La mémoire du piano (2e version)

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Soir d'été, un bar

Tu étais pianiste

Pour arrondir tes fins de mois


Je prêtais peu attention à la mélodie

Seul avec mon verre de rhum

Mais j'eus été transpercé par ton ré majeur


Un fortissimo pour mon cœur


Éclat du soleil sur ta peau

Ciel dans tes yeux

Tes cheveux, long decrescendo dans ton dos

Fragment de rire

On venait de signer le morendo


Notre premier appartement, début de l'automne. Lumière naturelle, chauffage électrique, balcon arrière, beaucoup de rangement, semi-meublé, pas cher. Le tout sur le bord de cette plage que tu aimais tant.  


Presque harmonieux


Le bonheur s'installait

L'instant se nourrissait de notre mélodie


Tu voulais peindre le salon corail. J'ignorais d'où sortait ce nom de couleur, mais je t'ai laissé faire. Tu avais installé un centre de table fleuri et un tas de coussins dans notre lit. J'ai capitulé car j'aimais te voir animée par cette passion pour la déco. Tu pratiquais cet art aussi bien que lorsque tu te mettais à jouer. Notre intérieur n'était qu'harmonie de ré majeur. 


Moment solitaire avec ton piano, un verre de scotch sans glace. tu vivais ces courts instants appartenant au contre jour 

et à la contre nuit


Les idées se sont enchaînées avec l'hiver. Le piano s'est vu recouvrir de crêpons et de mille rubans colorés. Tu trouvais que ça le rendait vivant. Moi ce que j'aimais, c'était ton regard quand tu frôlais une touche.

Comme si tu lui murmurais une berceuse


Avec les douces promesses des fleurs

J'ai entendu un premier bémol


Tu semblais plus pâle

Tu perdais ton rythme


Ton cœur changeait de fréquence

Battement rapide, prononcé


Quelque chose venait de se briser


Cancer du foie stade 4

Inopérable

La tumeur s'était logée sans signe

Tu mourrais à petit feu

Deux êtres inséparables, l'un parasitant l'autre jusqu'à ce que mort s'en suive


Le temps m'apparut comme un traître qui n'avait qu'un seul plaisir : faucher les gens les plus heureux sans raison. Nous étions supposés louer un local et enregistrer ta musique. Tu voulais en faire ton métier. 


Un mois, tout au plus

Maigrissant

Mangeant moins

Perte d'énergie progressive


Tes yeux ont perdu l'éclat du ciel

Ils restaient fermée trop longtemps parfois


Je m'empressais de te réveiller, par moment, juste pour voir la couleur de tes yeux. Je ne voulais pas les oublier. Tu as commencé à moins bien respirer. Les préposés sont venus brancher le respirateur pour que tu reste avec moi jusqu'à la fin. Tu as levé une main tremblotante pour signer un papier n'autorisant pas la réanimation. Tu voulais partir sans te battre. 


N'entre pas sans violence dans cette bonne nuit


Ton cœur rata quelques battements

Tu savais la fin proche

Le cancer né dans ton corps allait y mourir en même temps que toi


Je t'avais promis de ne pas intervenir

Que je ne t'assassinerais pas

Que la mort viendrait au moment propice

Mais tu souffrait trop   


Ferme les yeux

Respire le monoxyde de carbone

Laisse le guérir ton cancer

Laisse le t'emmener


N'entre pas sans violence dans cette bonne nuit

Rage enrage contre la mort de la lumière


La poussière a commencé à s'accumuler sur les touches

L'idée de ton index sur le ré mineur me rend malade


J'y appose mon index pour ne pas l'oublier



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J'ai fait ce poème dans mon cours de poésie.

J'ai pris les vers de Dylan Thomas, pour info.

    

Les milles couleurs de ma vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant