Mardi 30 Octobre 1969

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Je pris mon sac et rangea mes dossiers jaune aussi rapidement qu'on puisse le faire lorsque nous sommes en retard pour la troisième fois de la semaine. Mon smoking bleu marine trop serré et coupé court au niveau des hanches me fit l'effet d'un vieux papier journal qu'on aurait froissé dans mon caleçon avant de le jeter au poêle à bois. Je sortis de l'appartement 78, celui où je résidais depuis maintenant quatre ans. En arrivant au bureau, retardé par le trafic et un sens de l'organisation aussi costaud que mon envi d'aller travailler, je m'excusai auprès de mon employeur en lui jouant la même disquette habituelle :<< désolé M'sieur, j'ai fini un dossier très tard dans la nuit et j'ai totalement oublié que je devais emmener ma fille à l'école ce matin >>. Il tourna la tête, levant les yeux au ciel, leurs faisant faire des petits looping, et s'en alla dans son bureau, reluisant ses petites cartes de collection de merde. Le jour où mon boss découvrira qu'en réalité je suis encore puceau, ça va faire mal aux fesses...
J'assis mon derrière coincé dans un pantalon taille slim sur ma grande
chaise noire et commençai mon boulot, il est 8h13.

  Je repris mon client au bout du fil et lui fit le discours engagé du
parfait connard qui n'attend qu'un coup de carte bleue pour lui
raccrocher au nez, << Ecoutez, Monsieur Stephensman, nous n'avons plus une minute à perdre, l'action est déjà disputée par trois grandes
firmes et si vous ne finalisez pas cette transaction, je devrai
naturellement la leur offrire. Vous comprenez que c'est uniquement par
respect pour nos antérieurs contrats que je vous l'ai proposée en
premier >>; coupure de courant générale. Je viens de perdre mon plus
gros poisson. Un qui m'en aurait fait gagner un paquet. La journée se
poursuivit sur la même lancée désastreuse. Première pause, je renverse mon café sur ma cravate claire. L'avant-midi sera témoin des dernières heures de mon téléphone qui rencontrera le sol de l'immeuble pour la dernière fois, mon midi sera couronné de nourriture froide et
indigeste. Nous continuerons l'après-midi avec de jolies éclaircies
frappant le côté du bâtiment où je ne me trouve pas, << Qui à coupé le
chauffage ici ? fait un froid d'canard. Sales restrictions
budgétaires >>. Mais mon problème s'aggrava délibérément lorsqu'on me
fit appeler pour une convocation imminente dans le bureau du patron.
<< Vous avez perdu un énorme contrat, vous en êtes conscient ? >>.
Peut-être que si vous saviez gérer votre tableau électrique on en serait pas là, petit malin prétentieux.​ Ce fut très exactement les mots que j'aurai aimé lui dire, mais bien entendu mon entretien ne fut pas aussi aromatisé. C'était plus de l'eau, plate, sans réel goût. Toujours la même rengaine,
<< excusez-moi, j'ai pas pu faire ci, pas
fini de faire ça, pas rendu telle chose à temps >>. Un pardon entre
chaque virgule et mon cas est sorti d'affaire, du moins d'habitude.

  Il me proposait de me racheter. Je devais aller rencontrer de nouveaux
investisseurs dans un coin paumé où le nombre de vaches allait sûrement
dépasser celui des habitants. C'est une petite ville du nom de Westley,
reprit-il. Elle se trouve isolée de la métropole et n'est pas répertoriée sur les cartes électroniques.
- Sans vouloir vous offenser, Monsieur le directeur, je ne comprend pas bien en quoi cette ville représente un avantage pour la société ?
- En effet. Il se racla la gorge, remis son veston en symétrique de ses épaules, remonta légèrement sa cravate. Attention, il s'apprête à dire quelque chose d'intelligent, à mon avis.<< Vous comprenez que les grandes villes nous opposent à beaucoup de concurrence, celle-ci est rude ces temps-ci. Westley est construite sur une réserve de pétrole, cela fait quelques années que des industries placent de l'argent de côté pour stabiliser leurs infrastructures et exploiter les réserves. Le problème réside dans le fait que le coût est élevé étant donné que le gouvernement y place beaucoup de taxes car il n'est pas tout à fait en accord avec cette exploitation pétrolière. Vous allez leur proposer un contrat en or, il me tendit le dossier plutôt épais et me laissa le consulter quelques secondes, puis reprit. Je compte sur vous pour les intéresser, il y a du bénéfice à se faire là-dessus. Je sais de quoi vous êtes capable, je vous offre la chance de faire oublier votre erreur de ce matin, vous partirez demain et y resterez une journée >>.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 05, 2019 ⏰

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