Tuer un homme

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Tout n'était que sang.

L'odeur métallique, le sol écarlate et les taches rouges sur ma chemise qui durcissaient déjà. Mais surtout, ce liquide poisseux qui s'écoulait bien trop vite de la plaie à l'arrière de ma nuque. Je me sentais plus faible de minute en minute, et pourtant j'étais totalement lucide quant au fait que cette blessure n'était que superficielle. Les flots de sang n'étaient que des gouttes, alourdies par ce climat pesant.

De toute façon, je me rappelais à peine comment j'étais arrivé là. Cette plaie ne faisait que me conforter dans l'idée que j'étais encore en vie, ce dont je n'étais même plus certain. Je ne comprenais rien.

La seule chose dont j'étais parfaitement conscient, c'était de cette odeur tenace de sang qui me prenait la gorge et de ma sève qui coulait dans mon dos. Lors d'un rare instant de lucidité, je m'étais demandé pourquoi il ne pleuvait pas. Ce putain de ciel bleu me narguait, si joyeux.

J'avais chaud.

Dans les films, il pleuvait toujours lors des moments tragiques. Le ciel aurait dû être sombre, le vent violent et le soleil caché derrière une muraille de nuages. Au lieu de ça, il y avait ces rayons de lumière qui tapaient sur mes épaules et ce vent chaud, irrespirable.

Il portait l'odeur du sang.

Tout s'était figé quand nous avions commencé à nous battre en duel. Comme si, au fond, c'était le seul combat qui comptait. Je ne comprenais pas pourquoi tout le monde nous fixait sans bouger. Pourquoi Mangemorts et Aurors ne se battaient plus.

Pourquoi on laissait les cadavres au sol, sans même les regarder. Tous ces morts qui n'existaient pas encore. Ou n'existaient déjà plus, peut-être.

Je me souviens de la silhouette de Snape, penchée sur Georges Weasley, comprimant la jambe du roux si fort que les jointures de ses doigts devenaient jaunes. Mais même lui ne regardait que nous, ses gestes étaient ceux, mécaniques, d'un homme habitué à l'horreur. Les autres n'étaient qu'un décor, des figurants dans un conflit dont les enjeux me dépassaient totalement.

Je me battais parce qu'arrêter de se battre signifiait mourir, et que l'idée même de mourir me terrorisait.

Je ne savais même plus qui était l'homme en face de moi. Avec ses yeux rouges et son teint si pâle que le soleil semblait terne à côté. Mon souffle était étrangement paisible, tandis que je sentais un étau de glace comprimer ma poitrine de plus en plus fort. La douleur était plus que physique, j'avais mal si fort que mon cerveau bouillonnait.

Simplement mal.

Les sorts fusaient autour de moi. Si rapides que je trouvais ce spectacle presque beau. Ça ressemblait à un feu d'artifice.

Sauf que les rayons étaient mortels et que je ne pouvais m'arrêter de bouger pour les contempler.

Un instant, je sentis un sort m'effleurer le bras et la douleur qui déchira mes chairs me rendit un peu de la conscience que j'avais perdu. Je reniflai, ravalant mon envie de me mettre à hurler et agrippai ma baguette avec une poigne plus forte que jamais.

Le regard de Voldemort s'égara un moment. Comme moi, il se lassait peut-être de ce duel idiot. Quelques secondes de distraction que je ne laissai pas passer. Quand l'éclair rouge frappa sa main, j'ai cru un instant que cela n'avait pas fonctionné. Un instant de flottement avant que la baguette du Mage Noir ne s'échappe de ses doigts.

La tige de bois décrivit une courbe étrange, tourbillonna dans l'air comme une feuille morte. Quand elle s'écrasa sur les pavés de la cour, j'eus l'impression d'entendre distinctement chaque brisure du bois. La baguette de Sureau n'était plus, et devant moi j'entendis comme un cri étouffé.

Tuer un hommeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant