La Rencontre

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Je regarde la rue du balcon. Tous ces gens qui vont et qui viennent. Je me demande toujours ce qu'ils pensent. Sont-ils heureux ? Malheureux ? Pensent-ils à la mort ? Où vont-ils ? Que font-ils ?
Tiens, le camion de déménagement n'est plus là. Heureusement, nous avons croisés personne à notre retour. C'est bien ma mère ça, de me mettre la honte juste avant de partir. J'espère que le voyage se passe bien. J'éteins ma cigarette et m'apprête à rentrer quand je me sens soudain observé. Je n'ai jamais cru à cette sensation, pour moi, ce n'est bon que dans les livres pour rajouter un suspens, mais là, je me sens vraiment observé. Je regarde la rue et je vois un homme qui me regarde, collé contre le mur. Je ne vois pas son visage, car il porte une casquette, mais je me sens vraiment observé. Un frisson me traverse. Avant d'avoir pu faire quoique ce soit, il se met à marcher et tourne au coin de la rue. Étrange... J'ai l'habitude de fumer au balcon et je ne l'ai jamais croisé. Je n'ai même d'ailleurs, jamais eu cette impression d'être observé. C'est peut-être à cause de l'absence de ma mère et de cette putain de crise de panique. Je suis épuisé et je ne me sens pas rassuré. Raahhh ! Je suis pathétique.
Je finis par rentrer dans le salon. 9h40.

- Charlie ! Ma puce ! Il faut y aller !

Ma sœur déboule dans le salon avec son petit sac de sport.

- Je suis prête !

Je prends les clefs, j'ouvre la porte. Ma sœur sort, je ferme à clef derrière moi, toujours préoccupé par le départ de ma mère, ma crise de panique et l'homme qui m'observait. Je me retourne pour descendre les escaliers et

- Putain !

Je me retrouve par terre après avoir percuté quelque chose. J'entends ma sœur qui éclate de rire. Je m'assois doucement. J'ai mal aux fesses et à la main. Je vois alors, devant moi, une main tendue. Une belle main de jeune homme, les ongles bien coupés et propres. Les veines qui ressortent. De longs doigts. Une main de pianiste.

- Je suis désolé. Vraiment. Laisse-moi t'aider et prend ma main.

La voix est juste magnifique. Elle est grave et douce. Le ton est assuré et un peu rieur. Mon Dieu. Je frissonne rien qu'en entendant cette voix. Je suis tétanisé. J'hésite entre l'envie de m'enfuir et l'envie de le regarder pour voir si ce mec est aussi beau que sa voix est magnifique. Et là, j'entends à nouveau le plus beau son que je n'ai jamais entendu :

- Dis-moi la miss, il est muet ? Demande-t-il à ma sœur.

- Ben non, lui répond-elle. Tu dois lui faire peur. Ça va pas frérot ? Tu veux que je lui demande de partir ? Me demande-t-elle en se mettant accroupie à côté de moi.

Bon sang ! Depuis quand ma sœur de 10 ans s'est-elle autoproclamée mon garde du corps personnel ?! Voilà, que ma honte monte d'un cran. L'improvisation n'étant pas mon fort, les nouvelles rencontres non plus, je décide de montrer l'exemple à ma sœur et de prendre une décision très mâture : fuire.
Au moment où le mec commence à s'accroupir, je me recule et je commence ma tactique de repli : je rampe à moitié jusqu'aux escaliers. Je me mets debout, tournant le dos au mec à la voix d'ange et, sans me retourner, je descends les marches comme un dératé en criant :

- C'est moi qui suis désolé ! Merci ! Bonne nuit !

Je courre à ma voiture, l'ouvre et monte dedans. Dieu soit loué, ma sœur m'a suivi et elle monte dans la voiture. Je démarre, direction sa salle de dance. Je la dépose, lui fait un bisou et je remonte en voiture. Au moment où je vais mettre le contact, je me refais la scène des escaliers. Merde !

- Bonne nuit ?! Putain ! Je lui ai vraiment dit bonne nuit ? Mais c'est quoi mon problème ?

OK, pas de panique. L'immeuble a dix étages et un ascenseur. Je ne sors pas non plus beaucoup. Je ne devrais pas le recroiser avant un moment. Il aura peut-être oublié.
Je soupire, je me redresse et là, je vois dans le rétroviseur que le sac que je laisse toujours sur la banquette arrière est ouvert. Mes affaires sont éparpillées un peu partout. Je n'arrive plus à penser qu'à une chose : mes affaires étaient dans mon sac et mon sac était fermé.
Est-ce que c'est Charlie qui a touché au sac ?
Je n'aime pas qu'on touche à mes affaires et j'aime encore moins quand je ne comprends pas quelque chose. Je vérifie les cliquets : tous fermés. Je vérifie le coffre : fermé. Je reste assis, perplexe. Au bout de quelques minutes, je me retourne et je fais l'inventaire de mes affaires : livres, fringues, partitions, casquette... Tout y est, à part un de mes boxers. Pourquoi ?
Je garde toujours ce sac dans ma voiture parce qu'il m'arrive de dormir au boulot et de devoir me changer là-bas. Peut-être que j'ai laissé le boxer à mon bureau...
Je commence à avoir mal à la tête.

J'aime Je N'aime PasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant