pétrifient. La porte claque et ma basket s'écrase dessus. Cette seconde m'a semblé durer une étrange éternité.

Le calme met quelques instants à s'installer à nouveau.

— Ce Noham est tellement hot, lance Sarah.

— Et Damian, alors ?

À mon timide rappel, elle hoche la tête, les yeux mi-clos, comme si elle se repassait l'image mentale de son petit ami pour ne pas l'oublier.

Trop près de toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant