Chapitre 8

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Sagitta, Douzième Royaume, Forêt de Tyrion.

Les nuages qui s'amoncelaient depuis le milieu de l'après-midi avaient fini par crever, et une pluie fine s'abattait sur la forêt et leurs occupants. Les branches nues n'offraient qu'un faible couvert, et bientôt les prisonniers furent frigorifiés. Le printemps arrivait dans quelques semaines, mais l'hiver ne semblait pas vouloir abandonner son emprise.

Satia aurait dû avoir les doigts glacés ; concentrée sur sa tâche, elle avait à peine remarqué les gouttes d'eau qui tombaient du ciel.

Autour d'elle, les soldats se mirent à maugréer tout bas. Toujours à l'arrière, le lieutenant Ralf s'occupa de les discipliner ; à défaut du Commandeur, il passait ses nerfs sur ses hommes, et gardait un œil sur la gamine qui s'imaginait le berner. Il ne put empêcher un sourire d'apparaitre sur ses lèvres.

Elle, elle aurait bientôt une mauvaise surprise.

*****

Satia frissonna et releva la tête un instant. Des gouttes de pluie s'immiscèrent sous sa tunique, lui arrachant un nouveau frisson. Quand s'était-il mis à pleuvoir ? Comment n'avait-elle rien remarqué ?

La douleur pulsait à l'extrémité de son index ensanglanté ; pourtant elle exultait. Il ne restait plus que quelques millimètres à brûler. Elle déglutit péniblement. La réussite était à sa portée, mais le plus dur viendrait ensuite. Fausser compagnie aux Maagoïs. La crème des armées impériales, rien de moins ! Heureusement, le Commandeur Eric était à l'avant-garde ; il s'était débarrassé de Lucas avec une telle facilité... Rien que d'y penser, ses jambes faiblissaient.

Elle ravala l'angoisse qui lui nouait la gorge. Une chose à la fois. D'abord, la corde. Elle devait veiller à ce que l'eau ne la touche pas, où il serait encore plus compliqué de terminer sa destruction. Elle la tint et l'abrita de sa main gauche, et pressa l'index de sa main droite avec son pouce et son majeur. Une goutte perla enfin, qu'elle essuya sur les fibres restantes. Lorsque la flamme naquit, elle l'abrita de son mieux pour qu'elle consume le dernier brin. Le feu s'éteignit en quelques secondes, mais il avait accompli son œuvre : la corde était enfin rompue. Satia s'empressa de camoufler son forfait en glissant l'extrémité au milieu des liens qui maintenaient ses poignets.


Que faire, maintenant ? Les soldats autour d'elle lui tournaient le dos, certes. Devait-elle s'attaquer à la corde qui retenait ses poignets ? En avait-elle le temps ? Elle en doutait. Le crépuscule tombait sur la forêt, et ils ne devraient pas tarder à atteindre la Porte. À moins que les impériaux connaissent le moyen pour utiliser les Portes après le coucher du soleil... son ignorance à ce sujet était frustrante.

Il lui fallait juste une diversion. Deux soldats encadraient la file devant elle, et il y en avait au moins un autre derrière elle. Un seul ? C'était bien trop peu. Elle risqua un coup d'œil et frémit. Ils étaient trois, et leur main ne s'éloignait jamais trop de épée à leur côté.

Un contre cinq. C'était illusoire d'y croire.


Ses épaules se voutèrent et elle baissa la tête. Jamais elle n'y arriverait.

Un murmure remonta la colonne et ils stoppèrent. Intriguée, Satia se hissa sur la pointe des pieds pour chercher une explication.

Puis elle comprit. Ils étaient arrivés à la lisière de la Forêt de Tyrion ; plus proches encore de la Porte et de la fin de tout espoir d'un sauvetage. Les premiers rangs devaient apercevoir les reflets du lac Eriol et les plaines vallonnées qui l'entouraient.

Les Douze RoyaumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant