LES SENTIMENTS (S)

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LES SENTIMENTS

SWANN


Swann s'était mis à fumer. Il ne faisait pas ça à cause du stress imposé par ses parents ou pour se donner un style. Aux yeux du monde, Swann fumait au nom de la rébellion adolescente contre les autres, contre le capitalisme ou tout ce qu'il pouvait y avoir de controversé.

En réalité, tout était parti de Teddy Perreira. Mais, Swann ne fumait pas pour ressembler à Teddy. Il fumait pour avoir un autre prétexte de passer du temps avec Teddy.

Avoir le brésilien pour petit-ami depuis quelques mois bouleversait le quotidien de l'adolescent. Il devait d'abord s'habituer au fait qu'il avait un petit copain, quelqu'un qu'il appréciait vraiment bien. Puis, il devait lui accorder du temps dans son emploi du temps déjà rempli. C'était terrible pour lui de devoir attendre la nuit pour rejoindre Teddy. Swann faisait le mur, pour fumer avec lui, pour l'embrasser, pour grandir.

Avec Teddy, tout lui semblait plus libre, plus grand, plus ouvert. Il voyait le monde différemment. Il osait voir la Terre comme il avait toujours espéré le voir. Il se décoinçait entièrement et petit à petit, il se mit à sortir, à aimer vivre. À aimer être Swann Valquez.

Étant donné qu'il ne lâchait pas ses études et ses parents, Swann commençait à être fatiguer. Il n'arrivait plus à se lever plus tôt, par habitude de rester éveillé trop tard. Il passait son temps à attendre Teddy sur les trottoirs, à anticiper des phrases d'accroche, à s'imaginer de drôle de choses avec lui.

Bientôt, il se rendit compte que toute sa vie tournait autour de ce garçon. Parce qu'il adorait sortir de cette zone de confort qu'il n'avait pas créée. Il adorait cet instant de répit que l'autre brun lui offrait. Tout était toujours plus époustouflant à ses côtés.

Ce soir-là, Swann s'en voulait à mort. Il n'avait pas gagné la compétition que sa mère avait prévue depuis des mois. Il était arrivé 5ème, soit beaucoup trop loin de la première place. Même pas le podium. Toute la maison était sur le point d'exploser. Swann détestait ça. C'était la première fois que ça lui arrivait, de ne pas réussir quelque chose d'intellectuel. Il avait déçu son entourage. Il se souvenait encore de l'image de son père, en train de parler du prochain trophée de la semaine – qu'il n'avait pas gagné – à un client.

Le cœur lourd, toutes les pièces l'étouffaient. Lors du dîner, rien ne s'arrangea. Encore pire, tout s'empira :

— Tu peux faire bien mieux Swann, souligna sa mère en arrêtant de couper son morceau de viande.

Swann n'avait même pas faim. Il passa son plat à son petit frère, trop occupé à mastiquer son repas.

— Tu as tellement plus de potentiel ! rappela-t-elle avec indignation. Tes fautes étaient débiles !

Il se blâma, encore et encore de ne pas avoir été premier comme toujours. Comment avait-il pu remporter la 5ème place ? Quel sens prendrait sa vie s'il décevait à ce point ses parents ? Il avait tellement l'habitude de les voir contents, satisfaits des médailles, rassurés des 1ères places. Swann se sentit presque trahi par lui-même. On lui répétait toujours qu'il était un génie, alors pourquoi est-ce qu'il le devenait de moins en moins chaque jour ?

— Demain, tu t'avanceras sur le programme de maths de Terminale. Tu dois maîtriser les deux premiers chapitres pour samedi.

Le jeune homme acquiesça, conscient qu'il allait passer une autre semaine affreuse. Il avait à peine quatorze ans et devait déjà s'attarder sur des notions qu'il allait voir dans trois ans. Les cours l'ennuyaient depuis toujours, à force de toujours s'avancer, trop vite, trop loin. Il avait vu le programme de la dernière année de collège, quatre ans auparavant. Il ne sautait pas les classes, au vu de la quantité de travail encore plus monstrueuse qui l'attendrait au bout.

— Tu dois retrouver tes capacités, assura son père d'un air ailleurs.

Swann but son verre d'eau silencieusement avant d'attendre la fin du dîner pour s'enfermer dans sa chambre. Il n'avait pas envie de pleurer, juste besoin d'un peu de temps pour tout digérer.

***

À une heure du matin, il sortit pour rejoindre Teddy. Sur le trajet, clope à la main, il réfléchit à sa prestation au concours. Sur 700 participants, il était arrivé 5ème. Ce n'était pas si grave que ça. Mais l'obsession d'être le premier le noyait à chaque fois. Swann avait toujours été plongé dans cette recherche de l'excellence, dans cette poursuite de l'infiniment parfait. Ses parents le hissaient de force vers le haut.

Il ne pouvait pas leur en vouloir pour ça.

Lorsqu'il vit Teddy, debout à leur endroit habituel, tout s'illumina. Il n'était plus Swann Valquez, surdoué doté d'un génie époustouflant à la pression encombrante. Il était dorénavant, Swann. Juste Swann. Qui il était vraiment.

Avant même de le saluer, il l'embrassa. Parce qu'il n'attendait que ça depuis le dîner, parce qu'il avait besoin d'oublier à quel point il s'en voulait de ne pas avoir été à la hauteur. Teddy était son refuge, sa bulle et sa porte vers le monde. Tout de Teddy lui pansait le cœur.

— Ça va ?

La question de Teddy embrouilla l'esprit de Swann. Avait-il l'air si affligé que ça ? Les deux garçons ne se demandaient jamais s'ils allaient bien en compagnie de l'autre. Ça épargnait à leur ego de devoir se confier sur leurs ressentis.

— J'ai besoin de mettre ma vie en pause, avoua simplement Swann qui cherchait tout de même un peu de réconfort.

Ça faisait déjà quatre mois qu'ils passaient leurs temps ensemble. C'était beaucoup pour Teddy, rien pour Swann. Quand Teddy parlait de ses anciens petits copains plus âgés, c'était toujours des histoires qui duraient quelques semaines, voire un mois. Swann était son record et d'une certaine manière, il en était fier.

Mais à chaque fois que Swann entendait les causes des ruptures, il prenait peur. Parce que c'était toujours Teddy qui rompait, quand le garçon avec qui il sortait avouait des sentiments trop intenses. Teddy avait l'air de ne jamais vouloir s'attacher et était pudique en amour, quand ça devait toucher le cœur et l'âme.

Alors pour ne pas perdre Teddy, Swann faisait comme Teddy. Il fumait pour partager des moments avec lui, buvait pour oublier ses soucis, sortait et parlait aux gens pour se montrer accessible. Ce n'était pas difficile pour Swann de faire ces efforts-là, car au fond de lui, il avait toujours su qu'il pouvait être qui il voulait quand il le voulait. Ce n'était pas des rôles qu'il endossait juste la nuit. Swann était un peu de tout, se perdait dans le flou mais retrouvait toujours un peu sa place auprès de son petit ami.

Swann était extraverti. Swann était capable de faire rire, d'émouvoir, de faire tomber amoureux. Swann devenait de plus en plus charmeur, pour attiser la jalousie, pour montrer qu'il était quelqu'un d'intéressant à Teddy. Mais personne ne lui volerait les nuits où les deux se rencontraient sous le ciel vide.

Parfois, Teddy et Swann ne se parlaient pas de la nuit. Ils se regardaient juste, attendaient que l'un sourît. C'était toujours Teddy qui sortait son sourire charmeur en premier. Ce sourire, il illuminait le cœur de Swann.

Le mexicain tombait amoureux de lui. Il tombait amoureux de ce garçon, un poil plus âgé, qui faisait remonter les tripes, valser son cœur. Avec Teddy, Swann se sentait comme chez lui. Au bon endroit, auprès de lui.

Certaines nuits, ils s'embrassaient, se touchaient, oubliaient qu'ils étaient capables de voir l'infini. Mais ils ne disaient jamais rien de trop profond, trop fort, trop vrai. Swann n'oserait jamais, tant que Teddy ne le fasse pour de vrai.

Alors par appréhension de le voir se lasser de lui, il l'attendait patiemment tout en tombant un peu plus chaque fois. Swann lui avouerait ses sentiments quand son petit ami lui prouverait avec des gestes, autres que physiques, qu'il l'aime aussi.

Swann n'a pas peur de tomber amoureux. Il a juste peur de perdre Teddy.

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 22, 2018 ⏰

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