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Naya regarde l'heure qu'indique son téléphone, peu soucieuse de l'état dans lequel elle risque de le mettre en vue de l'orage qu'elle essuie.

La pluie bats si fort qu'elle a l'impression d'être transpercé par des milliers d'aiguilles.
Durant une fraction de seconde, elle à envie de rentrer.
Elle veut retrouver le confort de son lit, sécher ses cheveux et goûter au gâteau que sa mère à fait.
Pendant qu'elle cligne des yeux, que ces derniers se ferment, elle voit tout ce qu'elle est sur le point de quitter.

Alors elle inspire un bon coup pour se donner du courage et se remet en marche, essayant d'oublier les doutes qui persistent dans son esprit tourmenté. La vie avait décidé de la faire souffrir jusqu'à ce qu'elle finisse par abandonner, jusqu'à ce qu'elle se perde dans les méandres de son propre esprit et qu'elle y reste, oublié par tous, à jamais.
Et elle avait perdu. Elle s'était perdue.

Quand elle atteint l'abri, son cœur est sur le point de sortir de sa cage thoracique à force de battre à cette allure effrénée. Elle aimerait bien le ralentir, ralentir le temps et la vitesse à laquelle sa misérable vie défile.

Mais elle sait que c'est impossible, elle sait que rien ne changerait rien à rien et qu'il n'y a plus rien à faire.

Rien.

Un sourire faux craque son visage tiré par la fatigue quand elle se rend compte que c'est ce qu'elle aimerait devenir.

La pluie tape plus fort, provoquant un bruit assourdissant qui résonne dans sa tête tandis que les gouttes d'eau s'écrasent contre les murs de verre de l'abri de bus.

Il n'y a personne dans les rues, comme si les gens avaient senti la détresse de Naya et avaient préféré déserter les lieux pour ne pas se confronter à sa souffrance. On ne peut pas les en blâmer. Les gens préfèrent fermer les yeux sur les problèmes des autres, trop concentrés sur les leurs, aussi futiles soient ils. C'est plus simple de faire semblant que de se dire que quelque part, à deux pas de chez soi, de l'autre côté de la rue, quelqu'un hurle en proie à un tourment affligeant.

Des larmes salées roulent doucement sur ses joues, mais elle les essuie d'un revers de main rageur. Elle n'est pas faible, elle n'a pas traversé tout ça pour se mettre à pleurer comme une gamine maintenant.
Pourtant, Naya n'a jamais au tant eu envie de pleurer qu'en cet instant.

Elle a envie de crier et de se rouler en boule sous la pluie, espérant que cette eau tout droit descendu du ciel puisse laver ses peines et la faire se sentir bien comme elle en avait l'habitude, comme si rien de tout ce qu'elle avait vécu n'était arrivé.
Mais Naya a conscience que la vie ne fonctionne pas ainsi, alors elle sert les dents et remonte sur sa tête sa capuche sombre, comme pour se fondre dans le décor.

Elle glisse petit à petit vers un abysse empli de noirceur dont elle ne pourra jamais plus s'extraire si elle venait à s'y retrouver prisonnière. Prisonnière d'elle-même et du monde qui l'a vu naître.

C'est à ce moment là qu'un garçon surgis de l'ombre, apparition divine dans ce décor apocalyptique. Il est entièrement habillé de vives couleurs, contrastant à merveille avec la grisaille tristement monotone environnante.
Il est étrange ce garçon.
C'est ce que ce dit Naya.

Autrefois, elle se serait dite qu'il devait être un dangereux psychopathe.

Pas aujourd'hui. Aujourd'hui, elle le laisse s'asseoir à côté d'elle et lui jette un regard vide d'émotions, tentant de comprendre pourquoi il pleure et sanglote, semble-t-il aussi perdu qu'elle.
Elle essaye de percer les secrets de cet inconnu, en se disant qu'elle voudrait bien que quelqu'un face la même chose pour elle, que quelqu'un voit sa souffrance et la sauve d'elle-même.

Il finit par relever la tête, les yeux rouges, les lèvres bleuis, le visage ravagé.

-Quoi, je suis tellement beau que tu te sens obligé de me dévisager? Demande-t-il d'une voix méchante.

Naya détourne violemment le regard, rougissant malgré le froid qui mord ses joues.

Son nez lui pique.

Ce garçon est étrange.

Mais il lui plaît bien.

Minuit passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant