Il avale une bouchée de son sandwich au saucisson. Ses collègues, d'une voix grave, blaguent et rigolent, dépriment et fixent le sol d'un air pensif. Il y a ceux avec qui ça va, tellement qu'on se demande s'ils ne sont pas une autre race supérieur à l'être humain de base. Avec un esprit qui ne supporte pas les marres de sang, l'odeur de la merde qui les suit jusqu'à la douche, l'agonie qui fait serrer les dents devant sa propre impuissance.
Il mord dans la viande en tiquant une fois de l'œil droit alors qu'on entend une vache beuglée plus loin. Les collègues rient et élargissent la tâche de sang qu'ils ont sur la joue, sur les pommettes.
Il ne finit pas son casse-croûte, le remballe dans de son aluminium. Il se lève pour jeter son sandwich avant de sortir de la pièce. Les sons des beuglements s'amplifient à l'extérieur et Rudolf se retient de poser ses paumes sur ses oreilles devant ses camarades. Il sort du bâtiment et s'y éloigne pour atteindre sa voiture, il s'appuie contre celle-ci avant d'allumer une cigarette qui se consume très vite par ses longues bouffées à intervalles très courts.
Depuis enfant il ne cessait de se répéter que jamais il ne commencerait. Il avait pourtant quelques mauvaises fréquentations à l'adolescence. Il était le gosse qui faisait des leçons aux autres, qu'on pensait intelligent, ambitieux et possédant un bel avenir. Il le pensait aussi. Rudolf a commencé à fumer quand il s'est rendu compte qu'il s'était trop reposer sur ce que disait les autres, trop qu'il a fini un mardi, devant la maison de ses parents, quelques affaires à ses pieds, sans diplôme, sans argent, juste la majorité.
Il écrase le mégot au sol. Il frotte son visage de ses mains qui empestent le savon et désinfectant.
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Le monde est une vraie porcherie
Short StoryRudolf, à peine vingt-deux ans se sent mort. Il a l'impression d'être étripé comme ces bêtes qui sont livrées chaque jours et en quelques heures meurent atrocement. Aussi vite que sa passion s'est évanouie en quelques heures devant une grande porte...