« L'océan est si bleu cet hiver, d'un bleu envoûtant. Oh qu'est-ce ? Serait-ce une énorme bille d'eau salée, remplie d'hippocampes scintillants, de couleurs légèrement pourpre ? Non c'est une hallucination. Cette sphère n'est pas réelle, mais je dois me l'avouer, elle me tente.. Oh mais ce chant ! Il est si beau.. » rêva Astrid.Après un moment d'inconscience ou elle regardait l'océan de son œil cristallin foncé, qui ne laissait à peine voir sa pupille noire de charbon, la sphère attira de plus en plus son attention. Elle s'avança encore plus près, les pieds nus vernis de bleu clair, et les hanches vêtues d'un morceau de tissu fin dans l'eau gelée, sans remarquer l'étrange et immense ombre sous l'eau tout près d'elle. Et elle reprit : « On dirait un chant Sirène que l'on entend parfois avec Matt dans une de ces boîtes à musique aux couleurs délavés de camaïeu violet, sur le comptoir ou l'on achète les tickets de la grande roue. Non ! La grande roue, mais.. Mais où est elle ? Et où suis-je ? Oh non ! Un Gorvard ! Matt aide moi ! Son cri est tellement strident.. »
Matt réveilla Astrid de son cauchemar en lui retirant sa mèche de cheveux blonds, qui lui recouvrait presque l'intégralité de son visage enfantin, sali par son maquillage bleutée et dégoulinant, mais qui laissait tout de même apercevoir un œil qui voit flou à cause des larmes non évacuées à l'intérieur.
Elle avait comme des tempêtes dans les yeux.Après un instant, Astrid reprit conscience, blottie contre le torse chaud de Matt. Par terre sur la pierre d'antan froide, qui servait de route au petit groupe de maisons anciennes le long des quais du parc d'attraction de la fête foraine. « La grande roue ! Elle est là ! » cria Astrid de sa petite voix du matin.
Matt ne comprenait pas. Astrid était une fille plutôt bizarre, mais dans le sens positif supposait il. « Matt tu es là toi aussi ! J'ai bien cru que des milliers, ou bien millions de kilomètres d'eau nous séparait ! » Il prit la parole à son tour : « Astrid, tu as encore fait un mauvais rêve, pardonne mon arrogance, mais es tu sûre que ça va ? Franchement ça en devient inquiétant, c'est le quatrième en à peine une semaine. Et tu parles sans cesse de « Gorvard » ! Raconte moi ! »« Je me souviens vaguement, mais ma mère m'en parlait quand j'étais petite. C'est une espèce de créature marine géante, visqueuse, froide, et grise avec des nuances de bleues, un long museau fin, de grandes oreilles arrondies comme celle d'un chat, de gigantesques palmes aux pattes arrières et des nageoires à l'avant ornées d'écailles vertes brillantes. Ils n'ont pas de dents mais leurs mâchoires paraissent si puissantes. Puis ils ont une queue comme les murènes mais en beaucoup plus imposantes. Quand ils nagent on pourrait croire qu'ils dansent avec des robes de fines dentelles, mais c'est une danse mortelle, n'oublions pas que ce sont des monstres.. » raconta Astrid de sa voix un peu plus grave que les autres filles mais tellement prenante.
« Rien d'autre ? » continua Matt.Le regard vide, Astrid se décolla de Matt et parla sans se soucier de ce qui l'entourait : « Leurs yeux. Leurs yeux sont si profonds.. J'y vois un royaume sans couleur et innocence, la guerre sans armes.. Les ténèbres y sont clairs et non obscurs.. » Elle se mit à pleurer : « La.. La mort ! »
Matt embrassa le front humide de son amie, de ses lèvres gercées par le temps glaciale.
Les lumières et les sons du parc d'attraction s'allumèrent éclairant le visage recouvert de tâches de rousseur, et la chevelure brune presque rousse de Matt, et le visage pâle et lisse caché par les cheveux courts et blonds parsemés de mèches bleues d'Astrid. « Écoute, je n'aime pas te mentir mais je n'en sais rien, on en sait rien d'ailleurs sur ces bestioles, mais là on doit y aller si tu veux pas que le propriétaire nous fasse la peau ! On va déjà s'en prendre une grosse pour avoir passé la nuit dehors comme deux vieux ploucs.. » dit-il en attrapant la main congelée d'Astrid qui ne répondit pas.La grande roue était encore ouverte malgré le froid et la neige de cet hivers là. L'hiver 1985.
Cette dernière est très ancienne, la peinture rouge et jaune du thème cirque finissait de s'enlever laissant place à de la rouille, ce qui chagrinait Astrid et Matt.
Ils se sont connus ici, au printemps, ils étaient venus pour les vacances puis finalement les barbes-à-papa et l'odeur des pop-corns grillés les ont poussés à rester, maintenant ils travaillent ici pendant les mois de vacances d'étés, et parfois l'hiver pour avoir de quoi survivre.
Ils ne sont pas seuls mais ils préfèrent rester à deux.Astrid cria : « Matt j'ai super mal à la tête ! » Matt lui tirant la main plus fort, lui répondit : « Ce n'est rien, ce sont tes cauchemars qui te font ça. » « Matt.. Aide moi.. » pensa fort Astrid.
Soudain, quelque chose ne se passait pas comme d'habitude, Matt sentait qu'il y avait un problème. « Pourquoi n'y a t'il personne ? Ce n'est pas à cause du froid, puis même on aurait eu quelques gamins qui veulent s'amuser. Merde, où sont les forains ? La grande roue et le reste des manèges ne se sont pas allumés seuls. »
Puis il accouru vers le bord de la plage, et là, il y avait un rassemblement de personnes, des hippies pour la plupart et les forains, tous autours de monstrueux et gigantesques cadavres sombres. Pendant un instant Matt songea au cauchemar d'Astrid, mais non, ça ne pouvait pas être réel, il devait sûrement être trop loin pour voir..
Une jeune fille d'une quinzaine d'années s'approcha « Hey ! Il nous faut de l'aide il y a trois ou quatre baleines bleues échouées au bord de l'eau, on ne sait pas quoi faire ! On pense que la plupart sont mortes.. »
Matt n'eût pas le temps de lui répondre, qu'Astrid les coupa « Elles sont toutes mortes, mais la troisième a un petit qui respire encore.. » puis elle s'évanouit et s'écrasa sur le goudron. Sa tête heurta le sol si violemment que du sang s'échappa de sa petite bouche rougeâtre.La tempête semblait avoir ramenée d'atroces cadeaux, c'était incroyable, comme le fait qu'Astrid avait vu juste au sujet du baleineau..
Quelques heures plus tard, Astrid se réveilla, la peau mouillée d'un mélange de sueur et d'eau chaude. Auprès d'elle il y avait une femme, dont elle pouvait entendre et sentir la respiration, et voir la poitrine généreuse au dessus de sa tête qui dégageait un parfum fruité.
Des boucles brunes frôlaient son visage blanc et sa chevelure imprégnée de sang séché, d'un coup quelque chose de frais mais non gelé, plutôt agréable, caressa ses joues blanches de fatigue.
« Bonjour petit cœur ! » lança une voix féminine, avant de reprendre « Comment te sens tu ? », les yeux d'Astrid s'ouvrèrent et elle distingua une jeune femme avec de jolies formes, de drôle de lunettes rondes et noires, un sourire très charmant maquillé d'un fuchsia éclatant, et une robe qui lui donnait un air bohémien comme le reste de la chambre qui l'entourait.
Elle essaya de se relever pour atteindre le visage qui lui parlait mais la douleur qui se répandait dans son crâne l'en empêcha, la fit gémir et retomber sur un coussin rempli de plumes, les douces mains rattrapèrent sa tête délicatement, et les lèvres colorées s'avancèrent jusqu'à son front pour y déposer un baiser. « Repose toi, tu en as encore besoin, petite fée. »
chuchota la voix qui s'éloignait de plus en plus.
Astrid désirait que la voix reste encore un peu, quelques minutes de plus, elle lui manquait déjà après seulement quelques secondes d'absence.Elle repensa aux mots que la femme avait utilisés, « petite fée », c'était ainsi que sa mère l'appelait. Elle toucha tant bien que mal sa gorge déshydratée, et remarqua que son collier n'était plus autour de son cou brûlant.. Elle voulu demander où
il se trouvait, mais elle constata que Matt n'était pas là non plus. Avant de pouvoir faire sortir quelconques mots de sa bouche, elle replongea aussitôt dans le monde des songes qu'elle redoutait tant..Sa poitrine était relativement froide, mais en dessous de sa peau, son cœur chaud battait de plus en plus fort. Le visage qu'elle avait regardé restait figé dans ses pensées, il n'y avait plus rien autour, plus de mauvais rêves, à part les yeux d'un bleu turquoise grandiose de cette jeune femme. Elle ne savait pas si c'était réel mais elle ne voulait pas croire que ce soit son imagination, et elle profita durant des heures d'imaginer ce visage si charmant à ses côtés.
Et elle ne cessait de se répéter, à s'en donner des frissons « Je ne veux pas que tu sois qu'une simple silhouette éphémère. Je veux que tu existes. »
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Solomonde : L'ère d'écume artificielle
ParanormalL'univers forain est un mélange de frissons, de passions, et d'excitation. Le ciel est blanc, les nuages noirs, les clowns maquillés, et les monstres déchaînés. La grande roue pleure, et de ses deux grands yeux coulent des larmes bleues. L'orage...