prologue

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Toute sa vie, elle avait eu l'impression de marcher sur un fil. Tel un funambule, elle repoussait toujours les limites, et plus elle allait loin, plus elle se sentait vivre. Elle en était consciente, cela la faisait même sourire.

« Ironique, n'est-ce pas ? les seuls moments où j'ai l'impression que la vie en vaut la peine, sont ceux où je frôle la mort. »

Elle regarda son réveil. 25 novembre 2017, 18h31, il commençait à faire sombre dehors et le vide en elle ne lui avait jamais paru aussi grand. Elle ne ressentait rien, si ce n'était un infini sentiment de lassitude et de tristesse.

« Frappez-moi, brulez-moi, piétinez-moi, faites quelque chose pour que je me sente exister encore un peu. Sinon tuez-moi. Au moins le vide ne sera plus empreint de souffrance. »

Elle avait l'impression d'être folle. Peut-être l'était-elle, qui sait ? Assise sur le sol de sa chambre, elle se tirait les cheveux, essayant sans succès de réveiller quelque chose en elle. Alors désespérément, elle jeta un coup d'œil à son bureau, et vit avec soulagement que la petite lame rouillée qu'elle avait extirpé de son rasoir l'y attendait toujours. Sans réfléchir, elle l'attrapa, regarda furtivement ses bras déjà couverts de cicatrices violettes, roses et blanches, pour les plus anciennes, et enfonça la lame, peut-être un peu trop profondément cette fois, rajoutant de nouvelles branches à ce qu'elle aimait percevoir comme les « constellations » de son univers.

Perdant la notion du temps, elle se sentait de plus en plus faible. Elle attrapa un vieux tee-shirt qui trainait et essuya sa plaie et le sang qui continuait de s'amasser sur le plancher. Elle rejeta la tête en arrière, son visage arborant une expression à la fois douloureuse et épanouie. Elle n'ouvrait pas que ses poignets, son cœur aussi, et toutes les émotions enfouies semblaient ressortir d'un coup, la submergeant et prenant le pas sur la douleur. Mais cette fois-ci, elle n'eut pas la force de se redresser, complètement vidée, elle s'écroula sur le sol, elle avait raté le fil, cette fois-ci, le funambule était à terre, peut-être avait-elle enfin réussi à trouver ses limites et à aller au-delà.

Dehors, la nuit aussi, était tombée.

Lune noireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant