II-Plus rien à perdre

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J'ai vécu durement toutes les premières années de ma vie, mais je pensais que tout s'arrangerait si je gardait ma foi...
Parfois... Je me demande s'il ne m'a pas vraiment abandonné...

C'est pour Lui que je suis parti combattre les hérétiques.
Pour lui que je suis parti à l'assaut de Jérusalem, reprise une énième fois par les turcs.
Pour lui enfin que j'ai laissé derrière moi ma famille, mes amis et ma douce fiancé...

Les évêques nous promettait une courte guerre contre des barbares mal dégrossis, des montagnes d'or et de richesses, l'honneur, la gloire, et enfin le lavement de tous nos péchés... Beaucoup sont alors ceux qui ont répondus présent, galvanisés par les promesses. Paysans, simples manants, soldats, mercenaires, chevaliers, nobles, tous ce sont rués, comme pour les premières croisades, vers la Terre Sainte où il pensaient vaincre. Même certains rois se sont jetés a corps perdus dans la bataille, vers une récompense futile et un retour incertain, poussés au combat par leur famille, leurs amis, leurs voisins, harangués par les puissants discours des fanatiques ; tout le monde voulait sa place au paradis...
Et beaucoup se rendaient compte de leur méprise trop tard, déjà enrôlés et partis sur les routes...

J'ignore vraiment si je fut de ceux-la, ou de ceux qui savaient qu'ils s'engageaient pour une cause perdue.

Tout raconter me prendrais trop de temps... Aussi je me bornerais, pour le moment, à écrire un simple résumé de ce qu'il s'est passé ensuite. ..

Mon absence au pays a duré longtemps, et, à mon retour, plus rien n'était pareil.

Quand je suis revenu... Eclopé mais vivant, à la tête d'un bataillon de rescapés en piteux état, nous nous sommes confrontés a la réalité du retour. Nous avions perdus la guerre, et beaucoup des nôtres étaient tombés.
Certains compagnons de voyage réintégrèrent leurs foyers respectifs et furent reçus, par une famille heureuse de les retrouver...

Ce ne fut pas mon cas.

À mon arrivée j'appris avec douleur la mort prématurée de ma mère. Mon père, ne voulant pas lui survivre, l'avait accompagné...
La maison familiale, sans héritier, fut vendue par le bailly et les biens de mes défunts parents furent répartis, et on oublia de mettre de côté la part d'un fils dont on espérait plus de nouvelles.
Quand à ma fiancée, elle avait tout bonnement disparu.

Je n'avais donc plus rien.
Rien du tout.
Plus rien a perdre.

Voilà pourquoi je me retrouvais dans une diligence cahotante, auprès d'un homme au visage blême, souvent caché par un foulard et au regard fuyant. J'apprendrais plus tard son nom : Dismas.

Sans le savoir, je m'étais trouvé un nouveau compagnon d'arme.
Il venait pour la même raison que moi.
Nous n'avions plus rien a perdre.

Reynault

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