Une lettre. Une simple lettre. Tout débuta avec une simple lettre. Un formulaire d'inscription à un nouveau type de téléréalité. Je trouvais pourtant toute cette mascarade télévisuelle idiote. Mais je m'y suis plongée à mes dépends.
Le formulaire expliquait que cette nouvelle téléréalité se basait sur l'amour et que cela était produit par la plus grande chaîne internationale d'audiovisuel. Ils disaient également qu'ils avaient eu, grâce à nos données sur les réseaux sociaux et les sites internet, nos informations personnelles et que cela leur avait permis de définir quelles seraient les meilleurs candidats. Nous avions donc été sélectionnés en nombre infime sur l'échelle mondiale. Nous étions trente. Quinze filles, quinze garçons. Célibataires. Dans une moyenne d'âge de 16 jusqu'à 20 ans. Avec des profils bien précis afin que nous soyons en bonne entente avec les autres candidats.
En premier temps j'aurai refusé. Mais cette offre m'alléchait vraiment. Le jeu nous permettait de gagner cent mille francs. Une somme conséquente qui me permettrait de payer mes études. Celles-ci étaient difficiles à financer pour mes parents. D'un autre côté, je n'étais jamais tombée amoureuse. Cela me donnerait l'occasion de me faire charmer.
Cette offre trotta dans ma tête des jours durant. Et après des semaines de réflexion et de discussion avec mes parents, je décidai d'accepter de participer au jeu.
Un matin je pris alors le formulaire. Je m'assis à la table, piocha le premier stylo à ma portée. Ironie du sort c'était le stylo avec l'emblème de mon école.
Je remplis chaque case avec une détermination grimpante.
Nom, prénom : Zara Paticelli
Date de naissance : 04.08.2002
Âge : 16
Sexe : féminin
Profession : étudiante
Nationalité : franco-italienne
Couleur de cheveux : marron
Couleur de yeux : noisette
Teint de peau : basané
Tatouage, piercing : non
Acceptez-vous d'être audio diffusé et de ne plus utiliser votre portable pendant toute l'émission : oui
Je dus répondre à d'autres questions puis signer le document. Une fois fini je le mis dans une enveloppe sur laquelle l'adresse de la société y était déjà inscrite. J'y ajouta un timbre et alla poster la lettre. Je pris une veste fine et sortis. Le vent printanier nous apportait des relents estivaux. Celui-ci fit voler mes cheveux. Je marchai dans les rues, admirant la lueur du soleil sur les angles des maisons et des lampadaires.
Je continuai mon chemin et croisai Madame Germin. Une femme qui tenait un café non loin de là, où je m'y rendais afin d'y faire mes devoirs. Elle me salua gentiment. Je lui souris puis poursuivis mon chemin. J'arriva à la poste. Il y avait juste à côté de celle-ci, une boîte au lettre jaune, dans laquelle chaque lettre devait y être postée. Je m'y arrêtai. Je contemplai dans mes doigts le fin papier de la lettre. L'écriture parfaitement calligraphié indiquant une adresse à l'étranger. Je regardai longuement le timbre joliment orné d'une fleur jaune aux pétales fines dans un pot marron aux allures de découvertes archéologique d'une époque remontant à des millénaires. Une dame se râcla la gorge à côté de moi. Elle tenait d'une main sa poussette rose et de l'autre une lettre. Je m'écartai en murmurant un mot d'excuse. Elle posa sa lettre sur les lèvres de la boîte et d'un coup de son doigt vernis, la poussa dans le néant. Je suivis du regard chaque mouvement de sa main qu'elle s'empressa de ramener sur le deuxième morceau de plastique de sa poussette servant de guidon et me dévisagea étrangement. Je revins à moi en un petit coup de la tête et mis ma lettre dans cette fichue boîte aux lettres, avant de m'en aller sans autre.
Je repris mon chemin lentement, mes pieds hésitants à chaque pas. Avais-je fait le bon choix ? je ne le savais pas. Et pourtant une excitation naissait au fond de mon ventre. Au diable les inconvénients. Ça ne se produit qu'une fois dans une vie.
Les jours passèrent. Aucun signe de vie de cette téléréalité. Pas le moyen de savoir si celle-ci avait abouti ou avait simplement été qu'un projet chimérique d'une société aux yeux plus grand que le monde qui regardait leurs émissions. Je regardai défiler les jours en perdant peu à peu l'espoir d'y participer. Peut-être avaient-ils fait un nouveau tri dans les candidatures et que je n'avais pas été prise ? ils auraient prévenu tout de même. Puis tout s'effaça dans la routine quotidienne. Je n'y pensai plus.
Trois mois après, je piochai dans les quelques lettres m'étant destinées, aussi rares qu'elles l'étaient. Ma mémoire rejaillit lorsque je reconnus l'entreprise dans l'angle de l'enveloppe. Je déchirai le fin papier et sorti un document agrafé de plusieurs pages. Je débutai la lecture de cette bible d'information. Celle-ci m'informait de comment les prises seraient filmées, le lieu de l'émission, les affaires que nous devions emporter, la durée de l'aventure, et un bon nombre d'autres explications. La plus important, la date et le lieu du rendez-vous. Ils nous avaient payé des billets d'avion. L'aventure avait lieu aux Etats-Unis. L'excitation remontait en moi.
Je remis les documents à mes parents. Je devrai finir cette année scolaire et cela durerait quatre mois. Cela voulait dire que je devrai rater les deux premiers mois de mon année scolaire. Mais si j'avais des notes suffisamment hautes, je pouvais faire une demande et continuer l'année en cours de route. Je remontai mes manches et travaillai d'arrache-pied durant les mois suivants m'ouvrant la porte sur la possibilité de faire parti de cette téléréalité. Je doublai mes heures de travail. Le soir dans les ombres bleues de ma chambre luisait le jaune de ma lampe. Et mon stylo noircissant des feuilles comme la nuit noircissait le jour. Je troquai les réseaux sociaux par des exercices en ligne et mes romans d'amour par des livres de cours. Mais cela n'était pas sans peine. J'avalai des vitamines chaque matin et je réduisais considérablement mes nuits de sommeil. Mais je voyais mes résultats grimper chaque jour. Chaque fin de mois je recevais les félicitations de mes professeurs. Et le dernier jour d'école, une joie immense s'empara de mon estomac. J'avais réussi.
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le premier qui tombe amoureux a perdu
General Fictionune lettre. une télé-réalité. une règle. ne pas tomber amoureux. qui aura le moins de sentiments ? les participants, ou notre société ?