-1-Nino

19 1 0
                                    

  Le 29 mars, un élève d'une maternelle de Limas (Rhône), allergique au lait de vache, était mort après avoir mangé une crêpe à l'école, des suites du choc anaphylactique. Une information judiciaire pour "homicide involontaire" a été ouverte , mais pas poursuivie pour le moment.

d'après : http://www.sudouest.fr/2018/04/12/enfant-mort-d-une-allergie-la-ministre-de-la-sante-veut-mieux-equiper-les-ecoles-4366871-4696.php


Nino. C'est bizarre, ça, Nino. Italien, peut-être. Ça sonne bien pour un petit garçon. C'est vrai, on ne s'imagine pas qu'un jour Nino aura 30 ans, une femme, un boulot, des enfants. Non, parce que Nino n'aura pas de femme de boulot, ou d'enfants. Parce que Nino est allergique au lait, voilà tout. Et Nino va mourir à l'âge de quatre ans.

Nino fait partie de ces jeunes enfants qu'on qualifie de « mignons » : de bonnes joues, un petit nez retroussé, des cheveux en bataille. Un petit garçon un peu bagarreur, souriant, sans gros problème de santé : à part qu'il est allergique au lait.

Stéphanie enseigne depuis deux ans seulement. C'est une jeune maîtresse. Elle a du mal à faire de ses collègues ses amies: elles, elles se connaissent toutes depuis longtemps, la regardent de travers, la jaugent. Pourtant, elle fait du mieux qu'elle peut pour gagner leur amitié. Elle profitera de cette sortie scolaire pour se rapprocher de l'une d'entre elles.

Il y aura une vingtaine d'enfants à surveiller. « Ils ont quatre ans », se dit Stéphanie, il faudra bien les surveiller. Elle connaît chacun d'entre eux. Marie, la petite blonde qui pleure souvent, Jeanne, qui s'amuse à pincer ses camarades, Anaïs, Jean, Lucie, Hortense, Nino, Gabriel...

Elle les adore, tout comme elle adore son métier. Aujourd'hui, elle va faire en sorte qu'ils s'amusent un maximum.

Nino et Gabriel font trop de bruit, dans le bus. Stéphanie les réprimande, Nino pleure. Alors elle le console, mais il ne s'arrête pas jusqu'à l'arrivée au parc de jeux. Pour le calmer, Stéphanie lui achète une crêpe. Elle est surprise : le petit n'en a jamais mangé.

Si on y pense maintenant, on se dit : « Elle aurait dû s'en souvenir, que le petit était allergique au lait. Elle n'aurait pas dû lui proposer cette crêpe. Elle aurait dû avoir son P.A.I, savoir comment réagir. Elle aurait dû.

Nino est curieux, ses yeux brillent. C'est vrai que ça a l'air bon, ce machin en triangle, avec du sucre et du chocolat. Il se demande « Pourquoi maman ne m'en fait pas ? ». Il prend la gourmandise, la mâche. Il trouve ça bon.

« Le lait ! » Paf. Ça lui revient, Stéphanie se rappelle. Elle observe le petit. A son grand soulagement, il semble aller bien. Il rigole avec Gabriel, joue avec Marie. Il a fini la crêpe.

« Qu'est ce que je fais ? », s'interroge-t-elle. Elle a peur. Que va penser sa collègue, si elle lui dit ? Elle pourrait perdre son travail, non ? Elle prend le risque : le petit va bien, inutile de s'alarmer. Elle ne dira rien.

Nino a mal à la gorge. Il se gratte, beaucoup. Mais il a beau gratter, ça ne passe pas. Alors il pleure. Ses camardes le regarde : « Tu es tout rouge, Nino ! » lui crie Marie. Il regarde sa maîtresse. Elle ouvre des yeux ronds, semble inquiète. Il a peur.

Stéphanie lui demande d'ouvrir la bouche : sa longue est toute gonflée. Nino pleure, hurle, il a mal. Elle voit que les gens s'arrêtent, la regarde, se demande ce qu'il se passe. Stéphanie panique, elle me n'a plus peur pour son travail, mais pour le petit. Sa collègue appelle le SAMU, elle, elle appelle la mère.

C'est là qu'elle m'a appelée. Elle parlait vite, elle disait « Je crois que Nino fait une allergie, que dois je faire ? » « J'arrive », je lui réponds, inquiète. Tellement inquiète, que dans la précipitation, je ne prends pas le P.A.I. Je veux voir mon fils, c'est tout.

J'arrive au parc ? Nino ne pleure pas, il hoquette. Il est allongé par terre, la gorge disproportionnée, la respiration saccadée. Je le prends dans mes bras, le berce, en attendant les renforts. J'ai envie de pleurer, mais je dois lui donner du courage. J'ai peur, je suis morte de peur. Je ne veux pas perdre mon fils.

-Maman, aide-moi s'il te plaît. Je suis en train de mourir.

Comment en arrive-t-on a un tel point ? Mon fils, dans mes bras, qui comprend qu'il va mourir. Il sait. Au fond de moi, j'essaye de garder espoir, mais je sais aussi. Les secours arrivent.

Mais beaucoup trop tard.




Je précise que cette histoire inspirée de faits réels et récents est tout de même une "histoire" car elle est romancée. Je ne suis pas à l'intérieur de la tête de chacune des personnes impliquées dans ce drame, je ne sais pas ce qu'ils ont ressenti exactement, j'ai modifié leur prénom, leur âge. C'est un fait qui m'a énormément touché, je pense aux parents, à la famille, mais je respecte leur vie privée en ne conservant pas  les vrais noms? Mon objectif n'est pas d'entrer dans leur tête et de déchiffrer ce qu'ils ressentent, car je n'en sais strictement rien, vous n'en savez rien non plus. Les seuls qui peuvent savoir sont ceux qui l'ont vécu, et ceci est valable pour toutes les nouvelles que vous lirez dans ce livre.

Nouvelles.Where stories live. Discover now