Poème en prose
Il était là, les bras inertes, l'oeil terne. Il était seul, délaissé par ceux qui maintenant peuplaient ses souvenirs. Il était muet, supplice silencieux du mime à l'essence universelle, langage cosmique à nature seulement accessible aux âmes pures enfantines. Nul n'est plus sourd que celui qui entend, me direz-vous ! Mais face à la mort, pauvre réalité triviale, la vie n'est qu'un cocktail de sensations dépourvu de pureté, toujours agrémenté d'artifices, ornementé de frivolités époustouflantes toutes les plus absurdes les unes que les autres.
Qui pouvait donc comprendre ce pauvre clown, marionnette désuète accrochée à son fil toujours plus fragile ? Les Parques, messagères de la destinée humaine, l'ont, par une mystérieuse envie, épargné. Ce saisissant personnage presque magicien batifolait avec les serpents qui jaillissaient d'une serviette, foulards de tâches de gaieté, ça et là, éclaboussures éparpillées. Au rythme des grelots de tambourin, ses pieds avancent, tirés par une fatalité morbide, la pesanteur terrestre attirant toujours inexorablement ses chaussure estropiées.
Orphelin de bohémiens, compagnon d'une solitude lui parlant inlassablement à l'oreille, il leva soudain les bras, les paumes tendues vers le ciel, comme pour toucher son avenir incertain. Cette statue, témoignage d'une condition humaine parmi tant d'autres, n'était plus qu'un monstre de grimaces bestiales rugissant des visions musicales. Elle était splendide dans l'obscurité oppressante, image des délicieux tourments de l'existence immature au cœur d'un univers austère. Immobile et raide, le prince des vérités incongrues se protégeait de sa propre vision du monde, toujours plus sombre et nostalgique. Pauvre maître des pitreries burlesques, tourmenté par des ténèbres opaques, il demeurait impuissant.
Il baissa les bras, se rendant tout entier à ce sinistre orage du destin. Tel un funambule assoiffé de vertige, il oscillait dangereusement sur son sentier de fil charmeur, les sirènes du rire énervé lui offrant une sensation si douce, et cependant si vive.
Soudain, une cascade mélodieuse se fit entendre, déferlement de bonheur pour ce pauvre clown. Ce rire d'enfant, le chant le plus pur et le plus merveilleux qu'il soit donné d'entendre, son rafraîchissant comme l'eau pure, doux comme le miel, pétillant comme le vin, brillant comme le soleil : c'était l'espoir d'un renouveau rassurant, symphonie envoûtante ambassadrice de l'allégresse.
Le clown au costume bleu d'un ciel d'été, à la fraise blanche d'une aile d'ange, au chapeau ancestrale d'âge d'or, regarda par la fenêtre, ses yeux en quête de l'enfant en salopette rouge. Une larme tomba. Puis une autre. Puis encore une autre. Elles étaient belles ces larmes. Bien grosses, bien fournies. Elles étaient belles. Les gouttes laissaient sur leur passage un sillon de peau beige, effaçant le maquillage illusionniste du personnage. Il redevenait son passé, son caractère d'antan. Elles étaient belles ces larmes. Elles étaient belles.
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Poèmes
Poetry"Je ne suis pas un poète... Car au plus profond de leur être, Les poètes écrivent en syllabes parfaites. Sans freiner leur entrain, Ils imaginent de parfaits alexandrins. J'ai essayé d'escalader le mur invisible, Qui tel un garde revêtu d'une armur...