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Je regarde de loin mon terrible destin qui se découvre et balance la couverture au loin. Il doit avoir si chaud. Je décide alors de baisser le radiateur et entre dans sa salle de bain. J'ouvre tous les tiroirs et armoires pour finalement tomber sur un gant que je finis par glisser sous l'eau, j'attrape la bassine caché derrière la porte et la remplie d'eau froide. Je balance le gant de toilette dedans et pose-le tout juste à côté de son lit.

Il pousse plusieurs soupirs en se tournant à droite et à gauche. Je vais me dévouer jusqu'à ce qu'il aille mieux, ensuite, je partirai.

Je retire son t-shirt, la sueur colle la chemise à sa peau et je mets plusieurs minutes avant de me fatiguer. Épuisée de me battre avec son vêtement de merde, j'attrape un ciseau sur le bureau et le coupe.

Il soupire faiblement, ce qui semble être un « merci ». Je reste seulement jusqu'à ce qu'il se rétablisse, pas plus, je ne dois pas le laisser m'attendrir. Gant en main, je commence par nettoyer son torse, puis son visage après l'avoir remis à l'eau. Je glousse en voyant son expression faciale. On dirait qu'il revit.

Un sentiment de culpabilité nait dans mon ventre.

J'essore le gant au-dessus du torse de Logan, tempi si son lit est mouillé. Je me lève et me penche en avant pour pouvoir essuyer tout son côté gauche à l'aide d'une serviette et me lève pour ranger. Des doigts viennent enlacer mon poignet et je me sens tirée en arrière. Je tombe brusquement sur son lit et ses bras encerclent ma taille. J'essaye de m'en défaire pour m'éloigner au plus vite, mais il resserre sa prise.

-J'adore ce rêve. J'veux pas me réveiller. Souffle-t-il contre mon cou dans lequel il se niche.

Je soupire faiblement et m'autorise, non, je l'autorise à me prendre dans ses bras quelques instants. Je profite, un peu malgré moi, de sa chaleur et repose ma tête contre son épaule.

Ses cheveux sont plutôt longs pour un homme, ça lui va plutôt bien. Quand il était enfant, ils étaient courts. Toutefois, je dois avouer que ça lui va atrocement bien. Ils se marient avec sa mâchoire carrée et ses yeux noirs.

Qu'est-ce que je raconte ? À quoi je pense là ? Je dois me réveiller, il fait partie d'une espèce capable de briser une famille sans aucun remord. Il peut me briser, moi...

Je ne veux pas finir comme mon père.

Malgré mon envie de fuir le plus loin possible, je reste ici, dans ses bras, continuant à l'observer. Je voue une haine pour lui, pour sa race, mais je ne peux pas empêcher mon cœur de battre en sa présence. Il n'est plus un simple organe qui pompe du sang. Quand je suis à ses côtés, il devient simplement une grosse boule d'émotions, de sentiments, remplie jusqu'à rebord, qui me rappelle sans cesse que je pourrais mourir pour lui s'il le fallait.

Bordel de merde. Je dois partir avant de craquer.

Je me défais de ses bras et me lève. Tant pis, ce sont ses amis qui prendront soin de lui.

-Amy ?

Sa main attrape la mienne et j'essaye de l'enlever, mais il ressert son étreinte, une fois de plus. Il récupère peu à peu grâce à moi. D'un côté, j'en suis heureuse et d'un autre, je veux juste qu'il... Qu'il retombe malade et qu'il me laisse en paix. Je ne veux pas souffrir.

-Amy. S'il te plaît, raconte-moi. Souffle-t-il en essayant de se redresser.

C'est à peine si je l'entends. Il n'a pas encore assez d'énergie pour parler, mais il essaye tant bien que mal. Alors, je m'avoue vaincue et finie par m'asseoir à ses côtés.

-Que je te raconte quoi ? Une histoire ? Pour te rendormir ?

Il hoche de la tête :

-Ton histoire. Je fronce des sourcils, il continue : Pourquoi est-ce que tu me détestes autant ?

Je grimace et me frotte la nuque soudainement mal à l'aise.

-S'il te plaît. Je te laisserai après ça. Raconte-moi. J'ai besoin de savoir pourquoi tu nourris cette haine.

Il tapote la place à côté de lui. Un nœud se forme dans mon ventre, toutefois, je m'allonge lentement dans son lit, à une distance raisonnable cette fois-ci. Je prends une grande inspiration douloureuse avant de commencer à parler :

-Lorsque j'ai fui, nous sommes allés sur une île avec ma mère, juste pour décompresser, uniquement le temps d'un week-end. Je ferme les paupières un instant, puis les rouvre pour regarder Logan qui, lui, ne me quitte pas du regard : Je n'ai pas de souvenir de mon père. Elle n'avait jamais voulu me dire pourquoi, jusqu'à ce que nous fuyions. Mon père a rencontré une louve, qui se disait être son « âme-sœur », quelques mois après ma naissance. D'après elle, ils ne pouvaient plus se quitter. Il se disait être déchiré à l'idée de quitter sa femme et de m'abandonner pour reconstruire sa vie avec cette... Cette chienne. Il nous avait choisis. Nous. Pas elle, mais elle était tellement en colère qu'elle... Je fais une légère pause pour essuyer une larme et ravaler les autres : qu'elle la tuait.

Je détourne le regard pour me tourner sur le côté. Je ne veux pas le voir, ni qu'il puisse m'observer et finis mon récit.

-Elle a fini par se suicider en se jetant de notre immeuble. Ma mère était tant brisée qu'encore aujourd'hui, rien que de citer son nom, ou de parler de vacances, de demander des photos de lui, qu'elle éclate en sanglot. Je ne veux pas vivre la même chose que mon père, je ne veux pas abandonner ma mère.

Sa main se pose délicatement sur ma tête pour caresser mes cheveux. Ce simple geste fait battre mon cœur et l'apaise.

-Je suis terriblement désolé pour ton père. Les louves peuvent entrer dans une colère, une rage si forte, qu'elles n'ont plus la notion du bien, du mal. De ce qui est juste ou non. Si elle s'est suicidée, c'est parce qu'elle ne supportait pas la mort de ton père, un loup ne peut vivre qu'une semaine maximum après la mort de son ou sa compagne. Je ne cherche pas d'excuse à cette femme, loin de là, ce qu'elle a fait est horrible et je m'excuse pour elle. Je suis certaine que, malgré tout, ce n'est pas ce qu'elle voulait.

-C'est pour ça que tu es tombé malade ? Demandais-je en me retournant vers lui, curieuse de sa réponse. Il répond par un simple hochement de tête, je continue alors : je ne suis pourtant pas morte.

-Oui, cependant, le lien qui nous unit a failli être brisé. C'est similaire à la mort pour le loup. Pourquoi penses-tu devoir abandonner ta mère pour vivre en ma compagnie ?

Je réfléchis quelques secondes. Je la trahirai. Elle a perdu l'homme de sa vie à cause d'une louve. Succomber à ce qu'il y a entre nous serait une trahison pour elle. Elle aurait l'impression que je l'abandonne et elle aurait raison. Peut-être aussi qu'il me faut une excuse. J'ai moi aussi peur, peur d'être brisée par lui. De souffrir à cause de lui. Je n'arrive pas à voir comment est-ce que ça pourrait être autrement. Abandonner une chose pour une nouvelle, n'est-ce pas le principe d'un loup ?

Qu'importe pour l'instant, je veux juste profiter de ce moment. Je ne veux penser à rien d'autre, que ce soit à mon départ, à mes choix futurs ou même prochainement. C'est comme si toutes mes craintes, mes peurs, ma tristesse et ma colère s'étaient envolées. Je me rends alors compte de la situation et des quelques millimètres qui nous séparent.

Je coupe ma respiration, prise de court.

-Je ne t'obligerai jamais à abandonner quelqu'un pour moi. Je me fiche de ce que tu penses de ma race, mais pour être honnête, ce que tu m'as dit à mes amis et à moi.

-Je sais. Dis-je en le coupant. Je suis désolée...

Ma main se pose sur son front pour changer de discussion. Il est encore bouillant. Je me redresse pour attraper le gant et le pose sur son front.

Il pousse un soupir de soulagement, ça doit sûrement lui faire du bien. On reprendra cette discussion plus tard ou je peux juste faire comme s'il ne s'était rien passé, avec un peu de chance, la fièvre lui fera oublier.

Une chose est sûre, c'est qu'une fois partie, je vais regretter tous mes dires, toutes mes pensées, et tout ce que j'ai bien pu ressentir. 

Cœur FrileuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant